Introduction

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Le marchand Velstein se frottait les mains. Il avait encore fait une bonne affaire en vendant les parcelles du château du seigneur Droran. Ce vieux noble gâteux allait bientôt mourir, ce qui aurait entraîné une foule de prétendants et de jaloux pour les jardins magnifiques du dirigeant sans l’intervention miraculeuse de Velstein. Il avait toujours possédé l’oreille de Droran et le marchand l’avait persuadé de lui léguer ses terres. Vieil acariâtre insupportable, le seigneur était resté célibataire toute sa vie, et le choix du légataire était tout trouvé : Velstein, son précieux et seul ami, celui qui l’avait conseillé, guidé, celui avec lequel il aimait tout particulièrement discuter. Celui qui, enfin, l’avait trahi et s’était enrichi dans son dos. Les âpres négociations avaient durées jusque tard dans la nuit, et Velstein en était sorti éreinté mais victorieux.

Descendant une ruelle sombre, Velstein ne prêtait pas tellement attention à son environnement. Il méditait, cherchant un nouveau client à plumer. Soudain, un tintement métallique retentit derrière lui. Velstein se ressaisit brusquement. Il avait autrefois servi dans plusieurs corps d’armée, et ses réflexes, mêmes endormis, s’étaient vivement mis en alerte. Il scruta longuement les ténèbres. Pas un mouvement. Pourtant, il reconnaîtrait ce bruit entre tous : une lame dégainée. Il reprit sa route d’un pas plus rapide. Il jetait des coups d’œil de gauche à droite. Les rues perpendiculaires, sombres et sales, l’attiraient, tels des bras ténébreux. Il lui semblait qu’un assassin ou un voleur allait surgir de la noirceur à tout moment, voulant lui dérober sa nouvelle richesse. Non ! Pas maintenant ! Il ne pouvait pas mourir maintenant. Il avait tellement sacrifié, tellement renoncé pour ces millions, comment le destin aurait-il pu lui jouer un tel tour ?

Peu à peu, il accéléra, oubliant toute sagesse et tout son entraînement militaire. Il se mit à courir mais se fatiguait rapidement, toutes ses capacités et son endurance ayant fondues au cours de ses années de complots et de paresse physique. Cette nuit, Velstein aurait tout donné pour continuer à galoper, mais il n’en pouvait plus. Soufflant comme un bœuf, les jambes tremblantes et suant comme une serpillère, il reposa son dos contre un mur, surveillant la rue. Une nouvelle fois, pas un chat. Avait-il rêvé ? Était-il devenu paranoïaque dû au certificat de vente dans sa poche ?

Il se décolla du mur, et continua la route. Légèrement rassuré, un frisson d'inquiétude persistait dans on dos. Soudain, une tuile s’écrasa quelques mètres devant lui. Le bruit brisa le silence comme un coup de feu de pistolet mérone. Velstein fit un bond de deux mètres, et leva les yeux. Un gros oiseau nocturne le regardait de biais, d’un air presque étonné. L'ironie de la situation le fit rire nerveusement. Lui, le très bientôt milliardaire marchand, était effrayé par un vulgaire volatile stupide.

Il arriva devant un carrefour, avec une fontaine au milieu. Il s’assit sur le rebord. La fraîcheur de l’eau lui fit du bien, et calma son cœur affolé. Sa demeure n’était qu’à quelques rues, et dans peu de temps, il serait chez lui, en sécurité. Il allait reprendre son chemin, lorsqu’une silhouette sombre apparut dans l’encadrement d’une arche, près de l’intersection qu’il devait prendre. Paniqué, Velstein ne savait plus que faire. Se lever et courir, ou contourner l'ombre menaçant et prendre un détour ? Le marchand n’eut pas à faire un tel choix. La silhouette se rapprocha de lui à une vitesse hallucinante. De taille humaine, un long manteau noir lui tombant jusqu’aux chevilles laissait ses jambières apparaître. Il portait une capuche lui cachant la tête, ne laissant deviner qu’un masque métallique. L’ombre domina Velstein, qui ne pouvait plus échapper à son agresseur. Muet de terreur, le gros marchand était prostré contre le rebord, comme si elle allait le protéger. Une sueur froide lui coulait le long du dos, et ses jambes se mirent à trembler. Le même tintement sonna et, avec une nouvelle vague de peur, Velstein découvrit une dague dangereusement aiguisée, au profil atypique dans la main de son assaillant. D’une voix étouffée, l’ombre lui demanda :

- Velstein ?

Le marchand ne put qu’hocher la tête. L’ombre sembla sourire :

- Il est temps de mourir…

Et d’un mouvement fluide, il trancha la main gauche de sa victime. Velstein voulut pousser un hurlement, mais rien ne sortit de sa gorge. L’attaquant secoua la tête :

- Allons, gros porc, il ne faudrait pas que l’on nous dérange…

Il prit ses cheveux à pleine main, et frappa la tête du marchand sur le sol à deux reprises. Velstein sentit se dents se déchausser, et un goût de sang apparut dans sa bouche. Sonné, il tenta de se relever pour faire face, mais l’autre lui faucha les jambes, et Velstein retomba lourdement sur le sol. L’ombre lui dit, un sourire carnassier dans la voix :

- Tu sais quoi gros porc ? On a encore toute la nuit pour s’amuser toi et moi.

Velstein comprit qu’il ne finirait pas la nuit vivant. Alors il tenta de hurler une nouvelle fois. En vain.

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