La ville-prison
Dès l'addition payée, Beatrice se hâta pour attraper son vol en direction de New York. Elle abrégea la séparation en une brève accolade et un baiser tendre mais fugace. Son cœur vibrait comme pris au piège d'une cage en fer trop petite.
Pendant près de deux semaines, elle repensa sans cesse à son départ précipité. Elle aimait Richie mais quelque chose l'avait empêchée de l'exprimer alors qu'ils dégustaient cette ultime étouffée face à la Grande Bleue.
Son rédacteur en chef lui passait un savon sur son absence prolongée et sur les répercussions judiciaires de la disparition de Tom Maynard lorsque ressurgit un sentiment d'oppression identique à celui qu'elle avait enduré à Miami. Son regard s'envola au-delà de la fenêtre du bureau de Scott, descendit le long de la 8th Avenue entre les parois d'acier et de verre des buildings. La ville l'écrasait. Chaque tour devenait le barreau d'une prison, les nuages gris de mai tels un couvercle opaque sur ses rêves.
Là, elle comprit.
Avec son ciel d'un bleu parfait, ses immeubles au blanc clinquant et son iconographie pastel, "Magic city " était un mirage qui ne ressemblait en rien à l'amour que Richie et Beatrice se portaient. Leur passion était aux couleurs de Rum Cay. Un festival de teintes vives et chaudes à l'image de ses crépuscules flamboyants et en même temps subtils et délicats comme les doux reflets d'argent et de turquoise qui dansaient à la surface de Catfish Bay ou dans les mangroves.
Scott dit, mielleux :
" Tu m'écoutes, Bea ?
- Hmm ?
- Je disais qu'on pourrait aller manger chez Dino's. Puis prendre une bouteille de champagne et finir la soirée chez moi. Qu'est-ce que tu en dis ?
- Non, Scott, je ne crois pas. "
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