Chapitre 5

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Je n'ai pas le temps de comprendre la portée de ce mot, ni de saisir ce qu'il signifie, que déjà il se débarrasse de sa longue cape violette d’un geste fluide et précis. La cape se déploie dans l'air avec une majesté inattendue, d’un violet profond, riche, presque irréel, capturant chaque lumière autour de nous. Sans un mot supplémentaire, il tend la cape vers moi, un geste simple, mais chargé de quelque chose que je n'arrive pas à déchiffrer. Un instant, je reste là, à le regarder, incertaine. Je m’approche lentement, mes mains hésitant un instant avant de saisir l'étoffe. La texture est plus douce que ce que j’avais imaginé, un mélange de chaleur et de soie. Je l’enroule alors autour de moi avec une certaine précaution, cherchant à en couvrir chaque parcelle de ma peau exposée.

Le regard du titan ne se détourne pas. Il reste là, inébranlable et silencieux, ses yeux d’un vert-or éclatant toujours rivés sur moi. Aucun jugement dans son regard. Aucun intérêt déplacé. C'est un regard inexpressif, implacable. Je sens qu'il attend quelque chose, comme une réponse à ce qui vient de se dérouler entre nous, un brin de communication pour briser ce silence devenu presque lourd de sens. Je m’efforce de briser ce silence, de me libérer de la tension qui m’envahit. Mes mains toujours serrées autour de la cape, je relève lentement la tête, et dans un souffle léger, je le remercie, ma voix tremblant encore sous l’effet du choc.

"Merci… pour la cape." Je marque une pause, cherchant mes mots. Puis, avec l'angoisse qui persiste dans ma poitrine, je continue, espérant obtenir des réponses, des repères dans cet univers qui m'échappe tant : "Excusez-moi, mais… j’habite à Cartétoile. Je… j’ignore comment j’ai atterri ici. Savez-vous où nous sommes ?

- Le labyrinthe de MorningHood. À l'ouest de Mivaar."

Ces mots résonnent en moi comme une cloche au loin, mais leur sens m’échappe encore. MorningHood ? Ce nom n’évoque rien en moi, comme si je parlais une langue étrangère. Mais l’intensité de sa voix me dit qu’il n’y a pas de place pour l’ambiguïté ici. Il ne m’a pas menti, ni détourné la question. Je ferme les yeux un instant, tentant de chasser l’épaisse brume qui obscurcit mes pensées. Peut-être que je rêve, oui, peut-être suis-je plongée dans un sommeil agité et que tout cela n’est qu’une illusion, une scène étrange mais passagère. L’idée me fait frissonner, mais je l’accepte comme une maigre lueur d’espoir. Alors, je me frotte le visage, grattant ma peau avec mes paumes tremblantes, espérant que le froid de mes mains me ramène à la réalité. Mais il n'y a pas de réveil, aucun bruit familier de mon lit de paille ou des bruits de la forge de mon oncle. Juste ce vent glacé qui me mord la peau et cette terre étrange sous mes pieds nus.

Je prends une profonde inspiration et me force à regarder autour de moi. Ce monde est trop réel pour être un simple rêve. La brume qui flotte autour des haies immenses, l’odeur de terre, tout est là, tangible, froid et inéluctable. Impossible qu'il en soit autrement. Mais… je n'ai jamais quitté Cartétoile. Jamais. Un frisson de doute me parcourt. Cartétoile, ma ville, mon refuge, mes repères. La cité fortifiée, avec ses hautes murailles de pierre, son réseau complexe de ruelles étroites et les portes massives gardées nuit et jour. Il est impensable, impossible que j’aie franchi ces portes sans que quiconque l’ait remarqué. Les sentinelles sont intransigeantes. Les soldats, rigides et implacables, ne laissent personne entrer ni sortir sans raison. Les murs de la ville ne se contentent pas d'empêcher les intrus d’entrer, ils isolent Cartétoile du monde extérieur, comme un bastion inviolable. Et moi… j’étais à l'intérieur. J’ai toujours été à l'intérieur. Chaque sortie de la ville, chaque tentative d’évasion, est impossible sans l’autorisation du jarl Frédérik. Il n’y a pas de failles, pas de passages secrets, pas de fuites.

Alors pourquoi suis-je ici ? Pourquoi suis-je perdue dans cette vaste étendue de haies géantes, face à un colosse dont le regard me glace le sang ? Je suis peut-être folle, mais une chose est certaine : je n’ai pas quitté Cartétoile. Il est impensable que cela se soit produit sans un signe, sans une alarme, sans que quelqu’un… quelqu’un ne m’ait vue. Le silence s’étend entre nous, lourd et presque oppressant, jusqu'à ce que, d’un ton aussi monotone que de l’acier frappé, il brise l’isolement qui me pesait :

"Je vais vous emmener au village. Le prince devra savoir que faire de vous."

Ses mots étaient froids, dénués de toute chaleur humaine, comme un ordre, une sentence énoncée sans émotion. Le prince ? Quel prince ? Une vague de confusion m’envahit, mais je me forçais à garder mon calme, à rassembler mes pensées. Je n’avais guère le choix. Si je voulais un début de réponse, il me fallait continuer à parler.

"Je veux juste rentrer à Cartétoile," dis-je, ma voix tremblant légèrement malgré mes efforts pour paraître assurée. "Mon oncle doit s’inquiéter. Votre… 'prince' aurait-il des informations ?"

Il ne répondit pas. Pas un mot. Rien. Il se contenta de se rapprocher, sa silhouette immense se dressant devant moi. Puis, sans avertissement, sans la moindre prévenance, il tendit une main solide et implacable, saisissant mon bras d’une prise ferme. Je tente de me dégager, ma peau se contractant sous le contact brutal, mes yeux s’écarquillant de surprise.

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