Ecrit en écoutant notamment : Mark Dekoda - Instance Of Time [Techno]

Maintenant que nous n’avons plus le stress des examens, comme c'était le cas les deux semaines précédant les vacances, nous ne lésinons pas sur le temps que nous pouvons passer ensemble.

Ce jeudi soir, en revanche, nous avons une réunion importante avec le club du Nightfader, afin de discuter de l’organisation en vue de la semaine de la campagne d’élection pour le nouveau bureau des élèves. Il y aura trois soirées à animer, chacune co-organisée par une des trois listes candidates et notre association.
Au moins, il est certain que nous recevrons assez d’aide pour l’installation des décors, chaque liste souhaitant faire la meilleure impression possible lors de sa soirée !

La réunion ne démarrant qu’à huit heures et demie, nous sortons tous les deux des cours vers cinq heures avec un plan déjà judicieusement rôdé. Cette fois-ci, pour changer, nous allons chez moi, ce qui ne nous empêche pas de commencer à nous embrasser dans l’ascenseur.

Comme il fallait bien que ça arrive au moins une fois, nous croisons Laszlo dans le couloir de mon étage. Alors qu’il s’apprêtait à faire une remarque, probablement pas des plus sympathiques, je le fixe brutalement, en passant déjà une main sous le t-shirt de Renan, et laissant l’autre vagabonder sur la courbure du haut de ses fesses. Après un regard plus noir que le plumage d’un corbeau, il fait volte-face et claque la porte du couloir derrière lui en quittant les lieux.

— T’es sûr qu’il ne risque pas de mal le prendre ? me demande Renan.

— Pff… bien sûr que ça ne lui plaît pas. Mais je m’en fous, j’ai fait ce que j’ai pu pour qu’on se réconcilie.

— C’est quand même dommage pour toi…

— Mouais… mais bon, maintenant on passe à autre chose, dis-je en le faisant rentrer chez moi.

Contrairement à son appartement, qui est richement fourni au niveau de la décoration, je suis resté bien plus sobre dans mes choix. En effet, c’est plutôt le désordre ambiant qui confère un semblant de personnalité à l’ensemble ; malgré tout, il faudrait que je me décide un jour à classer le tas de feuilles diverses et variées qui s’entasse rapidement sur mon bureau. Renan s’abstient cependant de toute remarque, et je vais tirer les rideaux pour nous protéger de quelques yeux baladeurs qui pourraient nous observer depuis les étages supérieurs de la barre d’immeuble d’en face.

Nous faisons l’amour de manière passionnée et extrêmement agréable, mais je ne peux m'empêcher de commencer à réfléchir à des nouveautés qu’on pourrait expérimenter tous les deux, et tous les deux uniquement, précisons ! Ce n’est pas encore aujourd’hui que je vais me décider à partager mon Renan avec un ou une troisième partenaire. Il est à moi à deux cent pourcents !

Nous gérons plutôt bien le temps à notre disposition, et il nous reste une bonne heure avant la réunion pour manger quelque chose ; parce qu’évidemment, après une réunion vespérale, et en particulier un jeudi soir, il est rigoureusement impossible de ne pas terminer la soirée tous ensemble, avec une bonne dose d’alcool et de son ! Par la même occasion, ça nous permet à tous de nous entraîner un peu sur les platines ; il faut seulement faire attention à garder un semblant de lucidité pour ne pas faire un désastre en mixant !

Depuis que j’ai appris à faire des pâtes carbonara maison, j’ai appliqué la méthode un certain nombre de fois, et suis maintenant assez au point pour faire profiter mon amoureux d'un de mes rares talents culinaires. Ayant assez peu de place sur le plan de travail de ma chambre, il se contente de me regarder préparer avec une satisfaction assez mal dissimulée, comme en témoignent ses nombreuses exclamations et chambrages tout de même souvent volontairement exagérés.

Huit heures vingt-cinq, il est temps d'y aller ! Pour être un minimum efficace, nous avons d’abord réservé une salle de réunion dans les bâtiments de l’école. Nous avons pu obtenir une des meilleures, les salles étant généralement peu occupées à ces horaires, et ainsi, une fois arrivés, nous nous enfonçons dans les larges fauteuils rembourrés disposés tout autour d’une grande table en ‘U’.

Renan s'est déjà désigné comme volontaire pour taper le compte-rendu de la réunion, et Mila finit par arriver une dizaine de minutes plus tard en s’excusant pour son retard, avant de s’installer en face de la douzaine de membres de l’association, qui attendent patiemment qu’elle démarre.

— Bonsoir à tous, aujourd’hui, on a un programme plutôt chargé ! Comme vous le savez bien entendu, dans quinze jours commence une des semaines les plus importantes de l’année pour notre asso. En effet, on est encore plus ou moins au début de l’année, et meilleure impression on fera, plus ça nous donnera de visibilité et de crédibilité pour le reste de l’année. Donc si vous voulez continuer à mixer devant une foule en délire dans les prochains mois, c’est maintenant qu’il faudra être efficaces.

Nous échangeons tous un regard d’approbation, et quelques secondes plus tard, lorsqu’elle a estimé que nous avons tous bien compris le message, elle poursuit, d’un ton plus détaché :

— Je laisse un moment à Samuel, notre ingé son préféré, qui va vous annoncer une bonne nouvelle.

Celui-ci reprend donc :

— Comme vous le savez, nous avons demandé des subventions au bureau des élèves en début d’année, et ils ont été très convaincus par notre projet. Nous avons donc utilisé les mille cenq cents euros pour investir dans un caisson de basses et une nouvelle paire d’enceintes, puissance admissible deux kilowatts en tout. Avec le reste, on a pu acheter tout le petit matériel qui va avec, pas mal de câbles surtout. Tout est arrivé cet après-midi, et bien sûr, on va tester ça ce soir, si vous le voulez bien !

Cette fois-ci, c’est un véritable tonnerre d’applaudissements qui parcourt notre petite assemblée, et c’est au tour de notre ami Lucas, responsable communication, de prendre la parole :

— En contrepartie, on va vous demander à tous un petit service. Je m’explique : pour les soirées de la campagne, on reste trop limités niveau matos pour assurer à la fois la soirée et les befores. Et il n’est pas question de transporter le matériel de l’un à l’autre. Nous allons donc louer ce qu'il nous faut pour les befores, et même si ça reste abordable, nous avons besoin de quelques centaines d’euros supplémentaires.

Nous nous demandons bien ce qu’il va pouvoir inventer, et pourquoi ils n’ont pas préféré utiliser l’argent de la subvention pour louer tout le matériel nécessaire.

— Voilà le plan. Vous allez tous ouvrir un compte chez Winamax. Comme on a cent euros de pari offerts à la création du compte, vous allez vous mettre par trois, et miser chacun vos cent euros pour couvrir les trois résultats possibles d’un match de foot. Pas de folie, le but est d’assurer un gain maximal, donc vous prenez un match où la cote minimale entre les trois résultats est maximale. Vous trouverez sans problème du 2.30/2.40 au moins, donc vu le nombre qu’on est, on récolte sans problème cinq cents euros.

Je réfléchis quelques secondes à la méthode, et comprends rapidement, qu’effectivement, c’est plutôt judicieux. Renan hoche aussi la tête d’un air entendu, et nous interpellons notre voisin pour lui indiquer qu’on peut parier tous les trois ensembles ; j’ai déjà vite fait repéré sur mon téléphone un petit match de deuxième division roumaine avec du 2.55 au minimum.

Comme pour calmer une classe dissipée, Mila frappe dans ses mains et annonce la suite du programme :

— Allez, maintenant, il est temps de faire les affectations pour les befores et les soirées, et croyez-moi, il y a du boulot !