Générosité et égoïsme
Le carrosse, tiré par un imposant dragon aux écailles rouges, avance rapidement, nous éloignant toujours un peu plus du champ de bataille.
Les paysages défilent devant nous et je suis agréablement surprise de constater qu'ils ne sont pas tous aussi désolants que le premier qu'il m'ait été donné de voir dans cet empire. Nous longeons des prés et des champs, quelques forêts, mais quelque chose qui ne change pas, ce sont ces imposantes montagnes, identiques à celles qui se trouvaient au bout de la plage, à notre arrivée. Je remarque à voix haute :
- Je ne m'attendais pas à ce que l'empire du feu compte autant de monts . . .
- Ce ne sont pas des montagnes, mais des volcans, m'informe la reine de l'eau.
Je lui lance un regard étonné. Elle poursuit :
- Il est normal que vous les ayez confondus avec de simples montagnes. Il faut être du pays pour différencier un volcan d'un mont ordinaire. Seulement, rassurez-vous : ils sont endormis depuis bien longtemps et ne risquent pas d'entrer en éruption de si tôt. La famille impériale s'assure de les maintenir dans leur sommeil afin de protéger la population de leur dangerosité.
- Vous ne nous parliez presque jamais de votre pays natal, au château . . .
- Je n'y voyais pas l'intérêt, murmure-t-elle en détournant le visage.
Je reporte mon attention sur les paysages qui défilent sous nos yeux et remarque bientôt d'immenses lacs dont se dégagent des nuages de vapeur. Je demande :
- Qu'est-ce que c'est ?
- Ce sont des sources thermales. L'empire du feu est réputé pour cela, d'autant plus qu'il est le seul pays à en posséder, me répond ma mère.
- Malgré tout le mal qu'il a fait, c'est un bien joli territoire.
Elle hoche la tête pour toute réponse. Je décide de continuer à regarder par la fenêtre en silence afin de la laisser tranquille. Je vois bien qu'elle n'a pas envie de parler.
Quelques heures plus tard, nous nous arrêtons devant un imposant palais en or massif. Ses façades sont élégamment sculptées et incrustées de rubis écarlates. La porte du carrosse s'ouvre, laissant apparaitre un garde impérial, facilement reconnaissable à son habit rouge. Il nous fait signe de descendre. Le roi de la terre est le premier à sortir du véhicule, bientôt suivi par son ami. Ce dernier se retourne et offre sa main à son épouse, puis à moi-même, pour nous aider à poser pied à terre à notre tour, pendant que le monarque Adam en fait de même avec la gardienne de la cité de l'air. Zéphyr est le dernier à descendre du carrosse, tout seul.
L'empereur du feu nous fait signe de le suivre. Nous montons les marches du perron, escortés par des gardes, et entrons dans la luxueuse demeure. Le décor intérieur est encore plus somptueux ! Un tapis de velours rouge recouvre le sol, tandis que des rideaux identiques sont accrochés aux fenêtres. Un lustre en or massif, auquel pendent des dizaines de petit rubis, trône au plafond. Les meubles sont en bois clair, richement sculpté.
Nous entendons bientôt des pas provenant de l'étage et, quelques secondes plus tard, une jolie femme à la longue chevelure blonde et aux yeux noirs apparait. Elle est vêtue d'une robe rouge, ornée de rubans oranges et brodée de fils d'or. Une couronne incrustée de rubis repose sur sa tête. Elle s'approche de l'emepreur du feu Appollon et s'exclame, en prenant ses mains :
- Enfin vous êtes de retour ! Je vous en prie, dites-moi que cette maudite guerre est terminée !
- Elle ne l'est pas encore . . . Ce n'est qu'une courte trêve, dit-il en tournant ses yeux vers nous.
Ce n'est qu'alors que l'impératrice du feu nous remarque. Elle nous dévisage un à un et, lorsque son regard se pose sur sa fille, elle se fige. Les deux femmes se regardent droit dans les yeux. Le malaise entre elles est palpable. La plus jeune parvient finalement à réunir assez de courage pour dire :
- Bonjour, Votre Majesté.
- Bonjour, murmure son interlocutrice quelques secondes plus tard.
Elle lance ensuite un regard interrogateur à son époux. Ce dernier se contente de l'informer :
- Nous avons à parler.
Il se tourne ensuite vers nous et déclare :
- Pour le moment, je propose que l'on aille se reposer. Nous sortons tout juste d'une bataille et le voyage a dû être éprouvant. Mes gardes vous conduiront à vos chambres.
Pendant que nous traversons le château pour rejoindre les appartements qui nous ont été attribués, je murmure à Zéphyr, qui marche à côté de moi :
- Je crains que les tensions familiales qui existent entre les souverains de l'empereur du feu et leur fille ne compliquent nos négociations de paix.
- Tu as raison, ce sera extrêmement tendu. On devrait peut-être commencer par là : régler leurs différents pour apaiser la situation et faciliter ta mission.
- Oui, non seulement cela permettra le retour de la paix dans notre monde, mais en plus, cela réunifira ma famille. Je n'aime pas voir ma chère mère dans cet état. Elle a l'air si malheureuse !
- Tu es si généreuse ! Tu agis toujours pour le bien des autres.
- Oh, pas tant que cela, dis-je en secouant la tête. Je te rappelle que si j'ai entammé cette aventure, c'était pour retrouver mon père qui me manquait tant.
- Oui, mais aussi et surtout pour lui sauver la vie. Il ne peut exister plus grande preuve de bonté et d'altruisme.
Je souris, touchée par ses compliments, puis ajoute :
- Toi aussi, tu es d'une grande générosité. Tu m'as toujours suivie et soutenue alors que rien ne t'y oblige.
- Oh, non ! Si je t'ai suivie, c'est pour une raison purement égoïste.
- Laquelle ? demandé-je, surprise.
Au même moment, nous arrivons devant les portes de nos chambres. Zéphyr me répond simplement :
- Je te le dirai peut-être une prochaine fois. Pour le moment, concentre-toi sur ta mission, c'est le plus important. Repose-toi bien.
Sur ces mots, il entre dans la salle qui lui est destinée, ne me laissant pas le temps de rétorquer quoi que ce soit. Je suis vraiment intriguée. Je croyais bien connaitre mon ami, mais il semblerait qu'il me cache encore beaucoup de choses. Oh, pourquoi est-ce que tout devient de plus en plus complexe ?
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