électron libre
Elle ne marcha pas longtemps avant d'arriver à l'adresse indiquée. Il n'était pas midi que déjà des voitures s'entassaient, quelques personnes pour montrer la direction. La pluie s'était arrêtée et quelques rayons de soleil brisaient le ciel en deux le traversant de part et d'autre. Elle reprit de ces forces sans trop savoir ce qui l'attendait. Les jambes tremblantes, elle s'avança jusqu'au grand portail noir. Derrière, une pelouse verte et coupée au millimètres. Un groupe de personnes tous vêtues de noir, elle ne reconnu personne, trop intriguée par l'endroit et la raison de sa présence. Soudain elle se demanda si l'arménien l'avait suivi, et si ces rencontres opportunes n'étaient que le fruit du hasard. Quelques grands chênes étaient placés là, ils avaient une prestance magnifique et donnaient au paysage des airs de vacances en montagne. L'air était un peu frais et on sentait encore l'odeur de l'humidité. Elle marcha doucement, se demandant où aller. Elle regarda autour d'elle, quelqu'un devait l'attendre quelque part. Dans son cou, elle senti à nouveau des douleurs, comme à son réveil, une sensation d'étouffement, impossible de déglutir, de parler, d'appeler à l'aide. La douleur fut si violente, que paralysée, elle fronça les sourcils et se mît à pleurer. Son visage s'assombrit et elle senti ses joues refroidir à une telle vitesse que tout son corps fut soudain gelé. Tous ses membres durcis par une angoisse glaciale. Au loin, un groupe de personnes réunis, tous vêtus de noir. Discrètement, elle s'en approcha. Un prêtre terminait son discours et elle eu, soudain, l'impression de deviner ce qu'il se passait. Le prêtre rendit grâce à Dieu, on enterrait un mort. Les gens autour étaient de marbre, tous, et personne ne pleuraient. Quand le prêtre eut terminé son discours, certains se firent la bise. Mais vite, ils se dispersèrent en promettant de s'appeler. Le prêtre resta un moment, continuant de prier en silence, les mains en croix sur le torse et la tête baissé. Paralysée, comme anesthésiée, elle regarda la scène comme en perspective, derrière son épaule. Il commençait à faire presque beau et la pelouse était encore recouverte de légères pluies. Le prêtre leva les yeux sur elle, il la fixa un moment, s'interrogeant peut être même, la salua et parti à son tour. Elle senti qu'elle aurait dû lui parler mais ses lèvres restaient clouées.
Le silence avait pris la scène en otage et même les oiseaux préféraient se taire.
Lentement et avec difficulté, elle s'approcha du trou. Le cercueil était encore à côté et les hommes en costume arrivaient pour le mettre en terre. D'un chêne marron brut, il était posé là, prenant une place minuscule dans l'espace.
Elle s'avança. Pas à pas. Son souffle se ralentit. Ses mains tremblèrent.
Elle se tenait devant la petite plaque en granit noire, posée sur le socle en pierre. Ses yeux ne pouvaient le croire, son cerveau ne pouvant intégrer l'information.
" Charlotte Cuvina 21.06.2016 "
Elle décida comme sa dernière issue, de retourner à la chambre qu'elle avait quitté plus tôt ce matin. Il lui fallait s’asseoir, dormir aussi et s'isoler. Elle parti en courant, comme si une menace la suivait. Slalomant entre les croisements de rues, elle galopait presque à travers les trottoirs et brasseries, se faisant pourchasser par les démons du passé. Elle se démena, encore et encore, sans s'arrêter, pour arriver enfin devant l'accueil de l'hôtel. Transpirante et rouge comme si elle venait de faire le marathon, elle du reprendre son souffle avant de pouvoir demander la même chambre.
Les clefs dans la serrure, elle fut soulagée d'être enfin arrivée et pensa qu'elle pouvait reprendre une douche et se commander à manger.
Elle ouvrit la porte et alluma la lumière. L'arménien. Assis, immobile, silencieux et stoïque, il lui tendis la main pour l'inviter à s’asseoir en face de lui. Il avait posé une chaise devant le lit, et un dossier était posé à côté de lui. Une pochette en carton rouge laissant transparaître le bas d'une photographie de femme. un portrait.
Elle s'assit, les mains posées sur ses genoux encore tremblant. Sereinement, l'arménien attrapa le dossier et lui dis d'une voix sombre et sensuel :
" - Charlotte, nous avons à parler vous et moi."
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