XVI

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Bien que dans ma vie j’aie toujours voulu jouer avec le feu, m’érigeant contre l’autorité et l’institution comme un enfant mal élevé, la peur de la prison m’a toujours épouvanté. J’avais déjà eu l’intention de mettre fin à mes jours si je me faisais « serrer » pour mes… exactions. Je n’en eus pas le loisir, tout d’abord je fus placé en psychiatrie carcérale ; avec l’incapacité de me procurer un objet quelconque pour écourter mon existence, ni objet en verre, ni cordon et ceinture, pas de lacet, on m’interdit même le port de mes lunettes.

De toutes les façons je me rendis compte que je n’avais toujours pas les couilles de me foutre en l’air.

Mon séjour en psy ne dura que trois mois ; ce fut des jours étranges, je me sentais plus ou moins à ma place parmi tous les détraqués qui divaguaient comme des chiens errants dans les couloirs et les salles que l’on nous avait délimitées.

Des détraqués (mais j’ai trop peu confiance en moi pour assumer le mot ; bien qu’il soit dit) totalement démarqués de ce monde, gravitaient autour de la grande salle qui faisait office de réfectoire où se jouaient aux cartes, pour des «ablutions» sexuelles, des dons de cigarettes, matière première s’il en est, ou du "capitalisme" de médocs, des libertés qui en elles-mêmes ne valaient rien.

J’y retrouvais mon compte car à tout y réfléchir je m’étais toujours ennuyé.

Il y avait de tout en cette cour des miracles : des psychopathes, des psychotiques, des paranos, des schizos et consort. Ils avaient trouvé, eux, leur place, moi je restais fermement campé sur les bases noires et grasses d’une terre qui fait la fortune du paysan et celui de son banquier. Je m’y faisais, mais en mon for intérieur je savais, non par intuition, mais par certitude que ma place n’y était pas. On a dit déjà que celui qui ne se croit pas fou parle comme tel. À bien y savoir je me foutais totalement de connaître mon niveau de salubrité mentale. J'y demeurais comme un mystique qui cherche une divine compréhension.

Bizarrement cette morale chrétienne, « faux cul » s’il en est, me faisait appartenir au troupeau restreint des simples d’esprit, ce qui tamponnait mon visa pour le paradis. Mon séjour en psy m’apportait au moins une chose positive, au-delà des gens terriblement intelligents que j’avais pu y côtoyer, il me permettait un sevrage radical.

Ce ne fut pas une sinécure, l’héroïnomane peut le comprendre, je souffris du manque réellement pendant quatre jours avec toute sa symptomatique : sueurs froides, tremblements, diarrhées, insomnies et même mal de foie. Cependant ce qui fut le plus difficile ne furent pas ces résultats pathologiques mais l’idée de savoir que pour une longue durée je ne pourrai plus jamais toucher au produit, en bref c’est l’affranchissement psychologique qui ne s’opérait pas. Je demeurais alcoolique même si je ne consommais plus.

Je n’avais pas été vierge d'alcool depuis plusieurs années et mon niveau de conscience en fut passablement bouleversé, euphorie et dépression s’imbriquaient et altéraient ma capacité à exprimer mon émoi lors des rares entretiens que j’avais eus avec le psychiatre, psychiatre qui d’ailleurs, lui aussi, était persuadé de ma culpabilité. Il conclut simplement que je vivais dans une occlusion névrotique profonde qui n’incluait aucune moralité et que ma notion de plaisir s’ajustait mieux avec celle d’un chien dont la faim est rassasiée.

Je ne me sentis pas amoindri face à la zoophile compréhension qu’avait le spécialiste " patenté " qui avait mon dossier qui s’accumulait dans ses armoires. Il me fit comprendre, avec des mots justes, son impuissance à cerner véritablement ma problématique en me faisant appréhender que la justice des hommes fût la seule en laquelle on puisse compter.

Pour sa part il n’était qu’un faible médiateur. Toutefois voyant mon niveau de lucidité il ne se gêna pas pour me dire que ma place était entre quatre murs. Il ajouta que je n’étais dans cet établissement que pour effectuer un sevrage alcoolique et reprendre le disque où je l’avais arrêté. En d’autres termes recommencer ce que j’avais déjà bâclé.

De permettre aussi à mon physique d’engranger suffisamment d’énergie pour assumer le milieu carcéral proprement dit et côtoyer des criminels qui se reconnaissaient comme tels.

Je souhaite une liberté, le mot est trop arrogant je le sais, mais on ne se refait pas, pour m’adresser à celui que le destin aura guidé vers ce livre, une lettre ou un aparté à tous les humains :

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