Lettre 2
Je ne sais pas vraiment ce qui me prend d'écrire cette lettre. Un élan d'espoir, probablement. Elle sera sûrement mal rédigée ; on m'a souvent reproché d'être maladroit dans mes propos. Les mots me manquent. Ça tombe bien, on dit que ce ne sont pas les longues descriptions qui sont les plus puissantes, mais les propos précis, révélateurs, ceux qui touchent en plein cœur. Alors je me lance.
Je peux enfin t'écrire, et je ne connais même pas ton nom. J'espère que je ne t'ai pas froissée en évitant les formules d'usage. Ce texte est particulier, mais je peux te promettre qu'il est sincère.
On s'est déjà croisés, dans les couloirs de l'école. Tu as toujours le nez plongé dans un roman. J'ai essayé de m'approcher pour lire le titre, mais la foule autour de nous m'empêchait de le découvrir sans que je ne passe pour un indiscret. Ça m'a vite découragé, alors je préfère te le demander directement.
Qu'est-ce que tu pouvais bien lire en ce jour pluvieux d'octobre ?
J'ai pu m'informer auprès de l'une de tes amies ; elle a accepté de glisser ce billet dans l'un de tes recueils préférés, mais elle a refusé de me dire comment tu t'appelais.
Je ne vais pas passer par quatre chemins.
Quel est ton nom ?
J'ai conscience que ça peut paraître déplacé. Un ami m'a dit que c'était stupide de t'écrire pour te connaître, que plus personne ne faisait ça. Qu'aborder quelqu'un par correspondance n'avait rien de délicat, que les filles n'aimaient pas être brusquées. Je suis désolé. Tu peux toujours choisir de ne pas me répondre, cette lettre t'appartient.
En cas contraire, insère ta réponse dans "Les amoureux de Sylvia" d'Elizabeth Gaskell, rayon roman de la bibliothèque. Personne ne vient le lire, les lecteurs ici ne portent aucun intérêt à ce genre d'histoires.
Heureux d'avoir enfin pu t'écrire,
xxx
PS : Tu auras mon nom seulement si j'ai le tien avant. Une parole est une parole.
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