Nous sommes en l’an de Notre-seigneur 864, en la ville de Brême, siège de l’Archidiocèse de Hambourg. Je me nomme Rimbert, et suis le principal élève de l’archevêque de Hambourg ; Anschaire. Le temps est frais et pluvieux ce matin, mais mon âme est réchauffée par une nouvelle qui, à coup sûr, saura apporter la même joie à mon maître. En entrant dans la maison de monsieur Anschaire, je ne peux que brandir fièrement une lettre reçue le matin même et adressée par le pape à l'archevêque de Hambourg. Sachant déjà de quoi cette lettre parlait, n’ayant pu résister à la curiosité de la lire, et sans prendre le temps de présenter mes hommages à mon maître, je m’exclame:

“ Ça y est, monsieur ! Le pape a tranché !
– Plaît-il ? répondit monsieur Anschaire, qui se leva, l’air étonné, de son siège
– Il reconnaît enfin Brême comme sous votre juridiction !
– Mh, fort bien… Bon, nous avons perdu assez de temps. Prenez votre tablette et écrivez…
– Tout va bien, monsieur ? Cette nouvelle ne vous enchante pas ?
– Le devrait-t-elle ? Me demanda l’Archevêque en s’approchant de moi, un air neutre au visage. Notre bon pape n’as pas le pouvoir de faire reconnaître à Cologne notre primauté sur Brême, cela se saurait. Reprenons plutôt mes mémoires, voulez-vous ?
– Allons, monsieur, vous avez le soutien du Pape, qu’est ce qui pourrait mal se passer ?
– Qu’avez vous dit ? Me demanda l’archevêque, dont le regard inquisiteur vint me transpercer
– Je disais que… vous pourrez compter sur le soutien du Pape
– Non, non. Pas cela. Vous avez dit “qu’est ce qui pourrait mal se passer”, je me trompe ?
– Non, bien sûr, mais quel est le rapport avec le Pape, monsieur ?
– Aucun !”

 L’archevêque repartit alors s’asseoir près de la cheminée et se frotta le visage. Ne comprenant pas bien la situation, je me fit tout petit à côté de lui et pris une tablette d’argile et un stylet, prêt à noter ses paroles. Mais Anschaire resta silencieux pendant plusieurs minutes, à contempler le feu, avant de me dire :

“Vous avez dit “qu’est ce qui pourrait mal se passer”... Vous ai-je déjà parlé de ma mission au Danemark, Rimbert ?
– Je ne crois pas, monsieur, pourquoi ?
– Ces mots… Je crois que je ne pourrai jamais les oublier… Laissez moi vous raconter…