Chapitre 35 :
À force de me coucher tard, je me lève aussi tard. Si ce n’était pas le cas hier, c’était le cas aujourd’hui. Je n’avais pas fermé les volets de la chambre de mon frère et je me fis directement agresser par la lumière du soleil. Moi qui voulais me consacrer aux révisions… j’avais oublié de programmer mon réveil. Quelle quiche ! Kristia m’avait envoyée tous les cours que j’avais manqué via WhatsApp. Je n’allais pas les réécrire pour mieux les lire, j’allais les apprendre directement, mais j’espérais juste avoir le temps. J’attrapai mon portable pour vérifier si j’avais des notifications. Santiégo et Dorian m’avaient envoyée un message chacun.
Santiégo :
Il va peut-être falloir que tu fasses des couses, je n’y avais pas pensé. Si tu y vas, fais-toi accompagné. D’ailleurs fais-toi accompagnée dès que tu sors.
Dorian :
Bien installée ? T’as dormi où finalement ?
Je rassurais mon frère en lui disant que de toute manière, Lucas ne me laisserait pas sortir toute seule d’ici. Et je pensais bien que cela allait être véritablement le cas. Je réfléchissais pendant une bonne minute avant de tout dire à Dorian. Je ne lui parlais pas de mon père malade, mais je l’informai juste que Santiégo devait vivre avec mes parents un moment et que j’allais devoir vivre seule avec Lucas, le temps qu’il reste chez mon frère. Il ne me fit aucun commentaire, mais me prévint que si Nathan l’apprenait, cela risquait d’être l’apocalypse total. Il avait raison et je le savais pertinemment mais je ne voulais pas aller chez mes parents. Je finis par me mettre de la musique dans mes oreilles pour me maintenir réveiller, et je me levai enfin pour prendre mon petit-déjeuner.
Pour une fois, je ne ressemblais pas à un zombie et je me sentais d’attaque pour réviser et rester éveillée un moment. Lorsque je débarquai dans la cuisine, je vis un bol de café prêt et un autre avec des céréales posé à côté avec un verre de jus d’orange. Un autre café était en train de se préparer. Lucas semblait être réveillé même s’il ne se trouvait pas dans la pièce. Je m’avançai et cherchai un quelconque mot qu’il aurait pu laisser, mais il n’y avait rien.
— Je suis là ! fit-il en apparaissant dans la cuisine. Je n’ai pas l’habitude de laisser de mot… la prochaine fois que je me réveille avant toi, je ferais un effort. C’est promis.
Je hochai la tête avec un petit sourire en regardant la table.
— On dirait que les rôles ceux sont inversés ce matin, ajouta le jeune homme en prenant la tasse de café qui avait finis d’être remplie. Je ne sais pas trop ce que tu aimes le matin… du coup je t’ai mis ce que tu as pris hier. J’espère que cela te va.
Moi aussi je m’installai silencieusement en le remerciant. Je ne voulais pas le déprimer ou le faire culpabiliser alors qu’il n’avait absolument rien fait pour, mais je n’étais vraiment pas d’humeur ce matin. Et malheureusement, s’était la personne présente, donc cela retombait sur lui. Le silence était pesant et je me mordis la langue en essayant de trouve une phrase pour casser cette mauvaise ambiance.
— Je suis désolé, commença Lucas en me regardant.
— Quoi ?
— Je voulais m’excuser pour toi et Nathan. Je veux dire… c’est peut-être très égocentrique de ma part, mais j’ai qu’en même l’impression que c’est de ma faute cette rupture. Et cela te rend mal. Alors je voulais que tu le saches : je suis désolé, pour tout.
— Non, répondis-je. Tu n’as pas besoin de t’excuser… je veux dire, certes, c’est à cause de toi que Nathan me dit qu’il m’a quitté, mais si c’est arrivé, c’est que cela devait arriver. C’est comme cela. Tu n’as pas à te tracasser pour ça. OK ?
— OK… si je peux faire quoique ce soit pour te redonner le sourire… demande ce que tu veux. Tu sais que je répondrais présent.
— J’avais besoin de m’éloigner de la colocation pour le moment. C’est tout ce qui me fallait.
Je ne repris pas toute suite ce que je venais de dire. Cela faisait quand même mal de parler de Nathan pour le moment. C’était dur, mais je comprenais bien que Lucas avait besoin d’être rassuré. Il était plus sensible qu’il ne voulait le laisser paraître, et je remarquai bien qu’il s’inquiétait réellement pour moi. Tout comme Nathan… Je lui demandai des nouvelles de sa blessure et il m’affirma que cela commençait à cicatriser lentement. Néanmoins, même si Maëlle ne souhaitait pas qu’il bouge trop, il devait aller rendre visite à son gang, ici sous peu. Il devait sûrement avoir la pression, en tout cas, il n’en parla pas plus.
— Je… je suppose que Maëlle t’a mis au courant pour la guerre des gangs, abordai-je en serrant mes mains entre-elles.
— Oui, malheureusement, soupira-t-il. Je sais que ton gang est contre le mien, et je le comprends c’est totalement normal. On va dire que cela va être des semaines compliquées qui s’annoncent…
— Je voulais me renseigner comment tu te positionnais, avouai-je.
— C’est-à-dire ?
— Si tu vas y prendre part, physiquement ou non. Voir même tout court en faites…
— Laurianne, ton gang n’est pas le même que le mien. J’aimerais ne pas y participer, mais je n’ai pas vraiment le choix. Je ne sais pas encore ce que mon chef veut de moi, mais il y a des choses que je ne ferais pas.
— C’est-à-dire ?
— Si cela part trop loin. Il est hors-de-question que je tue quelqu’un, ou que je me retrouve dans de telles affaires que Nathan par exemple, et je ne leur permettre pas de te remettre la main dessus. Je veux te protéger. S’il me demande de te traquer, je serais obligé de donner des réponses biaisées. Il y a certaines limites qu’il ne faut pas franchir, et je ne m’amuserais pas à le faire. Je ne suis pas une tête brûlée.
— C’est gentil, soufflai-je en me demandant pourquoi tout le monde voulait me protéger. Tu es quelqu’un de bien Lucas, et j’espère que tu le sais.
— Et bien… maintenant je le sais. Laurianne, je sais que l’on n’est pas du même gang, et qu’ils sont ennemis, mais je te jure que tu n’as aucune raison de douter de moi. Puis, à quoi cela m’aurait servi de te libérer pour te livrer ensuite ? Tu peux me faire confiance Laurianne.
— Merci… enfin désolé… c’est juste qu’avec tout ce qui s’est passé, je remets beaucoup de choses en question et tu es la seule personne ici. Donc cela retombe un peu sur toi. Je suis désolée.
— Non, pas de problèmes. Je n’imagine même pas dans quel état je me retrouverais si j’étais à ta place. Enlèvement, rupture, doutes, danger qui pèse sur toi, danger sur des personnes que tu aimes, guerre des gangs et ton père malade. Cela fait beaucoup en très peu de temps. C’est logique que tu sois déboussolée. Je ne peux pas t’en vouloir.
Je le remerciai et continuai à manger. J’avais de la chance que Lucas comprenne autant car certaines personnes ne font pas vraiment d’effort pour comprendre les autres, et les relations s’aggravent. Et je pouvais en conclure qu’avec Lucas, cela ne serait pas le cas. Je pouvais rester en paix jusqu’à la fin de la matinée maintenant. Je sentis mon téléphone vibrer mais je voulais finir de manger avant de vérifier si c’était un message ou une notification d’application. Lucas voulut s’occuper de débarrasser la table mais j’insistai pour m’en charger. C’était quand même lui qui avait préparé le petit-déjeuner. Je rassemblai tout dans l’évier et m’apprêtai à faire couler l’eau lorsqu’il me demanda :
— Cela te dirait un dîner ? La nourriture, cela remonte toujours le moral.
— Mais, déclarai-je en me retournant. On ne peut pas sortir d’ici. Enfin… je ne peux pas sans surveillance, et puis, si on te voit avec moi, tu serais dans une mauvaise posture dans ton gang.
— Ah… désolé de ne pas être totalement galant mais je ne pensais pas vraiment à un restaurant, rétorqua-t-il ce qui me fit rougir. Il ne reste pas grand-chose dans le réfrigérateur mais je pourrais faire les courses et je pourrais cuisiner. Ou on pourrait cuisiner ensemble si tu veux vraiment faire quelque chose…
— Cela me va, soufflai-je. Mais je ne serais sûrement pas de très bonne compagnie.
— Tu es toujours de très bonne compagnie, rectifia-t-il en quittant la pièce. Je ferais les courses cette après-midi !
+++
Je me mise aux révisions tout de suite après avoir finis de laver la vaisselle. Lorsque Lucas partit, je fermai la porte à clé derrière lui. Même si je n’aimais pas spécialement être en compagnie de quelqu’un, le fait d’être seule en ce moment me stressait plus qu’autre chose. Je n’étais pas du tout sereine pendant l’absence de Lucas. Auparavant, j’aimais bien me retrouver seule dans un lieu, mais maintenant… mon enlèvement avait l’air de me laisser quelques séquelles malheureusement. Cela n’arrangeait encore moins ma situation. Malgré tout, j’arrivai à me mettre au travail. J’ignorai quand aurait lieu les examens, mais c’était la seule chose que je ne devais pas rater. Mes parents ne connaissaient rien du monde des gangs, et Raoul non plus d’ailleurs. Santiégo nous le cachait depuis tant d’années… ce n’était tout de même pas moi, en ratant mes examens qui allaient tout foutre en l’air ! Je ne pouvais ni me faire cela à moi, ni à Santiégo. Je ne pouvais deviner la réaction de mes parents, mais Raoul nous hurlerait dessus à coup sûr. Ce fut donc cela qui me motivait à rattraper les nombreux chapitres que j’avais rattrapé. Souvent, ce qui m’aidait à apprendre, c’était de bien écouter en cour. Or, cela, je ne pouvais pas le faire, alors je devais redoubler d’effort, chercher des explications sur internet, ou demander d’autres informations à Kristia qui se fit un plaisir de m’aider. Cela faisait longtemps d’ailleurs que je ne l’avais pas vu… avec tout les cours que j’avais dû louper ! Heureusement que les écoles supérieures ne tenaient pas en compte les absences de ses étudiants.
Alors qu’il était seize heures, et que j’allais faire une pause pour mieux me reconcentrer après, Lucas m’appela pour m’informer qu’il passerait voir ses parents avant de revenir chez mon frère. Je le remerciai de m’en informer et reçu pratiquement après dans l’instant, un message de Dorian sur mon téléphone. Je me servis un verre d’eau avant de lire son message. Mais je me maudis bien vite car j’aurais dû le lire avant pour me préparer.
Je crois que j’ai fais une bêtise. J’ai parlé aux autres de ce que tu m’as dit ce matin, et Nathan est débarqué en disant qu'il avait tout entendu et il est parti comme une furie. Je crois que je ne l’ai jamais autant vu en colère.
Effectivement, je ne pouvais pas en vouloir à Dorian, mais j’étais dans de beaux draps. J’entendis cogner contre la porte et j’étais certaine que c’était Nathan. Qui d’autre cela pouvait être ? J’avais le double des clés, Santiégo ses clés et Lucas n’aurait pas tapé de cette manière. Je rangeai mon portable dans ma poche et me dirigeai vers la porte que j’ouvris lentement. Son visage totalement déformé par la colère, il poussa la porte pour rentrer et je la refermai rapidement alors qu’il débarqua dans le salon et tourna sur lui-même.
— Il est où ? s’époumona-t-il. Lucas ! Sors de ta cachette que l’on règle cela ! Montre-toi ! Immédiatement !
— Il n’est pas ici, articulai-je en m’éloignant un peu.
— Comment pourrais-je te croire ? fit-il dans un rire. Tu ne m’as même pas dit qu’il était aussi ici, et que tu vivrais avec lui. Qu’est-ce que je suis censée croire Laurianne ? Elle est où la vérité là-dedans… que tu vas te réconforter dans les bras d’un autre. Je ne te pensais pas capable.
— Parce qu’il y a quand même une partie de toi qui me connait et qui sait que je ne ferais pas cela. Ce n’était pas prévu que mon frère parte. Et il ne s’est rien passé avec Lucas non plus.
— C’est ça ! Fous-toi de moi ! Cela dure depuis quand, vous deux ? Ne me dit quand même pas que cela fait plus longtemps que je ne le pense ! Putain ! Tu m’as trompée avec lui quoi !
— Pardon ? hurlai-je. Je n’ai jamais trompé quoique ce soit dans ma vie ! Je ne t’ai pas trompé, et c’est toi qui m’as quittée ! Donc tu n’as pas me faire toutes ses histoires alors que c’est toi qui m’as laissé encore une fois !
— Ne me remet pas la faute, murmura-t-il alors que je sentais qu’il allait monter en puissance. La première tu le sais très bien que c’était pour te protéger toi ! Est-ce que tu en as vraiment quelque chose faire de moi ? Parce que la seconde fois j’ai bien l’impression que mes doutes étaient réellement fondés !
Le bruit de la porte arriva comme un cheveu sur la soupe. Alors que Nathan s’élançait vers Lucas qui ne comprenait rien, j’attrapai le bras de mon ex petit-ami pour le retenir. D’habitude, Nathan n’était pas violent, mais je savais depuis longtemps que le monde des gangs l’avait changé. Et je ne savais pas jusqu’à où.
— Peu importe ceux que tu crois, il ne t’a rien fait. Tu crois des choses fausses. Tant pis pour toi, reste avec tes spéculations pourries, mais dans les faits, Lucas ne t’a rien fait. Alors ne t’avise pas à le frapper.
Il me regarda avec un regard noir puis se délaissa de mon emprise pour s’avancer vers Lucas et approcher sa tête de celle de son ennemi.
— Quel garçon parfait ! ironisa-t-il. Tu as eu ce que tu voulais… hein ? Comme quoi la perfection permet de tout obtenir, apparemment…
— Je ne suis pas parfait, souffla le jeune homme. Sinon je serais heureux, et je ne ferais pas parti du monde des gangs. Je suis arrivé sur le tard, mais si je suis là, ce n’est pas pour te voler Laurianne, c’est parce que je suis blessé, et que je ne veux pas que mes parents soient touchés par ce qui m'est arrivé. Certes je l’aime, mais je préférerais qu’elle règle ses comptes avec toi si un jour elle veut qu’on soit ensemble. Et ne soit pas jaloux, parce que je ne pense pas que ce jour arrivera de sitôt.
Nathan partit et je sentis des larmes coulées sur mes joues alors que je baragouinai des excuses à Lucas. Nathan n’était pas comme ça habituellement. Je ne comprenais pas… comment pouvait-il se mettre autant de choses dans la tête ? Quelqu’un lui avait-il dit quelque chose qui l’avait troublé ? Je n’en savais rien. Lucas me prit dans ses bras alors que je pleurais. Il me dit que cela allait passer, et qu’il fallait que j’attende que Nathan se calme pour que j’essaye de le raisonner. Je me demandais si ce n’était pas peine perdue…
+++
Je maintins tout de même ce que je voulais faire en révisant et en aidant Lucas à préparer le repas. Cela m’aidait aussi à moins penser à ce qu’il venait de se passer avec Nathan. Je pris une douche avant le repas, et on s’installa à la table, face à face, avec Lucas lorsqu’on eut posé les plats. Il me servit et je le remerciai et attendis qu’il se serve pour que l’on puisse commencer à manger.
— Je me disais… commença-t-il en jetant un regard vers moi. Si cela pose trop de problème, que je vive avec toi pour le moment, je peux retourner chez mes parents en tentant de leur cacher tout cela.
— Non, ne t’inquiète pas, ce n’est nécessaire. Ce qui est fait et fait et il n’y a personne d’autre que Nathan qui pourrait s’énerver contre cela. Puis, je ne me sens pas de vivre seule. Cela m’inquiète de l’être, j’ai besoin de quelqu’un à mes côtés.
— J’espère que cela ira mieux pour toi.
— Ce que Nathan t’a dit tout à l’heure… enfin, ce que tu lui as dit… tu le penses vraiment ?
— Je ne suis pas là pour t’influencer Laurianne. Mais je réitère mes propos : on a quelque chose à vivre ensemble. Je le sais et je le ressens. Et je sais que cela n’arrivera pas tout de suite parce que moi-même je me le refuse là, maintenant. Je t’ai dis que je t’attendrais. Et c’est toujours le cas.
— Comment cela tu te le refuses ?
— Je t’aime, mais là, tout de suite, immédiatement, tu es paumée et fragile. Je ne veux pas que tu me choisisses parce que tu te sentais seule, ou parce que tu voulais passer à autre chose ou parce que tu doutais de toi. Si un jour tu décides de me choisir, cela serait car tu te rends compte que tu as réellement des sentiments pour moi. Pas parce que tu te sentes abandonner, mais parce que tu te rendras compte que c’est réel nous deux.
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