CH2 JOAO

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Je vois des spirales tatouées sur ton avant-bras. Tu poses ta main sur mon ventre et tu me dis que notre enfant s’appellera Ulysse. Sur le chemin de tes origines, dans les favelas, je devine ce vide en toi. Je me souviens de nous trois dans les hamacs, sur la plage.

Ulysse et moi, nous étions ta seule famille. Ces souvenirs me soulèvent loin du monde réel. J’ai rejoins la falaise. Je regarde le phare. Sa lumière n’a pas suffi à te sauver. La terre continue de tourner et se moque bien d’une vie perdue. Ulysse me supplie de lui ramener son papa. Il a neuf ans. J’entends sa petite voix venue du passé.

La boucle d’oreille égarée, c’est comme si je te perdais encore. Après toutes ces années, ce sentiment d’impuissance est toujours vivace.

Je regarde l’océan. Il est calme. J’ai du mal à croire qu’il peut être sauvage et cruel. Des récifs et des îlots se dessinent sous la lune. Et plus loin, une île. Cette île, je la vois pour la première fois. Elle est différente de toutes celles que j’ai pu voir. Après de longues minutes de réflexion, je m’entends dire à voix basse, mais une île de lumière ça n’existe pas.

Je regarde en direction de la crique. Un voilier attend. J’utilise le cordage accroché à la paroi abrupte. Je serre la corde dans ma paume, prenant soin de bien placer mes sandales dans les petits creux. Je laisse sur la plage mes chaussures remplies de sable. J’avance dans l’eau salée. L’embarcation est modeste. Elle peut accueillir un seul passager. La voile blanche se gonfle. Le bateau navigue sans capitaine. L’île de lumière est un aimant. Ni le voilier ni moi ne pouvons y résister.

L’océan s’est assoupi. Des ombres grises et noires parcourent sa surface. La traversée est de courte durée. J’accoste. L’île est une forêt. Les arbres sont des géants. Leurs racines s’enfoncent dans le sable clair. Je lève les yeux. Les feuillages sont transpercés par des lumières douces. On dirait qu’on y a déposé des lanternes ambrées.

Je m’enfonce dans la forêt. Quelle végétation ! La mousse est abondante. Je reconnais des campanules bleutées, des fleurs de carotte, de l’ail sauvage et du cresson. D’autres fleurs avec des nuances allant du bleu cobalt au bleu de sienne, du jaune moutarde au jaune d’or. Plus loin, je me retrouve au milieu d’un champ de pissenlits en fleur. Je ne peux pas résister et je souffle sur les aigrettes. Je prononce un vœu.

Je m’approche d’un arbre, le plus grand d’entre tous. Je touche son écorce. Il me communique son grand âge et sa joie immense. Un torrent d’eau pure coule dans mes veines. Je suis lavée de mes angoisses, de mes peurs et de mes regrets. J’ai une autre vision de la vie et des êtres vivants. Je me libère du fardeau de l’humanité, de ses guerres et de ses souffrances, de ses injustices et de ses atrocités.

Entre les arbres, sous une lumière laiteuse, je vois un animal au pelage de feu. Il est immobile. Je n’ose pas bouger de peur de le faire fuir. Sa couronne de bois lui confère une part d’immortalité. Je sens son regard d’ombre sur mes tempes. Derrière le cerf quelqu’un s’avance. L’animal fait demi-tour et disparaît.

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