Affrontement
Moos descendit prestement les escaliers de la tour, suivi par Mia, Ludwig et Tol. Les gardes qu’ils croisaient étaient tous en train de se réunir au pied du bâtiment. Voyant leur préfet en arme, les soldats se mirent à l’acclamer. Il semblait que Moos n’était pas qu’un simple administrateur, mais aussi un général compétent. La défense de la ville avait été considérablement améliorée sous son commandement, par l’instauration d’un corps d’armée officiel, chargé de garder la ville et de la défendre contre les sièges gobelins.
Dans les rues, les habitants inquiets referment leurs portes et leurs volets précipitamment. Arrivés à l’hôtel de ville, transformé en centre de commandement, Moos consulta ses lieutenants, qui lui firent un rapport de la situation. Il s’avérait que les gobelins avaient un nouveau chef et celui-ci avait décidé pour asseoir son autorité d’organiser un raid. Le groupe de Tol fut assigné au rempart nord, là où les gobelins risquaient d’être les plus nombreux. Ils avaient récupéré les mérones et le drak, qui n’avaient, malheureusement, pas eu le temps de comparer leurs capacités à endurer l’alcool. Arrivés au sommet des remparts, les six compagnons purent contempler l’armée gobeline. La marée verte grouillante faisait un vacarme assourdissant. Ils ne semblaient avoir ni tour de siège ni archers. Ils ne comptaient uniquement que sur leur surnombre. Autour d’eux, les gardes, menae et vahnae, s’amassaient sur les remparts. Ils étaient particulièrement bien équipés grâce à la guilde des forgerons de la cité. Les chefs d’escouades les encourageaient, et les plus jeunes ramenaient des fagots de flèches. La plupart semblaient habitués à ce genre de combats, mais certains pâlissaient devant l’immense vague verte, qui grossissait à vue d’œil.
Les alentours de la ville étaient très peu vallonnés, et cela permettait d’avoir une vue complète sur l’armée ennemie, qui ne semblait pas décidée à cesser de grandir. Les cors de guerre gobelins tonnaient, résonnant dans la plaine. Soudain, ceux de la cité leur répondirent, donnant le signal pour les archers. En un bruissement, tous encochèrent leurs arcs. Tol et Mia dégainèrent leurs épées. Mordran et Fildran pointèrent leurs armes. Karrorogar sortit ses couteaux. Ludwig, lui, avait pris la tête d’un petit groupe de soldats. Sa réputation de grand guerrier lui avait permis cette entorse au règlement du corps armé de la cité. Il tenait la position stratégique d’un escalier menant aux premières ruelles. Une deuxième salve de sonnerie, et une volée de flèches partit en sifflant s’abattre sur les lignes ennemies. Les premiers rangs des gobelins mordirent la poussière, ralentissant considérablement la charge. Cependant, ils étaient encore très nombreux. Tol estimait que le rapport était de un pour dix, au moins. Ils devaient encore parcourir 600-700m avant d’atteindre la cité. Les bannières de fortune des gobelins claquaient dans le vent, et leurs chants criards parvenaient aux oreilles des défenseurs. Ils eurent encore le temps de tirer quatre volées, avant que les gobelins n’arrivent enfin aux pieds des murailles. Des échelles en bois mal taillées commencèrent à apparaître près des créneaux, que les gardes s’empressaient de repousser. Voyant ces créatures des marais de près pour la première fois, Tol fut surpris par leur endurance et par leur agilité. Ils étaient assez petits, trapus, la peau verdâtre, les yeux globuleux et les dents limées en pointe. Ils portaient des armures couvertes de pics empoisonnés, et des armes primitives. Ils se ruaient sur les gardes, enfonçant leurs dents dans le cou, et plantant les pics dans le corps. Cette technique de combat était meurtrière pour ces êtres, du fait de la résistance des armures des gardes. Il suffisait à un bon épéiste de faire attention, d’attendre le bon moment, et enfin d’embrocher son adversaire. C'est ainsi que beaucoup de gobelins tombèrent durant les premières minutes de la bataille. Cependant, ils étaient trop nombreux pour pouvoir tous les contenir, et certains commençaient déjà à prendre pied sur les chemins de rondes.
Des monceaux de cadavres s’amassaient déjà, rendant le sol glissant. Une épouvantable odeur de charogne s’élevait. Tol et Mia se battaient dos à dos, fauchant de leurs lames la vermine par dizaine. Usant de ses années de pratique, il fendait, taillait, parait, tourbillonnait, le rendant presque impossible à suivre des yeux. Mia, elle, usait de sa mana puissante, incantant des runes de panique, pour mieux user des leçons d'escrime de son maître à côté. Pendant une courte accalmie, entouré de monceaux de cadavres, Tol vit Mordran, Fildran et Karrorrogar qui tenaient à eux trois un poste de garde. Le drak visait avec une précision diabolique, et Tol pouvait entendre les sifflements de ses couteaux. Mordran faisait usage de son marteau, fracassant les crânes de ses adversaires, clairsemant leurs rangs pour faciliter le travail des tireurs, tandis que Fildran faisait parler la poudre. Tol se tourna de l’autre côté du rempart. Il vit Ludwig qui lui lançait des éclairs depuis des escaliers, et usait de sa claymore pour faire reculer les plus téméraires. Ralliant à lui un groupe de défenseurs, il maintint en respect une escouade de gobelins. Parant la maladroite fente d’un attaquant, Tol le repoussa contre le mur d’un coup de botte et l’empala. Il se tourna alors vers le reste des défenseurs. La ligne semblait tenir, et les premiers gobelins redescendaient les échelles. Des gobelins mieux armés semblaient vouloir les retenir, mais peu à peu, ces chefs se retrouvaient seuls. Après quelques minutes de combats intenses, les cors des gobelins retentirent et, sous les huées des défenseurs, ils se replièrent. Le groupe se retrouva, exténués mais indemne. Mordran leva fièrement son marteau :
- Soixante-quinze!
- Oh ça va, répondit son frère, tu étais en première ligne, ça ne compte pas.
Il allait ajouter quelque chose, mais Tol le coupa :
- Nous devons aider les blessés. On se retrouve à la tour.
Les mérones hochèrent la tête. Mia et Tol passèrent de blessé en blessé pour appliquer les runes de soin. Peu de morts, mais beaucoup d’empoisonnements et de blessures légères. Après quelques heures harassantes de soin, le groupe et Moos se retrouvèrent dans la tour. Le préfet était en train de consulter les cartes de la région. Il releva la tête, et les remercia :
- Mes chers amis, vous nous avez été d’une grande aide aujourd'hui, et nous y serions encore sans vous. Les provisions sont prêtes, mais si vous souhaitez dormir ici, aucun problème.
Ludwig eut un regard implorant envers Tol, qui hésita. Ils ne pouvaient se permettre de prendre du retard, mais ils étaient tous encore exténués de la bataille. Après quelques instants de silence, il annonça :
- Nous partons demain à l'aube.
Moos eut un grand sourire et appela son garde personnel :
- Réservez six chambres au Poney d’argent, à mon nom.
Le garde eut un haussement de sourcils, connaissant le prix exorbitant d’une chambre dans cet établissement, s’inclina et sortit par la même porte. Le groupe prit congé de Moos, qui avait encore des plans à fomenter.
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