Top départ !

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  • Mais si je dis que tous ces cons d'encornés sont en train de se précipiter sur nous, je dis pas une connerie, là ?
  • Pour une fois, t'as pas tort.
  • Et alors ? que je fais comme ça.
  • Et alors quoi ? qu'elle me rétorque comme ça aussi.
  • Ben...on fait quoi ?
  • Ben... on court à fond les manettes, pauvre pomme !

Et cette grosse conne me plante là. Elle me fait un démarrage de sprinteuse (et merde aux puristes, hein ?) et ne laisse qu'un petit nuage de poussière derrière elle. Moi, comme un gros con, j'avoue que j'ai un peu de retard à la carburation. Je la regarde me semer du poivre (me semer tout court, pour les blancs-becs...) et, fatalement, elle s'éloigne, pendant que les autres quadrupèdes continuent leur course de dingues vers moi.

Ils sont tout près, maintenant...
Et je tarde encore à réagir. C'est vrai que, parfois, je suis un boulet dans mon genre. Heureusement, j'ai soudain un éclair de génie : je me lance à la poursuite de la pétasse !

  • Marcelle, bougre de salope ! que je braille soudain, comme pour couvrir l'enfer sonore des millions de sabots qui s'apprêtent à me transformer en marmelade.

Et je cours, je cours ! Mais ma santé, déjà mise à mal les jours précédents, rechigne un peu à fournir le carburant dont mes jambes ont besoin. Voilà que je souffle bientôt comme une des sales bêtes derrière moi ! J'ai le souffle court, les jambes lourdes comme du plomb, et, j'ai pas eu le temps de vérifier, mais je suis sûr que j'ai aussi un méchant filet de bave qui vient perturber mon faciès d'ange.

  • Maaaaarceeeeleu ! Attends-moi !
  • Bouge ton cul ! Si tu te magnes pas tu finiras avec un gros mal de tête ! répond-elle sans se retourner.
  • Attends-moi, sinon... que je hoquette lamentablement.
  • Sinon quoi, face de rat ! Tu me feras pan-pan cul-cul ? Bouge, que j'te dis ! Suis-moi et ferme-la !

Que répondre à ça, hien ! Alors, je ravale (ma bave) mon honneur encore une fois flétri par cette virago aimable comme une porte de prison et je cavale comme je peux. J'ai l'impression de ramer dans de la colle épaisse ; le sable veut me retenir, les épines des herbes m'en veulent aussi. Elles me lardent les mollets avec constance. A ce train-là, je vais bientôt pouvoir m'ausculter les os sans radiographie !

  • Mais attends-moi, merde !

Je pleurniche comme un gros bébé tout fâché, hein ? Pourtant, allez savoir pourquoi, je me sens soudain un coeur de centrale atomique dans les gambettes ! Ce doit être à cause du souffle rauque des premiers gnous qui commencent à me renifler le trou de balle tant ils sont près de moi ! Alors, je la ferme, comme conseillé un peu plus haut, et je me concentre sur ma volonté de pas mourir tout de suite. Et j'allonge ma foulée, comme par magie. Et ça marche ! Et je dirais même : ça court !
A tel point que je ne tarde pas à rattraper la femme irrascible. Je calque mes pas sur les siens avec application, mais ça ne suffit pas. Les bestioles sont toujours à trente secondes derrière nous.
Alors, comme un mec destiné à toujours courir droit devant lui sans savoir où il va, je force encore un peu l'allure. Me voilà à la hauteur de Marcelle. Elle semble s'épuiser. Bien sûr, elle est trop con, pardon, elle est trop fière pour le montrer, mais le teint cramoisi de son visage est plus parlant que tout le reste. Ses gestes deviennent saccadés, sa poitrine se suit plus le rythme.
Alors, encore plus exaspéré de la voir ainsi qu'en mode normal, je la chope par le bras et je la force à me suivre. Elle n'a même plus la force de protester. Au contraire, je pense qu'elle m'adresse un petit regarde gratitude...

  • Tu me fais chier grave, tu sais ça ? que je lui gueule entre deux respirations.

Et je la traîne avec force, sans tenir compte des cris de douleur qu'elle pousse parce que ma main lui fait mal au bras. J'ai reperé un petit monticule de rochers sur notre gauche et j'incline fortement notre trajectoire, au risque de laisser les zèbres gagner encore quelques mètres sur nous.

  • Allez, encore un petit effort, ma belle !
  • Ta gueule, abruti ! éructe-t-elle.
  • C'est ça. Moi aussi, je t'aime !

Et on arrive bientôt à quelques pas des roches salvatrices. Un dernier bond et je saisis Marcelle par la taille et je la balance de toutes mes dernières force en haut d'un bloc assez haut pour la protéger. Ouf ! La voilà à l'abri.
Je me dis en un éclair qu'il me faut aussi penser à ma propre bidoche. Manque de bol, voilà que je trébuche encore sur une de ces maudites racines qui se planquent toujours sous une fine couche de sable. Et je m'étale de tout mon long, immédiatement transformé en bonhomme de sable, la sueur sur ma peau collant à la perfection pour ce genre d'exercice en plein air. Je m'assomme à moitié quand ma tronche percute le sol et je vois des étoiles de toutes les couleurs.
C'est foutu pour moi, que je songe soudain. Les milliards (au moins !) de pattes des saloperies de mammifères africains vont se faire un devoir de me transformer en viande hachée. Se battre toute une vie pour finir comme ça. Et merde...

J'essaie pourtant de me relever, ce que j'arrive à faire après plusieurs tentatives, mais je sais que le bruit effroyable derrière moi signifie que je me démène en vain. J'abandonne.
Et c'est là que Marcelle, en m'engueulant comme une tranche de saumon de chez mon poissonnier Gaston, m'agrippe par une épaule et me traîne dans un recoin entre deux blocs de pierre.
Elle vient encore de me sauver la vie. J'en ai marre de cette gonzesse qui se montre toujours plus efficace que moi. Pourtant, je lui vote un petit sourire pas mécontent.

  • Je savais bien que tu es folle de moi, mais je pensais pas que tu prendrais tous les risques pour sauver l'homme de ta vie... que je fais pour me foutre de sa tronche.

Bon, pour toute réponse, elle me laisse tomber par terre, en grommelant des trucs pas aimables. Elle peut dire tout ce qu'elle veut, je lui dois encore la vie. Quand je dis que j'ai hérité un drôle d'ange gardien...

A suivre...

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