Chapitre 9 :
Je posai brusquement ma tasse de café et la regardai les yeux grands écarquillés. Parlait-elle vraiment du même Dorian ? À en voir sa tête, cela n’en faisait aucun doute. Elle parlait du Dorian que je connaissais, mon pote depuis la quatrième. Celui qui n’avait jamais eu de petite amie. Celui qui n’avait jamais rien ressenti pour une personne. Et je venais d’apprendre qu’il était père.
— Dis-moi. Tu parles bien du même Dorian auquel je pense ? questionnai-je pour me rassurer en espérant que cela ne soit pas le cas.
— Oui…
J’entrouvris légèrement la bouche, mise sous le fait accompli. Dorian… Je secouai la tête et me penchai pour poser mes coudes sur la table. J’essayai de réfléchir correctement. Comment réagirait Dorian ? Que voudrait-il ? Je ne savais pas comment il le prendrait. Tout ce que j’étais certaine, c’était que je le voyais très bien en rôle de père. Vraiment très bien. Je relevai les yeux vers Vanessa qui fixait sa tasse de café, sans se soucier de soin mascara qui avait coulé.
— Vanessa, sincèrement. Il faut que tu sois honnête avec lui. Tu passes souvent à la maison faire tes affaires avec Nathan, je ne pense pas qu’il t’en voudra de parler à un vieil ami.
— Je ne pense pas que j’arriverai à lui dire ! Laurianne ! Je n’y arriverai pas. Pas face à lui, pas toute seule.
— Et pourtant il va le falloir ma chère. Dorian est mon ami, il a le droit de savoir, puis le connaissant, il ne refusera pas son rôle de père et sera parfait. Je préfère que cela soit toi qui lui dise, car il est à toi cet enfant. Sinon… Je me sentirai obligé de lui dire, et je ne préférerais pas.
— Je n’y arriverais pas…
— Vanessa ! Dorian a le droit de savoir qu’il est père. Et c’est à toi de lui dire. Quand est-ce que tu vas à la maison ? demandai-je.
— Cette après-midi.
— Alors cette après-midi tu vas lui dire, si tu ne lui dis pas, je lui dirais ce soir, décidai-je.
Vanessa me regarda désespérée et je lui pris la main et lui souris tristement. Pour moi c’était clair et net, Dorian devait savoir. Cela lui tomberait sûrement sur la tête, mais j’étais là pour l’aider, Mallo aussi. Il ne serait pas seul, Vanessa non plus ne serait pas seule. Il fallait bien les aider.
Ma colère contre Vanessa s’était un peu apaisée. Je lui en voulais toujours un peu, car elle et Nathan étaient en couple juste pour des nuits torrides et que j’étais vexée du fait qu’elle ne m’ait pas parlé de sa grossesse. Mais je comprenais que cela avait été dur pour elle. Notre amitié ne serait plus jamais la même, je ne sais même pas si elle tiendrait tout court. Je verrai avec le temps si notre amitié pourrait revivre. Je la saluai et me levai. Je devais partir pour ne pas être en retard en cours. Je laissai un billet de cinq euros à Carl et le saluai d’un geste de la main avant de sortir.
Cette fois-ci, je fis mon trajet à pied. Je repensais à chaque fois à Vanessa. Elle avait un fils… Et c’était pour cela qu’elle était partie, qu’elle s’était éloignée de moi. Je regrettai qu’elle n’ait pas eu la confiance de m’en parler, le courage d’en informer Dorian. Maintenant, tous ce qu’elle avait repoussé au lendemain, le passé l’avait rattrapée à grand pas. Elle allait devoir faire face aux conséquences de ses choix passées, et surtout, cette fois avouée, ce qui c’était réellement pour qu’elle parte. Je savais qu’elle allait réussir, Vanessa était une femme forte. Elle y arriverait, je n’en avais aucun doute. De toute façon, j’étais là pour lui forcer la main.
Je sors mes écouteurs puis les plaça dans mes oreilles. J’écoutai en boucle Cain de Cousin Marnie et Hard Time de Seinabo Sey. J’aimais bien écouter de la musique dans la rue. J’avais l’impression d’être vraiment dans mon monde, j’étais en toute liberté, je me sentais comme indépendante. Je marchai donc un moment avant d’atteindre mon université, je consultai ma montre. J’étais encore en avance… Cela ne changeait pas vraiment de mes habitudes même si cela m’était déjà arrivée d’être quelques fois en retard. Je rentrai dans le bâtiment et me posai sur un banc à l’intérieur. Il était juste en face du tableau d’annonce où plein de feuilles étaient accrochées. Je ne lisais pas très souvent les annonces qui pouvaient y avoir dessus, je n’y prêtai que très peu d’attention car je venais essentiellement à l’université dans le but de devenir journaliste. Je posai mon sac à mes côtés, comme pour dire « que personne ne s’assit à mes côtés ! » et sortit mon portable de ma poche. Je baissai un peu la musique pour savoir quand je pourrais aller en cours, et envoyai un long message à Nina pour lui raconter toute ma discussion avec Vanessa.
Dorian doit être informé. Il doit le savoir.
C’était ce que Nina m’avait répondue. Au moins, je n’étais pas la seule à être d’accord sur cette décision, et j’espère vraiment que Vanessa allait prendre son courage à deux mains, et parler à Dorian cette après-midi. Alors que je mis mon portable en veille, il se ralluma en vibrant. C’était Nathan qui venait de m’envoyer un message. Est-ce qu’il comptait m’en envoyer tous les jours maintenant qu’il avait mon numéro ?
Tout s’est bien passé ? Tu as eu les informations que voulait ?
Je ne compris pas tout le sens de ses deux questions, et je ne me creusai pas la tête à les chercher, je répondis ce que je voulais. Tant pis si cela répondait à côté de la question. Je n’arrivais pas à décrypter le ton dans lequel il m’envoyait les messages, s’il était en colère ou juste curieux. Mais je devais sûrement ne pas me fier à cela, à chaque fois, j’avais l’impression qu’interlocuteur était en colère contre moi, ou me faisait la gueule. Et la plupart du temps, cela s’avérait être faux. Je ne me fiais donc pas à mon ressenti.
Oui, j’ai obtenu des informations auxquelles je ne m’attendais pas et d’autres que je voulais obtenir.
Sa façon d’écrire des messages avaient changé avec le temps. À l’époque, il utilisait des abréviations d’adolescents, et faisait plein de fautes lorsqu’il écrivait des phrases en entières. Maintenant, son écriture faisait beaucoup plus sérieuse, les abréviations étaient parties, et il faisait moins de fautes, beaucoup moins de fautes même s’il en avait encore un petit peu, et, il avait l’air de réfléchir aux phrases qu’il allait mettre. Comme s’il essayait de trouver la formulation parfaite, les mots appropriés, la ponctuation la plus convenable. Tous ces messages si minutieusement écrits avant l’envoie faisaient très sérieux et calculés. Mais Nathan n’était-il pas un peu comme cela ? Si quand même.
Elle t’a aussi dit que l’on avait aucun sentiment l’un envers l’autre. Tu es rassurée.
Je fonçai les sourcils. Où voulait-il en venir ?
Rassurée ?
J’arrêtai la musique et rangeai mes écouteurs dans mon sac. Je les pris et me relevais en prenant mon sac, le posant sur une épaule. Kristia arriva et je l’écoutai à moitié, monologuer sur les problèmes de santés de sa pauvre et vieille grand-mère. Quant à moi, je restais, je restai troublée par les messages de Nathan. Qu’était-il devenu ? Je canalisai une partie de mon cerveau pour y réfléchir alors que j’enregistrais les phrases qui sortaient de la bouche de Kristia. Mon portable vibra et je regardai.
Je te connais.
J’en eus un frison. À quoi était-il en train de jouer ? Nous étions des adultes maintenant, plus des adolescents. Ce n’était plus le moment, ni l’époque de jouer. Il y avait toujours une part d’immaturité en lui, qui avait l’air de rester pour toujours. Et ce fragment de lui n’attirait pas curiosité, car je ne savais pas à quoi il voulait jouer. Et encore moins avec moi. Il n’avait pas peur de se brûler les ailes en s’approchant trop près du feu. Je me rappelai à quel point il aimait jouer au jeu vidéo à l’époque, c’était comme tous les garçons de son âge, mais il avait l’air d’avoir toujours gardé cette envie de jouer. Sauf que nous n’étions pas dans un monde virtuel mais dans le monde réel, c’était un jeu dans le vrai monde. Ce n’était pas un ordinateur avec qui il cherchait à jouer, à vaincre, à perdre, ce n’était pas une machine son adversaire. C’était avec moi qu’il voulait jouer à ce jeu-là. Seulement avec moi.
— Laurianne ! Tu m’écoutes ?
Je sursautai et failli faire tomber mon téléphone. Kristia me dévisagea et je m’excusai en rangeant mon téléphone dans ma poche. Heureusement pour moi, même si elle était une personne très curieuse, elle ne me posa aucune question sur l’identité de mon interlocuteur et le sujet de la discussion. Je n’avais pas le temps de répondre à Nathan, et cela me tuait d’avoir de telle conversation, qui plus est, avec lui. Comment pouvais-je me mettre dans une situation pareille ? La journée de cours, s’annonçait d’être terriblement longue, mais j’allais tenir. Kristia me passa les cours que j’avais manqués pour que je les aie pour les partielles.
La journée ne fut pas éprouvante. Ennuyant je dirais même. Il ne s’était pas passé grand-chose pendant les heures de cours. Pendant la pause, je n’avais pas touché mon téléphone, et donc, je n’avais envoyé aucun message à Nathan. Ce n’était pas grave, je lui parlerai en face, et non par message. Kristia avait décidé qu’elle organiserait une petite soirée pour me présenter son nouveau colocataire qui était arrivé depuis peu. Elle ne m’avait pas dit grand-chose de lui. Je savais juste qu’il avait notre âge, et qu’il étudiait en fac de médecine. Peut-être qu’il était dans la même fac que Vanessa, qui sait, ils se connaissaient peut-être.
J’enfilai ma veste avec un frisson et je marchai droit devant moi. J’allais chez Pola et Dylan comme je l’avais prévu, sous la demande de Mallo. J’allais enfin savoir de quoi mon meilleur ami voulait me parler. C’était resté dans un quoi de ma tête durant la journée, mais cela ne m’avait pas obsédé comme le fait que Dorian soit le père du bébé de Vanessa ou les messages de Nathan. Cela m’avait moins troublée. Bien évidement, j’y avais tout de même un peu réfléchit, et pour moi, cela avait forcément un rapport avec Pola. Une fois à l’intérieur de l’immeuble, j’enlevai ma veste. Il faisait chaud dans leur immeuble, leur été ne serait pas forcément très agréable s’ils la passaient tout le temps ici. Une vielle dame, qui devait être la gardienne de la copropriété et la concierge me regarda bizarrement et ne manqua pas de m’interpeller lorsque je commençai à grimper les marches de l’escalier. Elle avait l’air d’être une dame assez énervante et intuitive dans la vie de ses voisins et de l’immeuble. Elle avait l’air de roder partout, pourtant j’étais venue ici souvent, c’était la première fois que je la voyais.
— Jeune fille ! Qui êtes-vous ? Pourquoi montez-vous ?
Encore une qui aurait dû être policière à la place de retraitée.
— Je passe voir mon meilleur ami qui habite dans l’appartement avec sa copine. Dylan Ducamplot, déclarai-je en me tournant vers elle.
— D’accord… La petite Pola est partie voir sa sœur il me semble, on ne voit pas souvent Dylan, mais son ami…. Comment s’appelle-t-il ? Je ne sais plus, cela m’est sorti de la tête, pourtant je lui parle tous les jours, très polie ce gamin. Enzo ? Arno ? Paolo ?
— Mallo, corrigeai-je machinalement d’une voix blasée.
— Ah oui, attendez ! Du coup comme Pola est partie et que Dylan n’est pas descendu j’ai toujours leur courrier. Puisque vous montez, vous pourrez le donner à votre ami. Je reviens.
Je m’appuyai contre le mur en soupirant faiblement. La concierge ne mit pas trop de temps à revenir. Je pris les deux enveloppes avant de la saluer et je continuai à monter. Donc, Pola n’était pas là aujourd’hui. Je me demandai vraiment de quoi voulais me parler Dylan. Je toquai à la porte et ce fut Mallo qui m’ouvrit, il avait enfilé une veste de Dylan.
— Tu pars ? demandai-je à Mallo en fronçant les sourcils.
— Je vais acheter du matériel, mais je reviendrais te chercher, pas de problème. Je ne t’abandonne pas, dit-il en sortant du couloir.
Je le trouvai bizarre, il avait l’air comme stressé. Je restai perplexe et refermai la porte derrière moi. J’accrochai ma veste au porte-manteau et je retrouvai Dylan dans la cuisine. Je lui serrai la main. Mon meilleur ami n’avait pas l’air très confiant, ni très heureux, comme s’il était en train de vivre dans une période pas très facile dans sa vie. Pourtant tout allait bien, tout allait pour le mieux. Il était, certes, un peu pris par le travail, mais il vivait heureux, installé avec sa copine de longue date. Que pouvait-il espérer de plus à part moins de boulot, un mariage, et un enfant ? Je ne savais pas. J’appuyai mes mains contre la table et penchai la tête pour essayer de capter son regard, en vain.
— T’as pas l’air d’aller bien toi… Dylan, tout va bien dans ta vie. Alors moi, très franchement, je ne peux pas deviner. C’est quoi le problème ?
— Je suis nul Lau’. C’est ça le problème. Je suis dans une situation délicate Lau’, pire, je suis dans une situation où je suis le pire des cons ! Mais vraiment. Je suis le pire des imbéciles dans cette planète, j’ai fait n’importe quoi, je suis en train de tout détruire.
Je posai ma main sur la sienne qui était sur la table, voyant qu’il était à deux doigts d’exploser en sanglot. Mon meilleur ami avait besoin de moi, c’était tout ce qu’il comptait pour l’instant. Je devais m’occuper des problèmes de mon meilleur ami. C’est lui qui allait le plus mal pour le moment.
— Dyl’… C’est quoi le problème ? Tu peux tout me dire.
Je sentis mon téléphone vibrer et je regardai rapidement le message qu’on venait de m’envoyer.
Rentre chez toi immédiatement, je ne peux pas le dire sans toi.
C’était Vanessa. J’ignorai le message. Tant pis pour l’annonce du bébé à Dorian. Dylan avait toujours été là pour moi dans les moments les plus difficiles de ma vie. Je serais toujours là pour le soutenir, et je le soutiendrais tout le temps. Et c’était ce que je faisais : j’essayai de comprendre le mal être de mon meilleur ami et de sa fameuse bêtise qu’il avait fais. Dylan releva la tête, une larme coulante.
— Laurianne, je t’en pris. N’en parle absolument pas à Pola, à personne. Je t’en supplie, répéta-t-il en me broyant la main.
— Oui, oui, je te le jure, soufflai-je.
Pourquoi Pola ne devait-elle pas savoir ? Je ne posai plus de question. Il retira sa main et se calma avant de me regarder dans les yeux.
— Bon, je comprends que tu ne veuilles plus me parler, ou que tu me balances à Pola. Mais j’ai tellement besoin de me confier, tu es une des seules personnes en qui je peux avoir réellement confiance. Je… Je n’aime plus Pola depuis quelques semaines, quelques mois je dirais.
— Dylan, c’est la vie. Tu n’y peux rien, ce sont des choses qui arrives. Cela sera sûrement dur de quitter Pola, mais elle comprendra.
— C’est pire que cela Lau’. Cela fait déjà deux ans que je la trompe, j’aimais les deux, mais je n’aime plus Pola.
— Oh ! Je… Ce n’est pas bien de tromper quelqu’un même si tu aimais les deux personnes. Je suppose que la deuxième personne est au courant contrairement à Pola. Je pense que tu devrais éviter de lui dire que tu l’as trompée, il faut être honnête, mais sincèrement, je pense que cela la détruirait. Qui est cette personne ? Celle que tu sais que tu aimes uniquement ?
Il ne répondit pas.
— Dylan tu peux tout me dire je ne juge pas !
— C’est Mallo !
J’en restai bouche bée. Alors c’était pour cela qu’ils passaient autant de temps ensemble… Ce n’était donc pas que le travail. Puis cela me parut évident, les vêtements qu’ils se prêtaient, les regards, les sourires et les doutes de Pola.
— Tu dois parler à Pola, déclarai-je d’un ton neutre.
— Ce n’est pas cela le pire, commença-t-il.
— C’est quoi alors ?
Il n’eut pas le temps de me répondre car on sonna à la porte. Il partit ouvrir, une expression sombre à la tête pendant que j’essayais d’assimiler les nouvelles informations que j’avais obtenus. La vie des personnes de mon entourage commençaient légèrement à partir un petit peu en vrille. Mallo et Dylan amoureux l’un de l’autre, alors que ce dernier était avec Pola. J’imaginai déjà la réaction de ma pauvre amie, sa peine. Mais je ne pouvais en vouloir à Dylan d’avoir été indécis et totalement paumé. Cela avait dû faire mal à Mallo de voir Dylan emménage avec Pola, comme s’ils allaient aboutir leur vie ensemble. Mon téléphone vibra.
Je lui ai dit.
Bien, en rentrant j’allais savoir la réaction de Dorian. Je relevai la tête et vis la mère de Dylan toute souriante qui vient me serrer dans ses bras. Je ne l’avais jamais vu aussi heureuse. Dylan me regarda, encore plus angoissé qu’avant alors que son père lui donna une petite tape dans le dos. Sa mère me regarda en souriant et me demanda comment j’allais.
— Alors toi ! Mon fils ne t’a pas encore prévenue à ce que je vois ! déclara-t-elle.
— Prévenue de quoi ? répliquai-je en le regardant avec surprise.
— Que tu es une future témointe bien entendue ! s’exclama son père tout euphorique alors qu’il ne l’était pas habituellement.
— Témoin de quoi ? renchéris-je en regardant sa mère pour ne pas paraître malpolie.
— Témoin de mariage bien évidemment ! Dylan a demandé en mariage Pola !
Et après cela il aimait quand même Mallo. C’était assez problématique.
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