Tunnel
Tol rouvrit les yeux, ayant l’impression qu’il venait juste de les fermer. Il se redressa, et comprit ce qui l’avait réveillé en voyant la porte s’ouvrir. Son instinct l’avait averti d’un danger potentiel. Il sortit lentement un stylet de sa botte, et le remit aussi sec en reconnaissant Leonnick. Tol se leva, et eut un mouvement de recul en le voyant tituber. Le capitaine tomba sur les genoux, tenant son ventre des deux mains. Tol accourut à son secours, et grimaça en voyant la vilaine blessure du capitaine. Ce dernier, dans un râle, chuchota à Tol :
-Nous n’avons rien pu faire. Ils arrivent…
Il ne put terminer sa phrase et s’effondra sur le sol. Tol eut quelques pensées pour ce guerrier tombé pour sa ville. C'est seulement à ce moment qu’il entendit les bruits métalliques et l’odeur du feu. Il réveilla au plus vite ses compagnons, les exhortant à se remuer. Mia fut immédiatement debout, mais les deux mérones mirent plus de temps à se lever. Tol les secoua, puis réveilla Ludwig, qui mit un moment à émerger. Karrorrogar était déjà debout, les armes à la main, surveillant la sortie. Ils sortirent enfin, et dévalèrent les escaliers en colimaçon de la tour. Ils pouvaient voir les flammes de la ville au travers des meurtrières. Arrivés dans la cour, la fumée et les cris les assaillirent. Les gardes couraient partout, certains en armes encadrés par leurs officiers, d’autres en simple chemise de nuit portant des seaux d’eau. Ce que Tol reconnut comme la réserve de nourriture était en feu, et le commandant organisait le maintien de l’incendie. Des archers surveillaient les remparts de la caserne, et plusieurs patrouilles rentraient précipitamment, couvertes de cendres et de sang. Tol fit signe au groupe d’attendre, puis courut vers le commandant. Ce dernier le reconnut, et lui cria, par-dessus les ordres des officiers :
- Allez-vous en, vite ! Les moines ont organisé un raid, ils veulent tout brûler. Nous comptons les retenir, mais nous ne pourrons pas sécuriser toute la ville.
Il pointa du doigt une porte dérobée, derrière la tour :
- Enfuyez-vous par la porte de derrière, ils ne vous suivront pas !
Tol acquiesça, et après un hochement de tête et d’une brève poignée de main avec le commandant, il reprit la tête du groupe et fonça vers la porte. Ludwig fermait la marche. Il referma derrière lui, faisant taire le vacarme et éteignant la lumière des incendies. Mordran murmura une rune, et éclaira la pièce du bout de ses doigts, qui se mirent à luire. Sentant le renfermé, elle forçait Karrorrogar à se pencher légèrement pour qu’il puisse passer. Des poutres en bois soutenaient le plafond, et des vieilles caisses en bois finissaient de se décomposer. Fildran imita son frère, et éclaira la partie plus avant de la salle. Un tunnel s’enfonçait dans de noires profondeurs. Mordran s’avança, et tendit l’oreille. Tol savait que les mérones s’orientait parfaitement dans les tunnels, c’est pourquoi il le laissa faire. Mordran se pencha, et murmurant dans sa barbe, il frotta le sol. Fildran observait fixement le tunnel, y cherchant quelque chose que personne d’autre ne pouvait voir. Le premier se releva, et annonça :
- Nous avons quinze mètres de tunnel tout droit. Deux intersections, une à gauche, et une à droite. Ça remonte environ sur une trentaine de mètres, puis c’est la sortie.
Son frère enchaîna :
- Il n’y a personne, je crois.
- Tu crois, demanda Tol en haussant les sourcils, ou tu es sûr ?
Le mérone parut embarrassé.
- Je.. je suis presque sûr qu’il n’y a aucun menae, ni mérone. Je… je crois qu’il n’y a personne.
Tol se tourna vers Mordran, qui fixait à son tour le tunnel. Il haussa les épaules. Cela ne suffisait pas pour le guerrier, mais il devait faire avec. Il fit signe à Mordran, qui s’engagea dans la cavité. Elle était grossièrement taillée, et au vue de la poussière qui y régnait, peu utilisée. L’odeur de renfermé s’accentua, gênant l’odorat des vahnae et des mérones. Au bout de quelques minutes, un cliquetis se fit entendre. Le groupe s’arrêta, silencieux. Le cliquetis se répéta, devant eux à cinq mètres estima Tol. La lumière ne pouvant atteindre cette distance, il fit signe aux mérones de charger leurs pistolets. Mia avait déjà bandé son arc. Karrorrogar s’était assis en tailleur, et murmurait une incantation. Tol se retourna vers l’obscurité, dégainant son épée. Ludwig couvrait leurs arrières. Le cliquetis retentit plus fort, suivi d’une démarche traînante. Une silhouette apparut dans le cercle de lumière. Il s’agissait d’un menae, mais différent. Tol plissa les yeux, et eut un mouvement de recul. Les mérones jurèrent à l’unisson. Deux pattes arachnéennes dépassaient du dos de l’apparition. Le cliquetis venait de sa bouche, où deux crocs verdâtres écartaient les commissures de ses lèvres.
Mia lâcha sa flèche, qui vint se planter au niveau du poitrail. Le monstre vacilla, et reprit sa démarche traînante. Soudain, Tol perçut d’autres cliquetis devant, encore dans l’obscurité. Plus inquiétant, d’autres cliquetis résonnèrent derrière eux. Comment diable avaient-ils pu les manquer ? Les mérones firent feu. La première balle éclata la jambe droite de l’horreur, et la deuxième lui perfora le crâne, projetant du sang vert dans le tunnel. N’ayant pas le temps de recharger leurs armes, ils dégainèrent leur marteau et hache respectifs. Poussant un cri de guerre à l’unisson, ils chargèrent les monstres. Tol se retourna, et aperçut Ludwig et Karrorrogar aux prises avec d’autres monstres. Le drak avait incanté un petit feu follet, qui éclairait la scène. L’humain donnait des coups de tailles, tandis que l’autre avait sorti une grande dague. Les monstruosités étaient capables de grimper sur les murs, et de plus en plus sortaient des trous des murs. Mordran, Fildran et Mia commençaient à repousser les vagues en avant, mais ils s’éloignaient du reste du groupe.
Tol sortit une fiole de sa sacoche. Il aurait préféré ne pas l’utiliser, mais il n’avait plus le choix. Il déboucha la bouteille, qui contenait une solution verte. Des petites runes apparaissaient et disparaissaient à l’intérieur, frêles lumières brillantes. Il inspira un grand coup, et la vida cul-sec. Le temps ralentit, et les combats semblaient presque s’arrêter. La grotte s’illumina, révélant aux yeux de Tol tous les recoins sombres de la grotte. Il y avait trois fois plus d’ennemis qu’il ne le pensait. Il cria aux deux autres de rejoindre le reste du groupe, et fonça sur les monstres. Il dégaina sa lame en un éclair. Les monstres ne semblaient pas bouger, comme pris dans une toile épaisse. Il évita facilement les pattes chitineuse, et commença le massacre. Les pattes volaient au ralenti, coupées par sa lame. Il se baissait, tournait, virevoltait au milieu des ennemis, les éliminant un par un. Il se retourna brièvement. Karrorrogar et Ludwig le regardaient fixement. Il fit un geste pour les inciter à partir. Il se retourna, et regarda les monstres. Ces derniers semblaient s’être multiplier. Une odeur fétide s’élevait dans la grotte mal aérée.
Il raffermit sa prise sur son pommeau, et les chargea une nouvelle fois. Il conservait sa concentration, prolongeant les effets de sa fiole. D’un seul coup, il décapita cinq monstres. Il se baissa pour esquiver un coup lent de patte, donna un violent coup de pied à un autre qui s’écrasa contre le mur en un craquement. D’un moulinet, il fit reculer un rang d’ennemis. Soudain, une douleur, comme une brûlure, lui remonta dans le bras. Le contre-coup de sa potion commençait à apparaître. Si cette mixture lui permettait d’aller plus vite, de voir dans la nuit et de frapper plus fort, mais lui réchauffait le sang violemment. Cela pouvait aller jusqu’à l’auto-combustion, mais les runes défensives l’en protégeait. Pas des coups de chaud. Sa vue commençait à se brouiller. Il ne se battait qu’à l’instinct, le fatiguant trop rapidement. Il se retourna un dernière fois, pour voir avec soulagement Ludwig et Karrorogar s’éloigner. Il ne put sentir le coup sur la nuque, ni le sol froid accueillir sa joue lors de sa chute. Il s’était déjà évanoui.
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