Le vice : un outil social indispensable
Le poème raconte l’histoire d’une société d’abeilles nommée la Ruche. La société est d’abord contrôlée par le vice et le crime omniprésent, par des personnes détestables qui profitent du sang et de la sueur de ceux qui travaillent tandis qu’eux ne feront rien et resteront dans leur confort. Cette société est ainsi digne d’une dystopie. Toutefois, cette description est terriblement réaliste et décrit la société actuelle de l’auteur, ce qui diffère assez de l’image que l’on peut avoir des dystopies, c’est-à-dire une société pire que la nôtre, bien que le lieu où se déroule la fable, la Ruche, soit totalement fictif. Et cela peut tout simplement s’expliquer par le fait que ce texte ne s’est pas écrit comme une dystopie mais plutôt comme un modèle de ce qui deviendra plus tard le libéralisme, en plus des conflits d’intérêt. Mais cela est ce que nous verrons pas la suite.
Puis Jupiter libère tout le monde du vice et leur donne à tous l’honnêteté et la vertu absolue : la Paix était revenue. La dystopie de la Ruche devient alors une utopie.
Mais cette honnêteté fit abandonner le travail dans les arts, leur fit perdre leur magnificence et leur fit perdre leur grandeur. Elles devinrent alors des cibles plus faciles et se firent plus d’ennemis. Elles purent se défendre mais au prix fort, ne pouvant se reposer après la bataille car cette action était devenu un vice. Enfin, pour finir cette critique de l’optimisme de l’utopie de la part de la fable, je vais en citer la dernière phrase : « Voulant donc se garantir tout d’un coup de toute rechute, toutes ces abeilles s’envolèrent dans le sombre creux d’un arbre où il ne leur reste de leur ancienne félicité que le Contentement et l’Honnêteté ».
C’est ainsi que la vertu a voué la Ruche à disparaître pendant que le vice aide à la longévité d’une société, donne un but, comme il est résumé dans la morale de la Fable : « Le vice est aussi nécessaire dans un Etat florissant que la faim est nécessaire pour nous obliger à manger. Il est impossible que la vertu seule rende jamais une Nation célèbre et glorieuse ». Les deux s’opposent mais deviennent indissociables à la vie : la vie ne peut être appréciée sans la mort, la joie sans la tristesse et la vertu sans le vice.
Il faut aussi ajouter que la notion de vertu est définie, dans Recherche sur l’origine de la vertu morale, comme « toutes les actions qui étant contraires aux mouvements de la Nature, tendraient à procurer des avantages au Prochain, à vaincre toutes ses passions, si l'on en excepte l'Ambition raisonnable d'être bon » ; et cette notion ne se fait pas gratuitement car il y a toujours un but personnel et orgueilleux derrière : « la suprême félicité, dont l'amour-propre fait jouir celui qui se rendant le doux témoignage d'avoir fait une belle action, pense aux applaudissements qu'il attend des autres hommes ». C’est aussi le paradoxe que veut montrer l’auteur dans ce texte complémentaire au poème : la vertu naît du vice personnel.
C’est ainsi que Bernard de Mandeville utilisa la dystopie dans sa fable cynique, non pour montrer une société pire que la sienne mais pour en montrer une semblable, ne remplaçant que les humains par des abeilles. Et c’est ainsi qu’il utilisa la dystopie, non pour critiquer le vice mais la vertu.
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