Chapitre 13 :
Will Marx :
Neuf jours.
Deux cent seize heures.
Douze mille neuf cent soixante minutes.
Et tellement plus de secondes.
C'est le temps qui s'est écoulé depuis qu'Angelo est dans le coma.
La dixième journée débute et j'ai peur qu'elle soit similaire aux précédentes. Je crois ne pas avoir quitté son chevet plus de deux heures. Je patiente, installé près de son lit. Je passe mon temps à l'admirer, lui parler et le caresser dans l'espoir qu'il me fasse un signe, aussi insignifiant soit-il. Pourtant, absolument rien ne change. Son rythme cardiaque est stable, sa respiration est modérée, mais ses yeux restent résolument clos et son corps inanimé. Chaque fois qu'un personnel soignant entre dans la chambre, j'ai droit à des regards lourds et compatissants, et la conversation est toujours la même.
— Quand va-t-il se réveiller ? demandé-je en passant mes doigts à travers les ondulations blondes de mon trésor.
— Nous l'ignorons, monsieur Marx, c'est à lui de se battre, nous ne pouvons rien faire de plus.
— Il se bat bien pour le moment ?
— Il respire, alors oui, il se bat comme un chef.
— C'est normal, c'est mon guerrier.
Ça finit par des sourires tendres et exactement le même échange recommence quand une autre infirmière entre dans la pièce. Je continue de poser la question pour me rassurer, même si je connais sur le bout des doigts les réponses qu'on va me donner.
J'attrape la main d'Angelo pour embrasser sa paume, celle qu'il a brûlée sur la plaque de cuisson durant son travail. J'y laisse traîner mes lèvres un moment avant de me redresser pour déposer un baiser sur sa joue légèrement moins froide depuis quelques jours. Comme si un nouvel espoir apparaissait, j'ai pleuré de bonheur en constatant que sa peau se réchauffait lentement, mais depuis il n'a toujours pas réagi.
— Bonjour, trésor, murmuré-je contre sa peau. J'ai dormi quelques heures cette nuit, mais seulement parce que ma tête était sur tes cuisses. Le médecin dit que tu te débrouilles bien, que tu te bats bien. Je suis fier de toi.
Mes doigts glissent le long de son cou et avec un peu d'imagination, je peux admirer des frissons recouvrir son épiderme. J'ai conscience qu'en réalité, il ne se passe rien mais ça m'apaise de m'en persuader.
Mes larmes se sont taries après le quatrième jour, j'ai toujours aussi mal mais je crois que mon corps est dépourvu d'eau. Parfois, une boule d'angoisse m'obstrue la gorge et dans ces moments j'aimerais être capable de pleurer mais je n'y parviens pas.
Le temps est long, jour après jour je vois les têtes défiler dans cette chambre d'hôpital mais mon trésor ne se réveille pas. S'il savait le nombre de visiteurs qui viennent prendre de ses nouvelles, il serait le premier étonné.
— Tu me manques, soufflé-je, tu es là pourtant, je passe chaque minute près de toi mais ça ne me suffit pas. J'ai l'impression de ne pas avoir entendu ta voix depuis une éternité.
La porte s'ouvre mais je ne me retourne pas, je reste concentré sur le visage paisible d'Angelo. C'est ainsi à chaque fois. J'attends que la personne se manifeste pour lui donner un peu de mon attention. Une main se pose sur mon épaule et je comprends que ce n'est pas une infirmière.
— Salut, mon frère, lâche Pietro. Comment tu vas aujourd'hui ?
Je me laisse retomber contre le dossier du siège alors que je le vois prendre place sur l'appuie de fenêtre face à moi. Rose se précipite vers son meilleur ami et lui embrasse plusieurs fois la joue en retenant ses sanglots. Judas et Maël, quant à eux, restent un peu en retrait mais les savoir ici me soulage. Pas un seul jour ne s'est écoulé depuis la tentative de suicide d'Angelo sans qu'ils viennent le voir.
Tentative de suicide...
C'est ainsi, il faut l'admettre. J'ai eu énormément de mal à digérer ces mots la première fois que ma mère les a prononcés. Je me suis emporté et lui ai ordonné de quitter la chambre. Ensuite, je me suis senti affreusement coupable et l'ai supplié de revenir. Même si je refuse de l'accepter, maman a raison. Angelo a souhaité mourir pour s'apaiser.
— Comme d'habitude, repose-moi la question quand il sera conscient.
Mon meilleur ami hoche la tête et fouille dans sa poche. Il me sourit et mon cœur s'emballe lorsqu'il me présente sa paume.
Il a retrouvé la chevalière d'Angelo !
J'ai piqué une crise monumentale lorsque j'ai remarqué qu'il ne la portait plus. Une infirmière m'a apporté des calmants en m'assurant qu'il y avait une solution à chaque problème. Ça m'a apaisé durant un temps, mais lorsque le médicament n'a plus fait effet, je me suis remis à geindre. J'ai finalement appelé Pietro, ravagé par la colère et la détresse. Il n'a pas su quoi dire, aucun mot n'aurait été capable de réduire mon angoisse mais il m'a écouté et c'est ce qu'il me fallait.
Désormais, il me présente le bijou et un poids – aussi léger soit-il – s'évapore de mes épaules. Je récupère la bague et l'examine avec minutie. Elle n'est pas abîmée.
— Où était-elle ? demandé-je en la serrant fort entre mes doigts.
— J'ai fouillé chaque recoin des toilettes pour la retrouver. Elle s'était glissée sous un radiateur.
Je me redresse pour serrer Pietro dans mes bras. Il m'enlace puissamment et passe ses doigts entre mes mèches indisciplinés.
Angelo ne se serait jamais remis d'avoir égaré le dernier cadeau que lui a fait son père. Lorsque je quitte l'étreinte de mon meilleur ami, j'attrape délicatement la main de mon trésor pour lui restituer son bien en me remémorant l'une de nos soirées.
Ma tête est posée que le ventre d'Angelo, ses doigts effleurent mes tempes. Parfois, il passe sa main sur mon front pour y dégager mes mèches, puis finit par les ébouriffer en me certifiant qu'il préfère lorsqu'elles sont en pagaille sur mon visage. Je grimace quand il tire un peu trop fort et m'arrache quelques cheveux.
— Pardon, souffle-t-il, ils se sont pris dans ma chevalière.
Je récupère sa main et embrasse le bijou.
— Dis, tu ne l'as pas quittée une seule fois depuis des mois que je te connais. C'est quoi son histoire ?
— Pourquoi penses-tu qu'elle en a une ?
— Parce que je te vois la retourner dans tous les sens chaque fois que tu angoisses. J'ai l'impression qu'elle te rassure parfois.
— Tu es trop observateur, marmonne-t-il en profitant de mes lèvres sur le dos de sa main.
— J'aime t'admirer, comme si tu ne le savais pas.
Je me redresse légèrement, me tourne dans sa direction et pose mon menton sur sa poitrine pour croiser son regard. Il me contemple en mordillant sa lèvre inférieure. Quand il me fixe ainsi, j'ai la sensation que son monde tourne autour de moi et j'aime particulièrement ça.
— En réalité, ça fait des années que je la porte, murmure-t-il. Au début, elle était trop grande alors je la mettais sur une chaine autour de mon cou.
Je ne réponds pas, me contentant de boire ses paroles comme un assoiffé. J'aime quand il me parle de lui.
— Elle était à mon père, il me l'a donnée quand il est tombé malade. Il m'a fait promettre de ne jamais la lâcher. Il m'a assuré qu'elle m'aiderait et qu'en la portant c'était comme s'il ne me quittait pas vraiment.
Je hoche la tête avec difficulté. Mon menton sur sa poitrine restreint mes mouvements. Il clos les paupières et fronce légèrement les sourcils. Il doit sûrement revivre la scène et je me demande ce qu'il peut ressentir.
Alors qu'il ne me voit pas, je me redresse pour embrasser le creux qui s'est formé sur son front, puis je redescends vers ses lèvres pour un baiser qui dégouline de tout mon amour pour lui.
— Merci d'avoir partagé ce moment avec moi, ronronné-je contre sa bouche.
— J'aimerais tout partager avec toi. Tu es celui qui me connait le mieux, parce que mon cœur t'a choisi. Toi et personne d'autre.
Quand je sors de mes pensées, je remarque que tous les regards sont braqués sur moi. Bloom et Tobias se sont approchés pour me dévisager et Rose qui s'est assise sur le matelas d'Angelo caresse mes doigts.
— Que se passe-t-il ? demandé-je dans l'incompréhension.
— C'est à toi qu'il faut demander ça, répond Judas.
— Tu ne nous entendais plus, continue Pietro d'une voix inquiète.
— Je me suis perdu dans un souvenir, murmuré-je en frottant mes joues humides.
— Un bon ou un mauvais ? questionne Maël.
— Je pense qu'il était doux. Ses yeux brillaient d'amour.
Je souris à Rose qui a rapidement compris.
Oui, c'était doux...
— C'est vrai, mais désormais ça me fait mal au cœur d'y repenser. J'ai tellement peur de ne plus pouvoir vivre ce genre de moments.
— Ça n'arrivera pas, me contredit Judas. DeNil est une teigne et les teignes on ne s'en débarrasse pas si facilement.
Je lâche un petit éclat de rire sans joie. Sa remarque aurait pu être désobligeante, cependant, je comprends que c'est sa façon de me donner du courage et par ce biais, me prouver qu'il commence à apprécier Angelo sans vouloir l'avouer. Ça me fait un bien fou d'avoir mes amis près de moi, et je suis persuadé qu'importe ce qu'il adviendra, ils seront là. Ils ne m'ont pas lâché un seul instant depuis que le ciel m'est tombé dessus.
Si avec Tobias nous n'étions pas forcement ami au départ, depuis que Rose et Angelo l'ont interviewé pour le journal du lycée et qu'il s'est entiché de la brunette, il a intégré notre petit cercle. Je dois avouer que ça ne me plaisait pas énormément, il tournait autour de mon trésor et je n'aimais pas ça. Ensuite, j'ai finalement compris qu'il appréciait la compagnie d'Angelo mais qu'il ne s'intéressait qu'à son amie. Il serait bien pour Roselyne c'est vrai. Il est droit, franc, aimable et je pense qu'en ce moment c'est de ça dont elle a besoin ; ce dont nous avons tous besoin, ne pas être seul. Les heures défilent et les quatre abrutis devant moi tentent par tous les moyens de me distraire mais ça ne fonctionne pas vraiment. C'est difficile de se focaliser sur autre chose lorsque mes doigts sont enlacés à ceux d'Angelo et qu'il n'exerce aucune pression pour me montrer qu'il est là.
— Tu ne veux pas aller prendre l'air quelques minutes ? me demande Pietro en me frottant énergétiquement le dos.
— Non, je ne sors pas d'ici. Si je loupe le moment où il ouvrira les yeux, il pensera que je l'ai abandonné.
— Je suis certain que non, mais mets-toi en tête que je finirai par te sortir d'ici de force si tu persistes à fuir le soleil.
— Je vais passer à la cafétéria, tu veux un truc ? propose Judas.
Je secoue la tête pour toute réponse.
— Tu dois te nourrir, me réprimande mon meilleur ami.
— Ouais, je le sais.
J'ai un pincement au cœur parce que ce sont les paroles que je répète inlassablement à Angelo.
— Et donc, que veux-tu ? insiste Bloom.
— Ce que tu veux, ça m'est bien égal.
— Prends-lui un sandwich au poulet ! S'il ne mange pas, je le goinfrerai, continue Pietro.
Quelques minutes plus tard, Judas revient avec une tonne de cochonneries à manger. Le restaurant étant fermé, il m'a informé avoir dévaliser tous les distributeurs du hall de l'hôpital. Mes amis m'ont obligé à manger devant eux afin d'être certains que je ne jette pas les nombreux paquets de gâteaux et bonbons à la poubelle une fois qu'ils seraient partis.
J'ai eu du mal à mâcher, encore plus à avaler mais je l'ai tout de même fait pour rassurer Pietro et Judas qui ne m'ont pas lâché du regard une seule seconde. Ils sont restés une heure de plus, jusqu'à ce que l'infirmière vienne pour la toilette d'Angelo et qu'elle mette tout le monde dehors, sauf moi. J'ai refusé de sortir dès le premier jour et finalement elle a capitulé en me disant de rester en retrait. J'ai obéi sans résistance et depuis c'est devenue une habitude.
J'ai passé le reste de la matinée à lire un roman que j'ai acheté à la boutique de l'hôpital. J'ai déjà terminé trois tomes et je continue ma lecture à voix haute chaque jour avec l'espoir qu'il puisse m'entendre. Angelo m'apaise lorsqu'il lit et je me dis que peut-être c'est son cas quand je le fais également. Si le temps est long, il s'accélère très légèrement quand je me plonge dans les enquêtes policières d'un détective privé de Londres.
C'est en début d'après-midi que Lolita, Simona et ma mère arrivent. Elles viennent toujours ensemble, je suis heureux qu'elles s'entendent bien même si elles se sont rencontrées lors du pire drame de ma vie.
— Je t'ai apporté des vêtements, mon chéri, m'indique ma mère en posant un sac de sport à mes pieds. Tu as l'air fatigué, tu as réussi à dormir ?
— Un peu, mais je préfère être éveillé.
— Tu sais, commence Simona en posant sur moi un regard tendre, si Angelo se réveille pendant que tu dors, il sera tout de même conscient de ta présence.
— Je sais, Mona, mais je veux le voir ouvrir les yeux. Je veux pouvoir m'imprégner de son regard et m'en délecter jusqu'à ce que je ne puisse plus respirer.
— Votre amour est si beau. Mon frère à de la chance de t'avoir, s'extasie Loli. Je rêve qu'un jour quelqu'un m'aime comme vous vous aimez.
J'écarte un bras pour qu'elle vienne se blottir contre moi, sans pour autant lâcher la main de mon bel endormi. Elle s'installe sur mon genou et pose sa tête sur mon épaule.
— Tu trouveras cette personne, tu es une jeune demoiselle incroyablement forte et courageuse.
— Tu la trouveras, c'est certain, mais tu as le temps, s'amuse Simona. Le jour où tu seras amoureuse, j'aurai des cheveux blancs avant l'âge.
— Est-ce que vous avez réussi à prévenir Bérénice ? demandé-je tout à coup, brisant l'élan de légèreté qu'avait pris notre discussion.
Ma mère observe Angelo pendant un moment, puis son regard vient caresser mon visage avec tendresse et douceur. Elle a été mise au courant de tous les drames qu'ont vécu et vivent encore les DeNil. J'ai commencé puis une fois à bout de souffle c'est Loli et Simona qui ont repris mon discours. Elle avait besoin de réponses et même si j'étais réticent de le faire sans avoir l'avis d'Angelo, il fallait qu'elle soit dans la confidence pour comprendre réellement la situation. Elle a beaucoup pleuré, en fait, nous l'avons tous fait. Son cœur de mère a été mis à l'épreuve et elle a fini par me prendre très fort dans ses bras en me disant de ne jamais laisser tomber Angelo, quoiqu'il se passe par la suite. Évidemment, c'est exactement ce que j'avais prévu de faire mais que ma mère me le dise m'a apporté tout ce qu'il me manquait à l'exception de mon trésor toujours inconscient.
— On lui a répété plusieurs fois. Parfois elle semble réaliser la gravité de la situation puisqu'elle paraît dévastée mais ça ne dure pas longtemps, elle retombe dans les vapes et oublie tout l'instant suivant.
La tête de Loli se cache dans mon cou quand Mona termine sa phrase. Je sens son souffle erratique contre ma peau et je comprends qu'elle pleure encore. Je ne peux pas l'aider, je suis dans le même état qu'elle.
— Va prendre une douche, me conseille ma mère pour changer de sujet. On va veiller sur lui.
J'accepte sans résistance, j'ai besoin de me laver et faire disparaître la crasse de ma douleur. J'accepte uniquement parce que je ne suis pas contraint de quitter la chambre, je peux utiliser la salle de bain attenante. Mes parents payent une fortune pour que je puisse passer mes nuits dans cet hôpital. Je me sens coupable de les obliger à dépenser tant d'argent mais je suis incapable de m'éloigner de lui. Puis, je n'ai rien demandé, c'est mon père qui a opté pour cette solution. La chambre devait être aménager en conséquence mais j'ai refusé. Je préfère dormir sur le fauteuil et le visage caché contre la peau d'Angelo plutôt que dans un lit que je ne peux pas partager avec lui. J'ai également refusé qu'on mette la télévision, Angelo déteste la visionner.
L'eau chaude qui s'étale sur mon corps me soulage, bien que la pression soit très faible. Je glisse lentement contre le mur puis reste immobile sous le jet pendant de longues minutes. Je m'autorise à pleurer, seulement car mes larmes sont invisibles lorsqu'elles se perdent au milieu de l'eau de la douche.
J'ai recouvert le miroir de la salle de bain du pull que je portais le jour du drame. Je refuse toujours de croiser mon reflet dans l'objet qui a emporté Angelo dans un lit d'hôpital. Pour l'instant, je n'en ai pas la force et je pense que ce sera ainsi le temps qu'il dormira. J'ai hurlé sur ma mère quand elle a voulu mettre en machine le vêtement. Elle m'a assuré qu'il le fallait, que ce n'était pas bon pour mon moral de voir le sang tacher le tissu mais elle n'a pas eu le dernier mot. C'était inenvisageable pour moi que le pull sente la lessive plutôt que l'odeur qu'il a en ce moment.
Angelo me manque. J'ai l'impression que le temps est lent, qu'il a ralenti sa cadence ou qu'il s'est complètement arrêté, comme son cœur qui a cessé de battre il y a neuf jours. J'attendrai son retour, des années durant s'il le faut mais je ne lâcherai pas sa main jusqu'à ce qu'il me rejoigne.
Le deuxième jour de son hospitalisation, le proviseur Johnson ainsi que Murray et Noël sont venus après leur journée de travail. Malheureusement pour eux, ce n'était pas le moment idéal. Ce jour là, je n'ai fait que pleurer mais ils n'ont émis aucun commentaire à ce sujet. Johnson m'a conseillé de revenir au lycée seulement lorsque je serais certain d'aller mieux. Il m'a également informé que mes devoirs me seraient transmis par email mais je n'ai jamais ouvert ma boite électronique. Nos enseignants sont restés une petite heure et ne sont pas revenus depuis mais prennent des nouvelles par le biais de Simona.
Quelques coups contre la porte résonnent dans la salle de bain et me font sortir de mes pensées.
— Willy, tout va bien là-dedans ? demande maman. Ça fait un moment que tu y es.
— Ça va, réponds-je la voix cassée. Je réfléchissais et je n'ai pas vu le temps passer.
— Habille-toi et sors. Nous n'allons pas tarder à partir, c'est bientôt la fin des heures de visites.
Je fais ce qu'elle me dit, puis en un quart d'heure je me retrouve de nouveau seul avec mon trésor.
Comme à mon habitude, j'approche le fauteuil, pose ma tête sur ses cuisses et relève légèrement sa blouse pour caresser sa peau du bout des doigts. Je passe des heures dans cette position, ça m'empêche de glisser vers l'obscurité de mes pensées.
Mon regard dévie vers la table de chevet où se trouve son carnet. Égaré dans ma torpeur, je n'avais pas remarqué qu'il gisait près d'Angelo quand je l'ai trouvé inanimé dans les toilettes. Les ambulanciers l'ont restitué à un membre de sa famille et ensuite, Lolita me l'a remis le soir de l'hospitalisation de son frère. Je le récupère en soupirant puis l'ouvre alors que mes doigts tremblent légèrement.
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