Chapitre 2, partie 2 :
Will Marx :
Les écouteurs dans les oreilles, je me dépêche de traverser la ville en combattant le froid et la pluie. Le temps est aussi morose que mon humeur, tout est trop déprimant. Ça ne me motive pas énormément, je suis persuadé que ma visite chez Angelo se conclura de la même façon que les fois précédentes.
J'expire doucement avant de gravir les marches du perron. J'ai besoin de courage. Enfin, pas vraiment, j'ai besoin de lui tout simplement.
Je frappe quelques coups discrets contre la porte pour ne pas énerver Bérénice. Ma hantise est qu'elle s'agace de ma présence et qu'elle devienne déviante avec ses enfants. C'est si triste, cette situation est désespérante.
C'est Loli qui m'accueille, un sourire désolé sur les lèvres.
— Bonjour, dit-elle en fermant la porte derrière elle. Tu vas comment, aujourd'hui ?
— Comme d'habitude. Il refuse encore de me voir ?
Elle baisse les yeux, soupire puis acquiesce.
— Je suis vraiment désolée, Will. Tu sais, Angelo est parfois contradictoire. Ça lui passera, j'en suis sûre.
— Ça fait plus de deux semaines, soufflé-je. Dis-moi seulement comment il va, s'il te plait.
— Il est... triste. Il dort la plupart du temps, enfin c'est ce qu'il essaie de me faire croire. Je suis certaine qu'il attend simplement que le temps passe. Il va mal lui aussi. Il souffre atrocement, simplement, il... il préfère ne pas s'approcher de toi parce qu'il a peur de te blesser
— C'est justement en me rejetant qu'il me fait du mal...
— Je sais, et il le sait également. Mais, mets-toi à sa place, il a frappé la personne qu'il aime alors qu'il était en pleine crise. Il ne se souvient même pas de comment ça s'est passé, pour lui, c'est pire que tout.
— Qu'il aime, répété-je le cœur serré. Il m'aime, tu crois ?
— Tu le sais aussi bien que moi, même s'il refuse de l'avouer. Évidemment qu'il t'aime, c'est justement ça le problème.
— Ce n'est pas un problème pour moi.
— Je te comprends, mais laisse lui du temps.
— Je ne fais que ça, ça fait des semaines, des mois même que je lui laisse du temps. Il ne fait que me repousser et je rampe chaque fois pour qu'il fasse attention à moi. Est-ce que tu sais à quel point c'est humiliant de se rabaisser pour avoir ne serait-ce qu'un regard de la personne qu'on veut par-dessus tout ?
— J'imagine, oui. Tu souffres toi aussi, c'est flagrant et je suis peinée pour vous deux. Mais il est malade, et ça il ne l'accepte pas.
— Je peux l'accepter, moi. Je peux le faire pour nous deux, je peux tout encaisser mais pas me forcer à faire sans lui.
— Will, soupire-t-elle, je ne sais pas quoi te dire de plus...
— Il n'y a rien à dire, soufflé-je en baissant la tête.
Je suis ridicule, ou peut-être pas, je ne sais plus. Lolita a conscience de ce que je ressens pour son frère, alors pourquoi lui ne veut pas ouvrir les yeux ? Pourquoi me laisse-t-il dans le flou alors que j'aimerais juste le voir pour être certain qu'il va bien ?
Une porte qui claque à l'intérieur de la maison me force à relever la tête. Loli jette un coup d'œil par-dessus son épaule, et je suis son regard. Je vois le rideau de la fenêtre du salon voler lorsque mes yeux se posent dessus. Je n'ai pu apercevoir que les mèches blondes d'Angelo s'éloigner rapidement, pourtant j'ai déjà l'impression d'étouffer. Il était là, à nous épier sans même tenter de se montrer pour soulager la blessure béante qui creuse mon cœur.
— Il s'est fait du mal ? demandé-je la gorge serrée.
— Je ne peux pas répondre à cette question, me répond-elle tristement.
— Pourquoi ?
— Il refuse que je te le dise, mais tu connais déjà la réponse.
Putain !
Je ferme les yeux, envahi par une souffrance fulgurante.
Évidemment que je le sais, j'espérais juste me tromper.
— Est-ce que c'est comme d'habitude ?
— Je ne sais pas, je vois rarement ses plaies. Je le devine parce que j'aperçois le sang sur ses vêtements ou sur ses draps.
Je hoche la tête, complètement désemparé. C'est si douloureux.
— Il va au lycée aujourd'hui, enfin, s'il ne change pas encore d'avis, m'informe-t-elle. Simona ne le lâche pas, elle insiste pour qu'il y retourne.
Mon cœur s'emballe. S'il s'y rend, je vais pouvoir le voir, et peut-être entendre sa voix.
— Il commence à quelle heure ?
— Je ne sais pas, je sais simplement qu'il n'a pas cours ce matin.
Je hoche vivement la tête, ça me convient. Je peux encore attendre quelques heures, oui, je peux faire ça.
— Merci, Lolita.
Elle me sourit, se dresse pour embrasser ma joue puis me fait signe de partir. J'acquiesce et m'éloigne lentement en observant tour à tour les fenêtres de la maison pour tenter de l'apercevoir. Il n'est pas là, mais ce n'est rien. Je vais enfin voir son visage, il me suffit d'être patient.
Je quitte son quartier et récupère mon téléphone pour lui envoyer un dernier sms.
Sms de WillLeMagnifique à Angel :
Je t'attends, Angelo...
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