Chapitre 5, partie 2 :
Angelo DeNil :
Je me traine, marche sans grand enthousiasme jusqu'à ce que mes pieds m'amènent enfin au lycée. Le professeur a refusé ma présence dans sa salle étant donné que j'ai loupé plus d'un quart d'heure de son enseignement. Je patiente donc en permanence jusqu'au cours suivant, là où je retrouve Roselyne.
— Tu étais où ? s'étonne-t-elle. Will est arrivé seul ce matin.
— Et donc ? pesté-je. Je ne suis pas obligé de rester collé à lui.
— Dit donc, tu es énervé.
Elle lève les yeux au ciel puis souffle de mécontentement.
— Que se passe-t-il ? s'enquiert-elle en attrapant ma main pour nous guider à nos places.
— Quoi ? Je n'ai pas le droit de faire la tronche ?
— Si, c'est ainsi que tu passais le plus clair de ton temps avant Marx, alors dis-moi quel est le problème. Je te connais !
— Tu gaves, Rose.
Elle me donne un coup de poing dans l'épaule en râlant. Finalement, je finis par lui raconter les nouvelles lubies de Loli et ma bêtise avec Will, pendant que le prof barbe le reste de la classe de ses sciences pourries.
— Je ne te comprends pas, se lamente-t-elle. Will est le copain idéal et il est complètement mordu de toi. Pour une fois, tu va m'écouter, te sortir les doigts du cul et aller t'excuser.
Je secoue la tête en fronçant les sourcils tandis que ma meilleure amie éclate de rire.
— Mademoiselle Pancy, puis-je savoir ce qui vous amuse ? s'intéresse le prof en la fixant par-dessus ses lunettes.
— Pardon, monsieur.
— Bordel, mais qu'est-ce que t'as ? grogné-je avec agacement alors qu'elle tente de rire moins fort.
— Je t'ai dit " sors-toi les doigts du cul " et tu es gay, Angelo. C'est hilarant.
Ça ne m'amuse pas, enfin, je dois bien admettre que sa remarque m'a fait sourire durant une seconde.
Je tire sur une de ses mèches pour la calmer, elle geint et gigote sur sa chaise. Toujours à l'aide de ses cheveux, j'approche son visage du mien pour déposer un baiser bruyant sur son oreille. Elle se débat, se trémousse jusqu'à finir les fesses par terre. C'est à mon tour de rire aux éclats.
— Ça suffit ! s'agace le prof en approchant de notre table, les poings sur les hanches. Vous quittez ma salle, tous les deux.
Ma Rose tente de répliquer mais baisse vite les bras lorsque je récupère nos sacs à dos. Je me dirige vers la sortie, elle me suit en râlant et traînant les pieds.
— C'est de ta faute, se plaint-elle une fois la porte claquée à notre nez.
— Pas du tout, m'offusqué-je. C'est toi qui parle de cul et de doigts !
— Mes parents vont me tuer.
— Tu expliqueras à quoi tu t'amuses pendant les cours, ricané-je. Tu verras, ils le prendront très bien.
— T'es un crétin ! On fait quoi maintenant ?
— On attend. Viens, on va dans la cour.
J'entrelace nos doigts pour quitter le bâtiment. Il n'y a personne, c'est paisible et silencieux malgré qu'il fasse froid. Je laisse tomber nos sacs par terre et prends place sur un banc. Roselyne me rejoint rapidement, s'étend sur l'assise et pose sa tête sur mes genoux. Instinctivement, mes doigts passent à travers ses cheveux que je caresse distraitement, tout en songeant à Will. J'essaie d'imaginer ce qu'il penserait s'il nous voyait dans une telle position. Je suis certain qu'il ne serait pas jaloux, il n'a aucune raison de l'être. Il est le seul que je désire irrésistiblement, bien que je me comporte vraiment mal par moments, ou peut-être tout le temps, finalement.
— On a le droit d'être ici ? s'enquiert Rose.
— Je ne pense pas, mais quelle importance ?
— Tu es vraiment de la mauvaise graine, toi.
Je baisse la tête pour apercevoir son visage. Elle me sourit, ses yeux sont presque entièrement dissimulés derrière son épaisse frange. Je fourrage aux travers afin de dégager son front. Elle est vraiment jolie, je comprends pourquoi elle plaît à Maël Tobias. Je devrais sûrement le trouver pour qu'on puisse parler d'elle, cela fait un moment que je ne l'ai pas vu.
— Je comprends pourquoi Will n'a pas su te résister, murmure-t-elle comme si elle lisait dans mes pensées.
Elle clôt les paupières et profite de mes caresses tandis que je reste muet. Je ne réponds pas car j'ignore comment réagir. Rose me connaît, elle supporte mes silences et mes humeurs changeantes depuis des années, pourtant il y a énormément de choses qu'elle ne sait pas à mon sujet. Tout ce que je m'évertue à cacher au reste du monde mais que je n'ai pas su garder secret face à Will. Il est parvenu à lire en moi comme dans un livre ouvert. Il a déchiffré chacune de mes lignes tracées à l'encre ensanglantée, il a vu clair à travers chacun de mes maux.
Roselyne est mon amie, mais elle me verrait sûrement différemment si elle savait à quel point je suis instable. Peut-être qu'elle ne m'aimerait plus, et sans ma Rose adorée, réussirais-je à avancer ?
Ce que je peux être bête parfois. Je me pose tout un tas de questions alors qu'une évidence est présente sous mes yeux depuis des semaines. Will sait tout de moi et pourtant, il m'aime encore. Il a été témoin de ma défaillance avant même d'éprouver des sentiments pour moi. C'est une preuve d'amour pure et sincère.
Je suis un idiot et je dois désormais me rattraper.
L'heure du déjeuner est vite arrivée. Nos plateaux en main, je suis mon amie à travers la cafétéria. Elle s'installe à notre table, celle que nous empruntons chaque jour depuis l'an dernier.
Je rabats la capuche de mon sweat sur ma tête et entame mon assiette. Rose ne fait que parler, me raconte un tas de choses sans grand intérêt. Je ne l'écoute qu'à moitié et je pense qu'elle le sait. Mes yeux sont rivés sur Marx, qui mange avec Bloom et Rivierra, deux tables plus loin. Il me jette un regard de temps en temps, mais ne reste jamais fixé sur moi. Parfois il répond à ses potes, d'autres fois on dirait qu'il est ailleurs et ne fait attention à rien d'autre que son plateau.
Il est beau, magnifique et magnétique. J'ai le souffle coupé chaque fois que je le regarde. C'est presque irréel. J'ai brusquement envie d'être avec lui, de sentir sa chaleur, son odeur et ses bras autour de moi. Cafétéria ou pas, je me moque de l'endroit dans lequel nous sommes. Cela n'a jamais dérangé Will, c'est souvent moi qui refuse de me montrer en public avec lui, enfin en ce qui concerne les gestes intimes tels que nos baisers et nos effleurements.
Je frissonne en songeant à notre échange intense et brûlant dans les vestiaires. Avec du recule, je réalise que c'était une mauvaise idée d'agir ainsi, mais sur l'instant je ne pensais qu'à ses doigts sur ma peau et le plaisir de le retrouver.
— Tu m'écoutes ? m'interroge Rose en mâchant grossièrement son repas.
— Non, vraiment pas. Excuse-moi.
— Quand vas-tu te rattraper ? Tu ne l'as pas quitté des yeux une seule fois depuis qu'on est là.
Je grogne, un peu agacé. Il me manque alors que nous étions ensemble il y a quelques heures, avant que je débite des horreurs. Je n'apprécie pas la façon dont on s'est quitté ce matin. Bien que j'en sois responsable, cette situation me pèse. Je n'aime pas le savoir près de moi sans pouvoir l'atteindre.
J'empoigne mon téléphone, écris rapidement un message et patiente.
Sms de Angel à WillLeMagnifique :
Excuse-moi d'être un connard, soleil. Ce n'est pas une connerie, c'est toi qui me maintiens en vie.
Je l'observe récupérer son portable sur la table. D'où je suis j'arrive à parfaitement détailler son visage. Il fronce un peu les sourcils, je devine qu'il soupire quand je vois ses lèvres s'entrouvrir légèrement. Enfin, il relève la tête vers moi pour que je puisse me perdre dans son océan. Ses iris bleus sont si clairs qu'on les confond presque avec le blanc de ses yeux. Il me scrute un moment, puis finit pas sourire. Un sourire très léger mais qui me réchauffe le cœur. Il reporte son attention sur l'écran du téléphone et à peine vingt secondes plus tard le mien vibre dans ma main.
Sms de WillLeMagnifique à Angel :
Je veux un câlin...
Je ne perds pas de temps, laisse tomber l'idée de lui répondre et me lève pour le rejoindre. Roselyne n'émet aucune plainte alors que je brûle les pas qui me séparent de lui. Mon cœur s'emballe sous son regard pétillant.
J'ignore Pietro et Judas, ainsi que toutes les personnes présentes ici et l'enjambe pour m'installer sur ses genoux. Il me laisse faire sans la moindre hésitation, pose son dos contre le dossier de la chaise pour me laisser de la place entre son torse et la table. Je cache mon visage dans le creux de son cou et hume son parfum frais et viril. Ses mains glissent lentement dans mon dos, sous mon pull. Je frémis au contact de sa peau froide contre la mienne.
— On ne vous dérange pas trop les gars ? se marre Pietro.
— Si, grogné-je, barrez-vous si vous le souhaitez.
Will me pince doucement en ricanant, puis frotte son nez sur ma joue.
— Tu n'es vraiment pas sympa.
— Ouais, ça m'est égal. Je veux profiter de toi avant l'horrible cours de Géo qui m'attend.
— Tu as laissé Rose toute seule, la pauvre, murmure-t-il en me serrant davantage contre lui.
— Elle est habituée, ne t'inquiète pas.
— On va lui tenir compagnie ! s'exclame Rivierra. Bloom, tu viens ?
— Vous ne lui avez jamais parlé, bande de crétins. Elle va prendre peur.
Je relève la tête pour observer Judas.
— Si, toi tu l'as déjà fait, mais pour lui sortir des conneries aussi basses que ton quotient intellectuel.
Il hausse les épaules et se lève en même temps que Pietro.
— Ça va, c'était pour déconner. Je ne suis pas un connard comme Carter.
— Ça, c'est toi qui le dit, Barthélemy.
— C'est Judas, pauvre tache.
— Ta gueule, grogné-je en me cachant de nouveau contre Will.
— Putain, je ne sais pas comment tu fais pour supporter ce type, peste-t-il à l'intention de son pote.
Marx pouffe de rire, puis dépose un baiser sur ma tête par-dessus la capuche.
— Que veux-tu, intervient Pietro, il l'aime sa tache.
Je me crispe à l'écoute de ses mots. J'ai beaucoup trop de mal à les accepter, surtout quand ils ne viennent pas de Will. Ce dernier fait glisser ses doigts sur le bas de mon dos pour me détendre un peu. Ça fonctionne, j'oublie vite les deux abrutis et dépose mes lèvres sur son cou.
J'imagine que toutes les personnes présentes dans la cafétéria doivent être en train de loucher sur nous. Ils épient sûrement le moindre de nos gestes tout en murmurant des commentaires que je ne préfère pas entendre. Je tente de ne pas m'en soucier et profite de l'étreinte chaude de Will, de ses doigts qui glissent sur ma peau.
— On se voit à l'entraînement, Faucon, conclut Pietro. À plus, DeNil.
Une main s'abat doucement dans mon dos. Je pense qu'il s'agit de Rivierra, Bloom et moi nous méprisons trop pour un acte si amical et spontané.
Quand enfin nous nous retrouvons seuls, je soupire et me plaque davantage contre Will. Ses bras remontent dans mon dos, un courant d'air frais me fait frissonner.
— Mon trésor, souffle-t-il en posant son front sur ma tête. C'est agréable quand tu te laisses aller et que tu omets le fait que nous soyons au lycée.
— Il faut un début à tout.
— J'aime quand tu prends des initiatives.
— Hum... j'aime ça aussi. Je pourrais rester éternellement dans tes bras, murmuré-je contre sa peau.
— Quelle douce promesse à mes oreilles.
Je souris et inspire profondément pour m'enivrer de son odeur que j'aime tant.
— À quelle heure es-tu arrivé ce matin ?
— Avec quinze minutes en retard. J'ai loupé mon premier cours et ensuite on s'est fait virer avec Rose, ricané-je en me redressant pour le regarder.
— Quelle bêtise as-tu encore fait ?
— Je n'ai rien fait, c'est elle. Elle parlait de mon cul.
Il hausse les sourcils puis incline la tête très légèrement.
— Pardon ?
Je pouffe de rire et embrasse le bout de son nez.
— Laisse tomber, c'est des conneries.
— Hum... tu rentres avec moi après ? me demande-t-il doucement.
— Rentrer où ?
— Chez-moi, idiot.
Je le fixe plusieurs secondes, pour tenter de distinguer s'il est sérieux ou pas.
— Ce n'est pas une bonne idée, finis-je par chuchoter.
— Trois bonnes raisons ?
Ça me fait sourire. Je repense à notre échange de textos avant qu'il ne vienne passer la nuit avec moi et essaie de mettre de côté le fait que tout s'est très mal fini ce soir là.
— Tes parents. Je ne verrai pas si Loli s'est changée. Elle va rester seule avec Bérénice, énuméré-je.
Il hoche la tête en me regardant avec malice.
— Mes parents ne sont pas là ce week-end, ils partent à dix-neuf heures. Nous serons seuls avec Jude.
Il dépose un baiser sur ma joue gauche.
— Ensuite, tu ne sauras jamais si ta sœur est allée à l'école avec son short puisqu'elle finit plus tôt que toi et aura largement le temps de se changer avant ton arrivée.
Cette fois il embrasse ma joue droite.
— Et pour terminer, Loli est restée seule plus de deux semaines avec ta mère quand nous étions perdus et Simona n'est qu'à deux pas de chez toi. Alors, tu n'as plus d'excuses pour ne pas venir dormir avec moi.
Ses lèvres se posent sur les miennes, je sens son sourire se dessiner sur ma bouche.
Il vient de mettre à terre tous mes arguments pour ne pas y aller. En réalité, si j'hésite c'est uniquement parce que j'angoisse à l'idée de m'y rendre.
Ses lèvres dansent lentement contre les miennes. Elles me donnent chaud et me font vivre.
— Allez, viens, s'il te plaît. Je veux que tu dormes avec moi.
Je frissonne dans ses bras, nous sommes si proches qu'il doit probablement sentir le rythme affolant qu'a emprunté mon cœur.
" Suis-je capable d'accepter ? "
La question que tu dois te poser est celle-ci : As-tu envie d'y aller ?
" Tu le sais, Lumière, tu es dans ma tête. "
Bien sûr que je connais la réponse, alors accepte.
— D'accord, m'entends-je répondre. Je viendrai.
Un sourire éclatant éclot sur ses lèvres. Je suis ravi d'avoir dit oui juste pour admirer la splendeur de son visage.
— Merci, souffle-t-il.
Je l'embrasse en passant mes mains dans ses cheveux pour davantage de contacts. Je lèche sa lèvre inférieure puis claque un baiser baveux sur sa bouche avant de m'éloigner. Je quitte ses genoux afin de m'installer convenablement à ses côtés. Will fait la moue et se penche pour poser ses lèvres contre mon oreille.
— On a joui dans les vestiaires mais tu arrives tout de même à être gêné quand on s'embrasse au milieu de la foule sans aucun geste déplacé.
Mes joues s'enflamment, je baisse la tête pour qu'il ne le voit pas. Ma capuche retombe sur mon front, il la retire pour laisser apparaître mes ondulations blondes.
— Il n'y avait que nous quand tu m'as sucé, bougonné-je. Ici, tout le lycée nous regarde comme si nous étions des erreurs de la nature.
— Ce n'est pas toi qui a dit " J'emmerde tous ces connards insipides. " ou un truc qui y ressemble grandement.
— Ouais, grogné-je, mais pour toi ça ne compte pas.
— Je les emmerde aussi ! Si ça ne leur plaît pas que j'embrasse mon copain alors ils peuvent simplement détourner le regard.
Je souris. Il sait toujours comment m'apaiser alors je ne cesse de le blesser. Je suis vraiment un petit-ami à jetter aux ordures. Il dépose un énième baiser sur mes lèvres et attrape ma main pour en embrasser la paume.
— On se rejoint après mon entrainement ? souffle-t-il alors que je me noie dans l'immensité de son océan.
J'acquiesce, il n'y a pas d'autre solution s'il souhaite que je passe la nuit avec lui. Je n'ai absolument aucune idée d'où il vit.
— Essaie de ne pas te casser.
— Je me casse rarement quand je joue, s'amuse-t-il. Mais si ça se produit, tu pourras me réparer.
Je hoche encore la tête, en souriant cette fois.
— Alors évite de briser le nez de Carter pour la troisième fois.
— Si je le fais c'est qu'il l'aura mérité.
— Je n'en doute pas, mais abstiens-toi.
— Hum, ok, souffle-t-il en se redressant.
Je l'imite, bien que je n'ai aucune envie de le quitter.
— À plus tard, trésor, murmure-t-il en m'enlaçant.
— À plus, soleil.
Je l'observe s'éloigner alors qu'il se tourne vers moi pour me souffler un baiser.
Annotations