Chapitre 4

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Sacrelys, Ouest de Mivaar

Elerinna

 Je me réveille dans un sursaut, un froid mordant me frappant brutalement. Une brise glaciale caresse ma peau, traçant un frisson le long de mes bras nus, glissant sur ma chair, perçant jusqu’à mes os. Je me fige, les yeux mi-clos, mes poumons se remplissant difficilement. Je me redresse lentement, l’écorce rugueuse de la terre sous mes mains. Un vertige m’envahit, mais je me force à regarder autour de moi, à comprendre où je suis. Le sol est dur, sec, un sentier étroit, à peine tracé, serpentant entre des haies gigantesques, plus hautes que tout ce que j’ai jamais vu. Leurs rameaux se tordent comme des bras massifs, entrelacés dans une danse silencieuse, presque menaçante. L’air est épais, chargé d’une humidité étrange.

 Je suis seule. Complètement seule. Et nue.

 Je porte une main à mon visage, mes doigts glissant contre la surface douce et froide de ma peau, cherchant à me rassurer, à comprendre. Mais rien ne m’est familier. Je n’ai aucun souvenir de comment j’ai atterri ici, ni pourquoi je suis dans cet état de vulnérabilité totale. Je tente de me lever, mais un instant, le sol sous mes pieds semble vaciller, comme si la terre elle-même hésitait à me soutenir. Je me faufile entre les haies, mes pieds nus s’enfonçant dans la terre meuble, chaque pas un écho silencieux de ma solitude. Chaque mouvement semble m’attirer plus profondément dans cet enchevêtrement végétal.

 Une voix grave et rauque déchire soudainement le silence lourd autour de moi, comme un murmure porté par le vent. "Tu ne viens pas d'ici. Qui es-tu ?"

 Je me fige, un frisson parcourant ma colonne vertébrale. L’instant d’avant, tout semblait suspendu, tout était confus, presque irréel. Mais cette voix… elle ancre brutalement ma conscience dans la réalité, me faisant sursauter. Mon cœur se serre, une peur sourde m’envahit, et instinctivement, je couvre ma poitrine de mon bras et ma main vint se poser sur mon sexe, protégeant ainsi mes attributs du regard d’un inconnu. Je pivote lentement, mes yeux cherchant désespérément à percer la brume légère qui flotte autour de moi. C’est alors que je le vois. Il est là, au bord du sentier, une silhouette massive se découpant dans l’ombre des haies. Il est grand, presque aussi imposant que les arbres eux-mêmes, sa stature défiant la nature autour de lui.

 Je ne peux détacher mon regard de ses yeux. Des yeux d’une couleur indescriptible, comme deux éclats de jade pris dans le soleil couchant, où le vert et l’or se mélangent dans une danse étrange et hypnotique. Je prends une inspiration, cherchant à apaiser la tension dans ma gorge, mais mes doigts serrent encore ma peau, comme pour me rappeler que je suis vulnérable, seule dans ce lieu étrange, face à cet homme dont la simple présence semble imprégner l’air d’une étrange autorité.

 Il se rapproche alors, ses pas lourds écrasant la terre meuble sous ses pieds avec une rapidité surprenante, et un frisson d'angoisse m'envahit lorsque sa silhouette gigantesque se dresse devant moi. Ses yeux se fixent sur moi avec une intensité nouvelle, presque menaçante. Il n’a pas attendu ma réponse. Sa voix, plus dure, plus tranchante cette fois, résonne comme un coup de fouet dans l’air humide.

 "Qui es-tu ?"

 Cette fois, je me sens complètement démunie. La tension entre nous est palpable, un fil tendu prêt à rompre. Mon estomac se serre et une bouffée d’angoisse me monte à la gorge. Mes yeux errent dans le vide, incapables de capter une idée claire. Je lève lentement mon regard vers lui, mes lèvres tremblantes, cherchant les mots qui pourraient combler le gouffre entre nous, apaiser cette acerbité qui me perfore. Mais la peur est là, écrasante, lourde. Ma voix se brise à la première tentative, faible et hésitante.

 "Je suis… Elerinna Birdsong," je commence, en me forçant à poser mon regard dans le sien, même si tout mon être me hurle de fuir. "Je suis… moi-même perdue."

 Les mots me semblent dérisoires, trop légers, mais je n’ai pas d’autre choix que de les laisser sortir. J'inspire profondément, puis d’une petite voix, comme si cette question pouvait vraiment m’éclairer sur la situation, je continue.

 "Je... Sommes-nous loin de la ville de Cartétoile ?"

 La dernière syllabe s’éteint dans l’air, comme une question suspendue, pendue à mes lèvres. C’est stupide, je le sais, mais que puis-je dire d’autre ? Je suis perdue dans ce lieu, sans repères, sans réponses, et la seule chose que je puisse espérer, c’est qu’il me donne une lueur de direction.

 À peine mes mots s'échappent, que je vois déjà un changement sur son visage. Une brusque transformation. Ses traits, jusque-là durs et intransigeants, se détendent lentement, comme si une brume s'était dissipée devant lui, effaçant la colère qui y régnait. Il cesse de me fixer avec cette dureté, et, comme si un poids s'était soudainement allégé de ses épaules, il se mordille les lèvres, un geste presque enfantin, un tic qui trahit une prise de conscience. Il murmure alors, presque inaudible, comme si les mots lui échappaient malgré lui :

"L'étoilée."

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