Des Bananes et des Balles
Ce texte s'inscrit dans le cadre du défi lancé par Julien Neuville, qui nous incitait à écrire une nouvelle détournant un objet du quotidien !
Il citait en exemple: une banane à voyager dans le temps, un bloc-notes fantôme...
Je l'ai pris au mot choisissant justement la banane - mais pas n'importe laquelle hein, celle d'Andy Warhol - mais aussi... des balles de golf. C'est un clin d'oeil que seuls ceux qui me suivaient lors de mes tout débuts littéraires comprendront. Désolée pour les autres.
C'est ce texte qui a inspiré l'illustration de cette oeuvre "fourre-tout".
Si vous le souhaitez, vous pouvez vous amuser à compter les références à la banane ou les clins d'oeils musicaux. Voire ceux qui touchent à la fois à la banane et à la musique, il y en a plus d'un.
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Dans quel pétrin avais-je bien pu me fourrer ?
En retrouvant Nico et Céline, je n’avais aucune idée de l’aventure dans laquelle je m’embarquais.
Céline semblait sûre de ce qu’elle affirmait : Lio s’était cassée en Croatie sans rien dire avec le sac et la marchandise. Un Louis Vuitton Taiga Outdoor bleu, le sac à lui seul valait près de 2500 euros. Une broutille à côté de la valeur de ce qu’il contenait. J’enrageais de savoir notre butin envolé dans une banane à Split. Nous n’allions pas nous laisser faire ainsi.
Nico faisait partie de la scène underground de la capitale belge. Aussi, lorsqu’elle eut demandé à Andy de lui prêter son hélicoptère, n’eut-elle même pas à lui dire « Dis moi oui ». L’artiste acquiesça sans hésiter. Moi, je n’avais même pas compris si le dit hélicoptère, un CH-47, se trouvait chez Andy ou à Rome.
***
En débarquant dans la ville dalmate, une surprise de taille nous attendait. Cette salope de Lio n’était pas seule, elle avait poussé le vice jusqu’à séduire René, le mec de Céline. Les deux tourtereaux se pavanaient sans complexe. Le vieux cochon semblait avoir rajeuni de dix ans, il avait la banane sur les lèvres et la coiffure ridicule des rockers des années 50. Lio, elle, avait l’air de tout sauf d’être sage comme une image. Deux amoureux solitaires, ils allaient bien vite voir que les brunes comptaient pas pour des prunes. Fallait pas commencer, bordel !
Mais de banane, pas de trace. J’imaginais bien qu’ils n’allaient pas se balader avec, ils l’avaient probablement laissée en sécurité à l’hôtel. Aussi les avons nous suivis. Convaincre la femme de chambre de nous filer le double des clés avait été un jeu d’enfant.
— Ma yé né peux pas vous donner la clé … yé né lé ferais pas pour tout l’or Del Monte.
— Hola Chiquita, on ne te demande pas ton avis. Envoie !
***
Et nous voici donc, trois petits rats d’hôtel, rasant les murs au beau milieu de la nuit. Nico fait le guet dans le couloir tandis qu’avec Céline, je pénètre dans la chambre et tente de mettre la main sur le butin. Les amoureux, complètement recouverts par le drap de lit, ne remarquent même pas notre présence. Seul l’homme émet de temps à autre un grognement de satisfaction, je suppose qu’il rêve.
C’est à ce moment que je distingue la forme sur la table de nuit. Aucun doute. Je m’approche à pas de loup. Deux mètres. Un mètre. Je tends la main. C’est à ce moment que René m’agrippe et s’écrie :
— CECI N’EST PAS UNE BANANE !
De son autre bras, il rejette le drap, arrachant à Céline un cri de surprise. Car contrairement aux dires de l’artiste surréaliste, il n’y a aucun doute sur la nature de la gâterie que la demoiselle prodigue au bonhomme.
Ils bondissent tous deux et s’enfuient sans demander leur reste, poursuivis pas Céline en furie qui leur hurle :
— NE PAAARTEZ PAS SANS MOIII !!
***
J’ai finalement mis la main sur le sac. Il était tout bêtement caché en dessous du lit.
— Ouais. Ce que je ne m’explique pas, c’est que tu te sois attardée sur place. Si tu t’étais cassée fissa, on ne t’aurait jamais retrouvée.
Le premier flic est mignon mais pas très futé. C’est peut-être ma chance. Je n’en avais pas eu moi quand, essayant de m’échapper, j’avais glissé sur un truc lisse et jaunâtre. L’instant d’avant, j’avais la peau lisse aux fesses et dans la seconde, un bleu pas possible.
Résultat, me voilà coincée dans cette salle d’interrogatoire. C’est le deuxième flic qui attaque. Un obèse aussi chauve qu’on puisse l’être. Un croisement entre Kojak et le Professeur Foldingue. Faudrait le mettre au régime.
— On sait qu’t'avais une complice. On a pas pu la choper mais tu vas nous donner son nom.
— Vous ne savez rien. Je veux un avocat. Et puis vous avez récupéré le contenu du sac, non ? Moi je n'ai rien fait. Pourquoi vous acharner ?
Les flics échangent un regard. Le plus malin des deux pose ses mains sur la table et me regarde droit dans les yeux. Son ton se radoucit.
— Tu sais très bien ce qu’il y avait dans le sac, n’est-ce pas ?
— Aucune idée.
— Ah non ? Les prix du tournoi de l’open de golf de Dubaï, ça te dit rien ? Vingt balles de golf en or 18 carats, jamais entendu parlé peut-être ?
— J’en sais fichtrement rien. Et encore une fois, où est le problème puisque vous l’avez récupéré ce sac ?
— Ouais c’est ça. Mais y avait que seize balles dans le sac, alors te fous pas de ma gueule ma jolie. OÙ SONT LES QUATRE AUTRES ??
Je me fais violence pour ne pas sourire.
— Je ne comprends rien à vos histoires. Je veux un avocat.
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