Je me sers de ma maitrise de la terre pour créer un trou dans le sol. Je m'y engouffre aussitôt et le referme immédiatement derrière moi, puis continue à creuser un tunnel à l'aide de mon don. Quelques secondes plus tard, je sors de sous la terre et bondis en l'air pour me retrouver juste derrière l'empereur du feu. Exactement comme prévu ! Je prends une grande inspiration et crache une puissante flamme ! Mon adversaire se retourne juste à temps pour parer le coup grâce à un mur de flammes, mais son bouclier ne s'active pas à temps pour l'empêcher de se brûler un peu les bras. Il esquisse une grimace de douleur et lâche un petit grognement.

J'atterris sur mes pieds et me précipite vers lui pour lui demander :

- Est-ce que ça va ? Je ne vous ai pas fait trop mal ?

Il me regarde avec étonnement et m'interroge à son tour :

- Vous auriez pu profiter de ce moment pour essayer de me vaincre. Pourquoi ne pas l'avoir fait ?

- Je trouve que ç'aurait été un peu lâche de ma part. Personnellement, je n'aimerai pas qu'on contiue à m'attaquer alors que je viens de me blesser. Je ne suis pas du genre à traiter les autres différemment de la façon dont j'aimerai qu'on me traite.

- Harmonia du royaume de l'eau, dit-il en posant sa main sur mon épaule. Vous avez l'âme d'une grande souveraine, vous me l'avez prouvé dans ce combat, comme je l'espérais. C'est pourquoi j'accepte maintenant de vous écouter. Retournons dans ma tente pour en discuter, dit-il en s'éloignant.

- Est-ce que mes parents et mes amis peuvent se joindre à nous ? Je pense que vous avez aussi des choses à vous dire . . .

Il se fige un instant, puis déclare en reprenant sa marche :

- Qu'ils viennent.

Je cours rejoindre ces derniers et leur annonce :

- L'empereur du feu accepte de nous écouter. Venez vite !

Ils me suivent jusqu'à la tente du souverain où nous entrons un par un. Le grand rouquin nous y attend, assis sur une chaise. Il nous fait signe de prendre place sur celles installées face à lui, en arc de cercle. Il nous dévisage ensuite un à un et je peux sentir une drôle de tension dans l'air lorsque son regard croise celui de ma mère.

Une fois que nous sommes tous installés, il reporte son attention sur moi et me demande :

- Alors ? Que vouliez-vous me dire ?

Je prends une grande inspiration et lui explique :

- Je sais que nos deux pays sont en guerre depuis bien des années, mais je pense qu'il serait grand temps, pour le bien de nos deux peuples, que cette guerre cesse enfin. Je suis sûre que vous êtes tout aussi lassé que nous de ce conflit qui n'en finit plus. Je vous en prie, acceptez ma demande de paix !

- Vous me rappelez deux personnes qui m'ont soumis l'exacte même demande que je leur ai refusé, dit-il en fronçant les sourcils. Pourquoi accepterai-je la vôtre ?

- Vous m'avez prouvé tout à l'heure que vous êtes un noble souverain, plein de sagesse. Je vous avoue que cela m'a étonné, mais maintenant je le sais. C'est pourquoi je ne comprends pas votre obstination à continuer cette guerre malgré tout le mal qu'elle cause !

- C'est normal que vous ne comprenez pas, vous ne savez rien de rien !

- Expliquez-moi, alors ! Dites-moi ce que je dois savoir !

- Pourquoi le ferai-je ? Je vous rappelle qu'hormis nos liens de sang, rien ne nous unit, vous et moi.

- Certes, mais ces liens de sang valent bien plus que tous les autres. C'est parce que nous sommes de la même famille que nous devons faire la paix et cesser de nous entretuer.

- Hélas, tout le monde ici n'a pas le sens de la famille . . . lâche-t-il en lançant à ma mère un regard noir.

La jolie femme à la longue chevelure de feu fronce ses fins sourcils et rétorque :

- Je ne vous ai jamais trahis ! Je voulais au contraire instaurer la paix entre mes deux pays et familles, mais cela vous a rendu furieux et vous m'avez bannie sans même chercher à comprendre !

- C'est justement lorsque vous avez considéré nos ennemis comme votre famille que vous nous avez trahis !

- Je vous rappelle que rien de tout cela ne serait arrivé si vous ne m'aviez pas mariée de force !

- Vous saviez quel était mon but lorsque j'ai accepté de donner votre main au roi de l'eau ! Je vous avais confié une mission de la plus haute importance, parce que j'avais confiance en vous et vous m'avez trahi de la pire des façons !

- Vous alliez faire de moi une criminelle ! Ma conscience ne pouvait le supporter !

- Elle a pourtant parfaitement bien supporté l'idée de trahir sa patrie natale et ses parents !

- Il suffit ! hurle ma mère en se levant brusquement et en laissant échapper des flammes de ses mains. Vous passez votre temps à me faire des reproches, sans jamais essayer de me comprendre ! Je suis votre fille, mais vous ne m'avez jamais traité comme telle ! Vous vous êtes juste servi de moi et lorsque vous avez compris que vous ne pourriez plus me manipuler, vous m'avez abandonnée !

Ses yeux, aux coins desquels perlent des larmes, expriment rancoeur, douleur et reproches. Je ne l'avais jamais vue dans cet état . . .

L'empereur du feu Appollon détourne le visage, puis dit d'une voix impassible :

- Suspendons les hostilités pour un moment. Nous nous rendrons au palais impérial demain matin et là, nous en reparlerons.

Il quitte la tente. Mère essuie ses larmes et père vient l'entourer de ses bras pour la réconforter. De mon côté, je sens l'inquiétude et l'angoisse m'envahir. On dirait bien que cette histoire est bien plus grave et complexe que je ne le pensais. Il ne s'agit pas que de problèmes politiques, mais aussi familiaux. J'appréhende la suite. Si ces deux-là ne parviennent pas à se réconcilier, la paix ne reviendra jamais dans notre monde . . .