Prologue
Dans la pénombre étouffante, la pièce dégageait une aura ancienne et malfaisante, figée dans un froid glacial qui s'insinuait dans les murs de pierre, témoins muets de rituels oubliés. Aucun bruit ne venait troubler ce silence mystique. Seule, vacillante comme une étoile perdue dans un ciel sans fin, la flamme d’une torche tremblait dans la main d’un jeune elfe si chétif que la moindre brise aurait été capable de le renverser. Ses yeux exorbités par la peur parcouraient les ténèbres, s'assurant ainsi qu’aucune ombre ne lui sauterait dessus. La torche, piètre et tremblant flambeau, ne lui offrait qu’un maigre cercle de lumière. Son visage émacié trahissant une inquiétude viscérale, chaque mouvement des ombres semblant accroître sa terreur.
Face à lui se dressait une silhouette, sa présence irradiait une énergie sombre et maléfique qui envahissait l’espace comme une vapeur insidieuse. Moriak Darkblood se tenait là, ses traits sévères modelés par la lumière dorée de la torche qui effleurait ses pommettes, traçant des ombres tranchantes autour de son visage. La lueur orangée de ses iris animait ses traits sombres, sculptés par le feu et la violence, sur lesquels trônait une balafre irisée qui zébrait son visage du haut de son front jusqu'à sa joue droite. Ses cheveux sombres, emmêlés et sauvages, encadraient sa figure impérieuse, tandis qu’une barbe éparse ajoutait une rudesse brutale à ses traits, lui conférant l’allure d’un prédateur de l’ombre, plus bête sauvage que mortel.
Dans ses yeux glacés brillait une lueur de dédain, et ses lèvres étaient courbées en un sourire cruel. Mais le regard de l’homme ne s’attardait pas sur l’elfe tremblant devant lui. Il était rivé, hypnotisé par un objet colossal et redoutable qui s'élevait à l’autre bout de la pièce, illuminé par une lueur rougeâtre sinistre. Là, un miroir gigantesque occupait tout un pan de mur, comme un portail vers un autre monde. Des volutes de brume écarlate s’en échappaient, serpentant autour de la glace polie.
Le jeune elfe était pétrifié. Tout autour de lui, le pouvoir malfaisant du miroir semblait ramper au sol, s'insinuant dans chaque fissure, glissant jusqu'à ses pieds avec la lenteur d'un serpent affamé. Alors, devant le miroir, un murmure s'éleva — un mot ancien, une invocation profonde, porteuse d'un mal qui sommeillait depuis l'origine même du Monde. Et dans le reflet du mage noir, une silhouette floue apparut, éthérée, entourée de lueurs rougeoyantes.
“Aluum. Toutes réponses résultent d’un sacrifice.”
Sans un mot, Moriak sortit une dague de sa tunique, l’argent de sa lame renvoyant une lueur tranchante, impitoyable comme le regard de son maître. Il leva la main gauche, puis il traça un sillon sur sa paume, laissant perler un sang sombre, épais, chaque goutte roulant le long de sa dextre. La forme éthérée tendait une coupe aux reflets d’obsidienne, comme une offrande attendue. Le sang, tombant lentement dans le récipient fantomatique, y provoquait des ondes sombres, chaque goutte intensifiant la présence spectrale plus tangible. Il leva la main ensanglantée, referma ses doigts dans une poigne glaciale et s’adressa à l’apparition d'une voix basse, semblable à un grondement venu des profondeurs.
"Montre-moi la fille," ordonna-t-il, chaque syllabe écorchée par une exigence implacable, son regard flamboyant rivé à la silhouette vaporeuse. Sans un mot, celle-ci entama une lente dissolution, son contour spectral se dispersant en volutes éparpillées par un souffle invisible. En quelques instants, le miroir ne refléta plus que cette lueur pourpre qui s'intensifiait, s'étalant en vagues hypnotiques sur la surface de verre poli. Et soudain, au cœur de cette marée rougeâtre, une vision commença à prendre forme, floue d’abord, comme un souvenir lointain que l’on force à émerger des limbes. Lentement, l’image se précisa, dévoilant la silhouette d’une jeune femme. Sa peau brune luisait légèrement sous la lumière orangée des flammes d'une forge, et ses longs cheveux noirs s’agitant dans l’effort, encadraient un visage intense et concentré. Elle se tenait droite, le corps tendu, comme une corde prête à se rompre, armée d’une épée qu’elle tenait fermement entre ses mains.
La jeune femme était seule, entourée d’outils massifs et de l’éclat incandescent du métal chauffé à blanc. Elle exécutait des mouvements précis, disciplinés, d’une fluidité marquée par la répétition inlassable d’un apprentissage ardu. L’acier de sa lame semblait répondre à chaque geste, tranchant l’air dans des arcs invisibles. Moriak, toujours figé devant le miroir, esquissa un rictus satisfait, carnassier. Il fixait la jeune femme d'un regard sombre tel un prédateur qui observe sa proie de loin, en savourant l'instant d'une chasse encore à venir.
"Enfin…" murmura-t-il pour lui-même, le ton chargé d'une satisfaction sombre et d’une soif impitoyable.
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