Leur arrivée dans la capitale des vahnae, Eldasia, ne passa pas inaperçue. En effet, une foule acclamait depuis les balcons des tours la princesse de retour d’un voyage. Cela réconfortait toujours les eldars d’avoir leurs dirigeants protégés chez eux. Les Terres d’Hirgalia étaient effectivement loin d’être pacifiées. Au nord, les tribus barbares faisaient régner la terreur tandis qu’au Sud, les pillards Skavirs aggressaient les marchands mérones. Enfin, il n’était pas rare qu’un médiocre sorcier fasse une erreur de signe de rune et invoque un portail ouvrant sur le monde des morts, ou celui du Chaos, libérant ainsi des créatures affamées de sang et de cris.

Cinq peuples vivaient à Hirgalia : les menae, les plus nombreux, s’étaient établis sur les côtes, et sur les plaines de Fornost. Les mérones, société à la technologie assez avancée, préféraient les galeries souterraines. Seul le Haut Fortin, sorte de château en plus ramassé, ainsi que les terres alentour, étaient colonisées en surface par ces derniers, afin d’assurer les échanges avec le monde d’en haut. Les draks, les plus féroces, ainsi que ce qu’ils appelaient les « sous-races », gobelins, gnomes et trolls, habitaient les Plateaux de l’est. Les vahnae, la race la plus ancienne, s’étaient quant à eux réfugiés dans les grandes forêts d’Hirgalia. Ils n’aimaient pas trop les visiteurs, mais toléraient le passage de leurs domaines, sous condition de respecter l’environnement. Ce dernier abritait des créatures plus rares, comme les faëries, de petits être ailés, ou bien des fraones, des amas de rochers vivants qui se déplaçaient. Enfin, les plus mystérieux, les éthérés, vivaient au sein d’une cité gigantesque, au beau milieu des terres d’Hirgalia. Tol y était déjà allé, mais c’était comme s’il tentait de se rappeler d’un rêve. De plus, toutes les informations sur ce peuple, ses coutumes, ses traditions, étaient méconnues.

Les querelles et autres assassinats entre dirigeants du monde libre était fréquents, et les rivalités ancestrales étaient toujours actuelles. Seuls les éthérés ne se mêlaient pas des affaires du monde, et lors du Conseil des Cinq, une réunion rassemblant des centaines de personnes et décidant de l’avenir et des décisions communes, les ambassadeurs de ce peuple ne prenaient la parole que pour annoncer de terribles prophéties sur des machines volantes, des guerres longues et sanglantes ou encore sur la décadence des peuples.

Tol, qui assistait toujours à ce Conseil, les considérait comme des êtres étranges et fous. D’ailleurs, n’était-ce pas un groupe de ces êtres qui les attendait?

Après l’atterrissage et le bain de foule, Tol eut en effet la confirmation de ses craintes. Quatre grandes figures pâles et longilignes les regardaient depuis la cour d’honneur. Elles étaient surmontées de couronnes en ivoire blanc, et portaient de longues capes blanches. Avec son œil d’expert, Tol repéra immédiatement que les éthérés portaient des armures en dessous de leurs capes, avec leurs terribles cimeterres. Ainsi, ce n'était pas une visite de courtoisie. Le roi des vahnae situé sur la droite semblait mal à l’aise, et d’inhabituelles rides de soucis creusaient son front. La princesse s’inclina devant le roi, qui lui prit les mains :

- Mon enfant relève-toi. Je suis heureux de te voir saine et sauve. Comme tu peux le voir, nous avons beaucoup de choses à nous dire. Dépêchons-nous de rentrer.

Il se retourna, suivi par la lente et glissante démarche des éthérés. En levant le nez, Tol se dit que la capitale du royaume des vahnae était vraiment magnifique en comparaison avec Tournor, la ville sale et puante des menae qui accueillait la prison. De longues et hautes tours d’argent brillaient grâce aux rayons du soleil couchant. Les arbres en fleurs sentaient particulièrement bons et de nombreux cours d’eau traversaient la ville.

Les vahnae n’utilisaient pas les animaux comme bêtes de somme, et se déplaçaient uniquement à pied. Des jardins secrets étaient disséminés partout, pour la méditation ou le chant. Les maisons étaient en bois, ou plus rarement en pierre, mais avec toujours des façades recouvertes de lierre. Des gardes qui patrouillaient pour assurer le calme saluaient le prestigieux cortège en s’inclinant profondément. En traversant la cour d'honneur, ils arrivèrent au palais somptueux des vahnae.

Deux géants de pierre, situés de part et d’autre des portes de bronze, actionnèrent le mécanisme de leur ouverture et la salle du trône apparut à leurs yeux. Elle était en marbre blanc et scintillait grâce aux rayons rasants du soleil qui traversaient les vitraux multicolores. Une foule bigarrée applaudit l’entrée de la princesse et du roi. Tol se sentait toujours mal à l’aise devant tant de faste, lui qui appréciait les choses simples. Le roi s’assit sur son étrange trône en bois, et dit :

- Une nouvelle fois, bienvenue à tous, en s’adressant à la cour des vahnae. Comme vous le savez, ma fille vient de rentrer de mission, couronnée de succès et est revenue avec des informations préoccupantes. Je lui laisse la parole.

Alors que Mia se levait pour expliquer les faits, Tol, dans un coin sombre à sa droite, scrutait la foule avec attention. Des nobles vahnae, deux ou trois dirigeants humains, dont le puissant seigneur Ludwig von Valheim. Il était le roi de Dirjol et Tol le respectait pour sa force et son intelligence. On le surnommait le seigneur des brumes ou encore le roi maudit. En effet, son royaume était rongé par une malédiction et nul n’avait le droit de rentrer dans cette partie des terres des hommes. Le mystère planait, mais ce n’était pas ce qui intéressait Tol. Il ne cherchait pas une personne en particulier mais son instinct l’alertait d’un danger imminent.

-Vous savez tous que plusieurs meurtres ont été perpétrés dans différents royaumes. Ces assassinats horribles témoignent d’un pouvoir très puissant, et seuls quelques mages étaient capables de tels actes. C’est pourquoi nous avons envoyé un espion à Tournor.

Pendant que la princesse racontait leurs mésaventures, il vit une volute noirâtre planer au niveau du plafond. Discrètement, pour ne pas provoquer la panique, il lança un sort de détection sur cette masse sombre. Elle se contorsionna, et provoqua un léger éclair noir. Le silence tomba dans la salle. Plusieurs membres de l'assemblée levèrent la tête. Des murmures s'élevèrent. Mia s'interrompit, fixant la fumée. Le roi se leva de son siège, fronçant les sourcils. Tol vit Ludwig se diriger vers l'estrade. Des personnes apeurées par cette manifestation magique menaçante commençaient à se diriger vers la sortie, lorsqu’un Skaagh haut de deux mètres apparut par magie au niveau de la porte.

Le monstre quadrupède, possédait une peau lisse aussi sombre que la nuit. Sa mâchoire verticale écumait, sa queue hérissée d’épines balayait violemment le sol et trois yeux globuleux et verdâtres terminaient cette horreur ambulante. En un clin d’œil, il dévora deux vahnae qui n’eurent le temps de s’enfuir. Tol dégaina son épée, et chargea le monstre en poussant la foule qui le gênait. Arrivé au contact, il dut se baisser pour éviter un coup de griffe. En réplique, il trancha un bout du museau du Skaagh. Ce dernier recula en grognant, mais Tol fut plus rapide. Il prit appui sur la patte avant du prédateur, sauta, et abattit son épée dans l’échine du monstre. Ce dernier vacilla, les yeux devenus vitreux et s’effondra. Tol se retourna, l’épée sanglante, pour voir la volute descendre lentement vers le sol. Celle-ci prit la forme du sorcier Mirnan. Ludwig leva son bouclier magique autour de Mia et du roi. Plusieurs vahnae reculèrent en reconnaissant le bras droit du Nécromant. D'autres dégainèrent leurs armes. D'autres encore pâlirent d'effroi devant l'aura maléfique de l'apparition. Tol vit Mia serrer les poings et s'avancer, mais il l'intima de s'arrêter. Il ne fallait pas provoquer le sorcier, on ne savait de quoi il était capable. Mirnan déclara d’une voix d'outre-tombe :

- Impressionnant, en deux coups, vous avez battu un Skaagh adulte. Ça n’est pas donné à tout le monde.

Il se tourna vers la princesse et le roi :

- Je vous prie de me pardonner de ne pas être là en chair et en os mais je crains que l’accueil qui me soit réservé puisse gravement nuire à ma santé. Bien, pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis le sorcier du premier cercle runique Mirnan. Tout ce que je veux, c’est que vous cessiez d’envoyer de piètres espions comme lui, dit-il en désignant Tol, et que vous me laissiez tranquille. Je ne cherche pas la guerre, mais si vous persistez, je devrai prendre des mesures plus….. radicales.

Et dans un éclat de rire, l’apparition explosa dans un nuage noir. Alors que celui-ci se dissipait, Tol vit Ludwig faire disparaître son bouclier magique qu’il avait levé devant le roi et la princesse. Ces derniers se relevèrent en le remerciant. Ludwig s’approcha de Tol et lui demanda :

- Vous n’êtes pas blessé?

- Non tout va bien. En revanche, ce monstre a eu le temps de dévorer deux pauvres malheureux.

- Nous les pleurerons plus tard, intervint le roi. Il faut absolument que nous renouvelions les anti-runes. Prévenez le mage Fol-Melkhan qu’il a du travail.

Il se tourna vers sa fille :

- Il est temps de mettre en place notre plan, ma chère.

La princesse, d’un air grave, hocha la tête. Tol ne savait pas de quel plan ils parlaient. Cependant, il se doutait que cela devait être grave. Tournant les talons il se dirigeait vers la sortie pour parler à Fol, Ludwig le rejoignit :

- J’aimerai faire un tour avec vous, si vous le permettez.

Tol acquiesça puis reprit sa route. Il appréhendait la rencontre avec le mage. Celui-ci était particulièrement acariâtre et cela ne lui plairait certainement pas de savoir que ses précieuses anti-runes se soient révélées inefficaces.