Départ
Le lendemain matin, Tol descendit de l’hôtel où il logeait. La brume matinale était encore présente. En poussant la porte de la luxueuse auberge dans laquelle il dormait à chacun de ses séjours à la capitale, il aperçut les deux mérones juchés sur leurs poneys. Ils lui firent signe silencieusement et avancèrent leurs montures. Tol alla chercher la sienne dans l’écurie attenante à l’auberge, et sans un regard en arrière, il s’avança sur la route. Les trois compères dépassèrent les maisons de bois des vahnae, qui les regardaient craintivement de derrière leurs fenêtres. Karrorogar les rejoignirent, juché sur son Krann. C’était une bête velue et placide, à six pattes, que les draks utilisaient pour se déplacer. Il avait accepté que sa bête tire le chariot qui contenait les affaires du groupe. Enfin, Ludwig arriva crânement en armure d’argent étincelante et cape rouge, portant sa fameuse épée bleue à son côté, et chevauchant un destrier noir. L’uruk pouffa, les deux mérones levèrent les yeux au ciel, et Tol, agacé, lui dit sèchement :
- Nous devrons passer au travers de contrées inhospitalières, et je crains qu’une telle tenue soit inappropriée…
- Je le sais bien, rétorqua Ludwig. Je mets cette tenue uniquement pour signifier à nos hôtes mon rang, et pour qu’ils n’oublient pas qui ils envoient réellement sauver leur peuple.
Il releva la tête, et prit la tête du groupe. Arrivé aux hautes portes de la capitale, ils virent le roi, ainsi que Mia, qui les attendaient. Elle portait une tenue confortable et pratique pour toutes sortes de situation. Après avoir jeté un regard étonné à Ludwig, le roi se tourna vers Tol :
- Vos maints voyages vous ont permis de connaître les chemins secrets du monde. Soyez leur guide, vers les éthérés.
Il s’adressa au groupe :
- Le monde compte sur vous. Je suis désolé de vous envoyer vers l’inconnu, mais le temps presse, et les éthérés vous attendent. Ils sont la clé pour vaincre Mirnan. Allez, et que la lumière de l'Étoile d’Ibrasim vous accompagne.
Mia monta sur son cheval sans selle ni mors, murmura quelques mots à l’oreille de celui-ci, et prit la tête du groupe. Karrorogar la suivit, puis Mordran et Fildran. Tournant son regard vers les murailles couvertes de végétaux qui entouraient la capitale, Tol ferma la marche. La ville des éthérés était très complexe à trouver, car non-seulement la route pour y accéder est dangereuse, mais la cité est aussi protégée par la magie très puissante des éthérés. Cependant, grâce à la connaissance de Tol, ils pourraient atteindre leur but. De plus, ils étaient attendus, les éthérés n’en seraient que plus coopératifs. Le groupe chevauchait silencieusement, mais cela n’étonnait personne. Un tel groupe aussi hétéroclite, et formé autant à la hâte ne pouvait qu’être mal à l’aise au départ. Mia ouvrait la marche, connaissant particulièrement bien les alentours, et du fait qu’ils étaient encore en territoire vahnae, elle souhaitait également montrer son autorité. Après quelques heures de voyage dans le plus grand calme, ils arrivèrent aux portes de la forêt, et s’étendait devant eux la Plaine de Fornox, avec la chaîne de montagne des Hauts de Firmarg comme horizon. Après quelques secondes d’admiration du paysage, Mia se tourna vers Tol :
- A partir de maintenant, vous choisissez la route.
- Nous passerons par Boor, puis par Garlac. Ces deux villes sont contrôlées par de vieux amis, qui nous accueillerons avec joie. Allons-y.
- Où allons-nous loger ce soir? demanda Ludwig.
- En bordure de la route, il y a des fossés très accueillants, répondit Tol.
- Vous…. Vous plaisantez j’espère, s’étrangla le roi. Vous prétendez nous trouver une route sûre, et vous nous faites dormir à la belle étoile?
- Si vous n’avez plus rien à dire, nous pouvons y aller, répliqua Tol en ignorant la remarque de Ludwig.
Il donna un coup d’étrier à son cheval, qui avança au pas, suivi par le reste du groupe. Ludwig grommela, agacé par le comportement des autres, puis, forcé de reconnaître sa défaite, il reprit sa route. Après de nouvelles heures passées dans un silence assez morne, avec le soleil qui filtrait ses derniers rayons de soleil au travers des montagnes, le groupe s’arrêta au signe de Tol. Il descendit de cheval, se tourna vers les autres, et annonça :
- Nous nous arrêterons ici. Installez les tentes, je prépare le dîner.
Il disparut entre les arbres, ses dagues à la main. Mordran râla :
- Et c’est ainsi qu’il utilise nos chefs d’œuvre? C’est ridicule.
Il commença à tirer sa tente de son chariot, aidé par son frère. Peu à peu, le campement prit forme, abrité à la fois du vent par un amas rocheux, et à couvert de la route par quelques buissons. Tol ressurgit de la forêt, un daim sur chaque épaule. Le groupe se réunit autour du feu de camp, allumé par les soins de Karrorogar, celui qui semblait le moins dérangé par leur situation actuelle, après Tol lui-même. En attendant que les daims soient complètement cuits, maintenus au-dessus du feu par des broches, Tol expliqua :
- Nous avons encore trois jours de voyage à travers la plaine. La route ne sera pas compliquée à suivre, c’est tout droit. Nous arriverons alors à Boor. Deux jours plus tard, nous serons à Garlac. Après, il faudra nous concerter sur l’itinéraire. Soit nous prenons la route la plus directe, mais dangereuse, ou nous faisons un détour chez nos amis mérones.
Plusieurs voix commencèrent à se lever mais Tol leva la main et le silence retomba.
- Nous avons devant nous plusieurs jours pour choisir. Il ne faut pas se hâter, mais décider sur le long terme. Faites tourner la carte, et décidez en votre âme et conscience.
Alors qu’il s’apprêtait à se découper un part de viande, Mia se leva :
- Mes chers amis, nous formons un groupe, certes hétéroclite, certes formé à la hâte, mais nous devons être soudés et nous soutenir les uns les autres. Sans cela, nous courrons à notre perte, et….
- J’aime pas les beaux discours, et surtout pas quand je mange, coupa Mordran.
Mia ouvrit la bouche, mais Fildran enchaîna :
- Voir même, pas de discours du tout, c’est pas mal.
Et c’est dans un silence d’autant plus lourd qu’ils finirent leur repas et se couchèrent.
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