Romain, Pascale
Quelques jours plus tard, alors que nous échangions sur l’ennui de ce mariage, elle me dit :
— J’ai vu tes parents. Ils m’ont vue également. J’avais tellement le souvenir du déjeuner avec eux que je n’ai pas eu le courage d’aller leur dire bonjour. Ils ne m’ont pas saluée non plus.
— Nous nous sommes à peine dit bonjour, de loin.
— J’ai eu le temps de regarder les parents de Romain, ils ressemblent aux tiens, non ? Un peu moins frappés, peut-être, en arrivant au même phénomène d’avoir réussi eux aussi à faire sortir un très beau papillon de tout ça. Quant à ton oncle, même tonneau, mais il est resté célibataire !
— Je ne sais pas. Je ne comprends pas. Mes grands-parents étaient si extraordinaires pour nous deux, alors que leurs enfants semblent si débiles. Ce sont des ombres, des zombies, des glaçons. Quelle est la faille, l’évènement qui explique ça ? Peut-être chez mes grands-parents ? Mais j’ai une telle vénération pour eux qu’elle me masque sans doute quelque chose d’imparfait. Je n’aime pas y penser.
— Oui, tu n’aimes pas penser aux choses qui te déplaisent, je le sais !
J’ignorai cette pointe, détestant trop son sens caché. Elle déclencha cependant un curieux enchainement d’idées dans mon crâne :
— Pascale, je viens de voir quelque chose : je me demande si je ne fuis pas quelque chose d’horrible, c’est pour ça que j’ai peur de perdre la maitrise de mon esprit. Un démon dissimulé dans ma tête qui pourrait ressurgir…
— Oui, tu as sûrement un placard avec un cadavre dedans. Comme tout le monde ! As-tu besoin d’aller le chercher ? Cela va-t-il t’apporter quelque chose, te libérer ? Ou, au contraire, te lester d’un poids à trainer ? Te sens-tu freiné ou gêné par ce placard ? Tu as fait une croix sur tout ça et tu sembles bien le vivre.
Avant de conclure de façon professorale :
— Ne pose pas les questions dont tu ne veux pas connaitre les réponses !
— J’ai quand même dû recevoir de la tendresse, au moins quand j’étais bébé. On ne peut pas avoir une personnalité heureuse comme la mienne sans avoir reçu de l’amour tout petit, non ? Cela a été très dur pour moi à certains moments. J’ai souvent eu envie de les buter, de les massacrer, et ils l’auraient mérité. Maintenant, je ne vois que des silhouettes vides, on ne tue pas rien. Ils s’effacent de moi, je n’ai plus rien à gommer, c’est indifférent. C’est triste, non ? Pour m’aider à oublier, Pascale me déposa un léger baiser sur les yeux.
Cette brève conversation se grava dans ma mémoire, car une amertume demeurait. Je n’avais, à cet instant, nulle envie et nul besoin de connaitre la réponse.
Peu de temps après, Claire et Romain nous invitèrent à diner. N’ayant pas envie de voir si en rapprochant carburant et comburant j’obtiendrai une détonation, j’avais accepté avec joie, en proposant une date à laquelle je savais Pascale partie en mission. Distraitement, j’avais oublié de parler à Pascale de cette proposition…
Romain m’ouvrit la porte. Ce fut une accolade très forte, encore très proche de celles de jadis, qui nous servit de salut. J’aimais toujours autant son contact.
Immédiatement arriva le reproche d’être venu seul.
— Désolé, mais elle a été appelée en dernière minute sur une urgence en Espagne.
Claire nous avait rejoints et avait assisté à notre étreinte, nous observant avec compréhension. Elle dit sa déception de ne pas pouvoir faire connaissance avec Pascale, qu’elle n’avait pas remarquée lors de leur mariage. Elle taquinait Romain qui lui en parlait régulièrement. En revanche, je ne savais pas si Romain avait évoqué l’anatomie distinctive de Pascale, ou si elle n’avait pas percuté l’incohérence entre complètement pédé et partager sa vie avec une femme.
À son retour de mission, quand je raconterai à Pascale mon diner, elle me reprochera aussi d’avoir choisi cette date et de l’avoir empêchée de connaitre Romain. J’avais eu raison de ne pas être allé bricoler le détonateur !
Cette estime entre Claire et moi me permit de la protéger, un peu, l’été suivant. À la fin des vacances, alors que Pascale venait juste de partir pour New York, je passai chez eux, dans la maison qu’ils avaient louée, avec une belle piscine. J’eus encore droit aux reproches de Romain et de Claire sur mon entêtement à leur dissimuler Pascale.
Alors que Claire s’était absentée, je rejoignais mon cousin allongé sur un transat. Sans gêne et sans même y penser, je me déshabillai devant lui et enfilai mon minuscule maillot de bain rouge. Comme je me tournais vers lui, je le vis suffoquer, avec une belle tension dans son short de bain. Je m’assis à côté de lui et murmurai en me penchant vers son pubis :
— Popaul, je te remercie de toujours m’admirer et avec tant d’ardeur. Je sais que je le vaux bien. Mais maintenant, Popaul, tu habites chez Claire, prends-en soin et oublie-moi un peu.
Pendant que je dissertais, on entendit la voiture de Claire se garer. La portière claqua. Je me redressai juste à temps pour me tourner avec un grand sourire vers Claire, dissimulant mon cousin qui remettait, en toute détresse, son short et son contenu en place. Claire me regarda, dans mon petit slip de bain rouge, et lança :
— Tu es incroyable. Comment peux-tu porter ça ? Tu me fais bander. Tu es d’un érotisme satanique.
Je la narguai de mon plus beau sourire :
— Oui, on me l’a déjà dit, je suis un beau petit diable !
— Tiens, Satan, va faire bouillir l’eau de la piscine, dit-elle en m’y poussant.
Claire se pencha vers Romain et l’embrassa longuement tandis que je sortais de l’eau. Je pris leur tête dans mes mains, déposa un baiser dans leurs cheveux en leur murmurant :
— Amusez-vous, les tourtereaux.
Je replongeai dans l’eau fraiche. En relevant la tête, je la vis déambuler au bord de la piscine, de dos. Soudain, cela devint évident : ses hanches étroites, ses jambes très fines, ses petits seins ronds qui m’en rappelaient d’autres, quittés récemment. Son corps, féminin, se mêlait d’androgynie. Je compris pourquoi je m’étais laissé conquérir par elle. J’imaginais aussi que mon cousin avait choisi cette femme pour sa conformation si proche de celle des hommes : le corps des garçons le fascinait toujours furieusement.
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