Chapitre 7, partie 2 :
Angelo DeNil :
Putain !
Je vais vriller et tout ravager. J'ai des envies de meurtres, le désir de brûler cette putain d'école, d'y foutre le feu et d'admirer tout flamber sous mes yeux. J'entends la respiration de Marx se couper dans sa cage thoracique. Je ne devrais pas, c'est imperceptible normalement, mais mes sens sont en éveil. Tout est décuplé, ma colère et ma rage, mes pensées assassines me submergent.
— C'est Marianna, avoue Alexie.
Mon corps se tend douloureusement alors que je pivote vers Will pour le fixer avec hargne.
— J'étais là aussi, enfin... au début, continue-t-elle. Je suis partie quand je me suis aperçue que votre conversation était privée. Je me sentais mal de vous écouter. J'ai essayé de la convaincre de me suivre. Elle n'a pas acceptée, et quand elle m'a rejoint bien plus tard elle m'a montré ce qu'elle avait filmé. J'ai essayé, Will, de l'obliger à tout effacer mais elle ne m'a pas écoutée. Je ne la pensais pas capable de faire une chose pareille. J'aurais dû venir t'en parler immédiatement, je m'en veux...
Elle termine sa tirade la tête baissée et les joues écarlates. Je me moque de sa culpabilité, je me fous de tout ce qu'elle peut bien dire. Le mal est fait.
— Putain, gronde Will en me faisant face, Angelo, je...
— Pourquoi ? craché-je. Pourquoi a-t-elle fait ça maintenant alors que nos retrouvailles dans les vestiaires datent d'il y a plus d'une semaine ? Tu n'as pas une petite idée ? Ce n'est sûrement pas parce que tu l'as trompé puisque la moitié du bahut l'a retournée !
Il détourne le regard, sa réaction est bien trop évocatrice. Oui, il se doute de la raison pour laquelle elle a agi, et il a plutôt intérêt à me donner une réponse.
— Parle ! hurlé-je désormais. Pourquoi, à ton avis, ta chienne d'ex a violé ma putain de vie privée, et l'a étalée aux yeux de tous ?
Il s'approche lentement, lève la main pour caresser ma joue mais je ne lui en laisse pas l'opportunité. Je le pousse en appuyant ma paume contre son torse.
— Parle !
— J'ignore si c'est la raison pour laquelle elle a fait ça, mais... je l'ai envoyé promener ce week-end. Elle voulait qu'on couche ensemble ou je ne sais quoi, en souvenir du bon vieux temps d'après ce qu'elle m'a dit, mais j'ai refusé. Je lui ai dit de ne plus me contacter. Ne me regarde pas comme ça, Angelo, s'il te plaît...
Mon visage s'échauffe, la colère colore mes joues. Le puzzle s'assemble et subitement j'oublie que mon membre et ma vie s'étalent aux yeux des autres pour me focaliser uniquement sur ce que Will vient d'avouer.
— Nous étions ensemble... murmuré-je, fou de rage. Alors quand ? Quand as-tu pu l'envoyer chier ? J'étais avec toi tout le week-end !
— Elle m'a appelé pendant que tu dormais, mais j'ai refusé, répète-t-il encore.
— Mais, putain ! explosé-je. Je m'en branle de ce que tu lui as dit, Marx ! Ce que je veux savoir c'est pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? Pourquoi tu ne m'as pas dit qu'elle t'avait appelé ? Pourquoi ? Si je n'avais pas été avec toi, tu y serais allé ? Tu l'aurais baisé ?
— Que... quoi ? bafouille-t-il en tentant encore de m'approcher.
— Dégage !
Il laisse retomber ses bras et semble anéanti. Je le suis aussi, mais je suis également en colère contre lui. Il regarde rapidement autour de nous, nos amis respectifs restent en retrait mais écoutent et observent tout de même.
— Angelo, souffle-t-il, tu sais pourquoi je ne l'ai pas fait...
— Non ! Si je te le demande c'est que je n'ai pas la réponse.
— Ne m'oblige pas à le dire, pas ici.
— Accouche ! éructé-je. On m'a vu avec ta queue dans la main et la mienne dans ta bouche. Tout le monde sait que je suis fou à cause de ta salope alors crache-la, dégueule-la, hurle-la, je m'en branle, mais donne moi la réponse que j'attends !
— J'avais peur que tu dérapes, chuchote-t-il en regardant le sol.
— Comment ça ?
— Je... ça allait te chagriner et... on était si bien que je ne voulais pas te voir t'énerver ou faire une crise, ou... je ne sais pas. Je voulais juste que tout se passe bien, c'était calme et apaisé entre nous.
— Une crise ? Merde, mais va te faire foutre, Marx.
Je tourne les talons, le cœur en alerte. Il faut que je parte. Je dois m'éloigner pour ne pas complètement perdre les pédales. Cette image, celle de nos ébats et de mes bras mutilés, elle ne s'efface pas de mon esprit, comme tatouée sous mes paupières. J'ai envie de hurler parce qu'elle est affichée partout, qu'elle repose dans toutes les mains. Pire encore, la scène est filmée et diffusée sur les dix écrans du lycée. Ma vie, ma névrose, ma maladie sont mises en avant devant je ne sais combien de personnes et ça me rend barge, toujours plus fou que je ne le suis. Et, il y a Will et les non-dits, comment puis-je me sentir bien après cela ?
— Angelo, bon sang mais où tu vas ? demande-t-il en trottinant derrière moi.
Je le repousse sans ménagement lorsqu'il attrape mon bras. Il recule de quelques pas sous la violence de mon geste et tangue avant de se stabiliser pour ne pas tomber.
— Angelo, je t'en prie, ne réagis pas comme ça. Je suis dans la même situation que toi.
J'éclate de rire, un rire dément, plein de rancœur et de reproches.
— Dans la même..., commencé-je. Non, la seule chose qu'on sait de toi c'est que tu me suces et que tu aimes ça. Mais moi, moi, ma vie est étalée et putain de merde, je ne le supporte pas ! C'était entre toi et moi ! Tu étais le seul au courant, William !
— Je suis désolé, vraiment. Mais ce n'est pas ma faute, se défend-il. Je n'ai pas fait circuler l'information, jamais je n'aurais fait une horreur pareille !
— Mais tu m'as menti !
— Je ne t'ai pas menti, je ne te l'ai pas dit uniquement dans le but de te préserver.
— Putain ! Tu t'entends ? Me préserver de quoi ? Je ne suis pas un gosse qu'on protège du froid en plein hiver ! Je n'ai pas besoin d'être préservé, j'ai besoin que tu sois honnête avec moi ! Dis-moi, Will, si je n'avais pas été là, tu l'aurais sauté ?
Il fronce les sourcils, se focalise sur moi et semble ne plus ce soucier qu'une houle humaine nous entoure.
— Bien sûr que non ! s'exclame-t-il en serrant les poings.
— T'as envie de me cogner ? le nargué-je.
— Comment peux-tu imaginer ne serait ce qu'une seule seconde que je sois capable de te tromper ?
— Tu l'as trompé, elle !
— Avec toi, bordel ! C'est toi que je désire, tu le sais ! Je ne ferai jamais quelque chose qui te mettrait en mauvaise posture ou te ferait du mal !
— Tu l'as déjà fait, pesté-je, tu n'es pas honnête !
— Je croyais que tu te foutais de ce que les gens pensent de toi, détourne-t-il.
— C'est le cas, crié-je, mais ça... ça, c'était entre nous ! Je me suis ouvert à toi alors que je m'étais interdit de le faire et maintenant ça tourne en boucle dans le lycée !
— Je suis sincèrement désolé, Angelo. Ce n'est pas ce que je voulais, mais je suis victime aussi.
— Je m'en branle ! Règle cette histoire rapidement, Marx, parce que si tu ne le fais pas, je vais arracher les yeux de Marianna pour te les faire bouffer.
— Trésor... souffle-t-il, sûrement pour tenter de me calmer. S'il te plaît, viens, on va gérer la situation tous les deux. On ne doit pas se diviser, on doit avancer ensemble.
Il tend la main dans ma direction sans pour autant s'approcher. Je le fixe sans bouger. Je ne veux pas, je ne peux pas aller vers lui. Je suis bien trop en colère pour faire un pas en avant.
Je me sens trahi. S'il me cache le simple fait que son ex entre en contact avec lui, que sera-t-il capable de taire dans d'autres situations ?
J'ai besoin d'effacer cette dernière demi-heure, de l'oublier et de m'évader. Il n'y a que la douleur qui peut m'aider. Elle seule est ma porte d'issue, comme souvent, non, comme tout le temps. La souffrance est ce qu'il y a plus de concret pour moi, elle est réelle, venue d'un enfer dans lequel j'ai le contrôle ; un démon avec lequel je peux pactiser pour un instant de paix.
Je regarde autour de moi, zieute avec rage l'attroupement qui nous entoure. Je n'ai rien à ma disposition, rien pour faire taire ma haine grandissante et cette affreuse peine. Quand bien même, je ne peux pas me tailler la peau jusqu'à m'effondrer alors qu'une horde est là, à m'épier. Désormais, ils savent qui je suis et ce que je représente, mais je dois m'abstenir. Je ne suis pas inconscient au point d'engrener tant de monde dans le gouffre de ma folie.
— Frappe-moi, marmonné-je en ancrant mes yeux à l'océan de Will.
— Quoi ?
— Frappe-moi, bordel. Cogne-moi. Je sais que tu en as envie, le provoqué-je. Je vois bien tes poings serrés et ta mâchoire crispée. Éclate-moi la gueule, ça te brûle les doigts, Willy.
Il fait un pas en arrière, vacillant, comme heurté par mes mots, puis secoue vivement la tête.
— Tu ne peux pas me demander ça, murmure-t-il, perturbé.
— Fais-le.
— Jamais je ne te toucherai pour te causer du tort, Angelo. Non, je ne te frapperai pas.
Un sourire provocateur se dessine sur mes lèvres alors que j'approche lentement de lui. Je suis à bout de nerfs, il me faut ma dose de souffrance pour que je me calme. Je m'immobilise à quelques centimètres de son corps, le visage levé vers le sien. Il tremble. Lui aussi va mal, je le comprends lorsque je distingue la mer agitée qui a pris place au fond de ses yeux.
— Tu en es certain ? murmuré-je en me dressant pour que nos lèvres s'effleurent.
Ses yeux me répondent à la place de sa bouche. Son souffle haché et mentholé caresse ma peau mais ça ne suffit pas à me détendre.
— Tu le sais, soleil, ce que je vais m'empresser de faire si tu ne calmes pas mon besoin, n'est-ce pas ? susurré-je.
Ses paupières se ferment, se serrent si fort que son front se plisse. Son visage est défiguré par la douleur.
— Ne me demande pas ça, je t'en supplie. Je ne peux pas...
Il est tiraillé, meurtri et j'ai envie de me flageller de lui infliger ça.
La sonnerie du lycée retentit. Rapidement, l'attroupement diminue, seuls les plus curieux restent présents.
— Angelo, m'interpelle Rose, tu dois te calmer. On dirait que tu es sur le point d'exploser.
C'est le cas. Intérieurement, je bouillonne. J'ignore mon amie et me rapproche davantage de l'homme que j'adore inexorablement et que pourtant, je fais souffrir. J'embrasse ses lèvres, il tressaille.
— Si tu n'agis pas, je me ferai du mal dès que j'en aurai l'occasion. J'ai besoin de toi, mon amour.
Son regard s'enflamme alors qu'il assimile mes propos. Je viens de foutre le feu à l'océan, malgré ça, il souffre encore. Je n'ai pas menti, je pense ces deux petits mots plus que n'importe lesquels. Il est ma lumière, mon oxygène, l'unique à mes yeux, et je me sens coupable de l'inclure dans ma névrose, de le pousser à bout.
Son front se pose délicatement contre le mien, je cesse de respirer. Ses bras s'enroulent autour de moi, il me plaque contre son corps ferme et imposant.
— Si tu savais..., souffle-t-il contre mes lèvres.
— Si je savais, quoi ? m'enquiers-je sur le même ton.
— Tout ce que je ressens pour toi...
Avant que je ne puisse répliquer, une main agrippe mon coude et me tire violemment vers l'arrière. On m'arrache à Will, mon soleil.
Je n'ai le temps de rien faire alors qu'un coup s'abat puissamment contre mon épaule et déclenche une douleur insupportable mais désirée.
" Putain, oui ! "
Je souris comme un idiot, c'est exactement ce qu'il me fallait.
Alors que je cherche à distinguer la personne que je suis sur le point de remercier, un second coup atteint mon visage. Je vacille brusquement, sonné et apaisé. Je m'écroule, dos contre le bitume. Ma vision se brouille, la douleur est vive.
— Putain, mais t'es complètement malade ! hurle Will.
Ses doigts effleurent ma pommette qui doit probablement avoir pris une teinte bleutée. J'inspire profondément, remplis mes poumons jusqu'à saturation avant de sombrer sous les caresses qui calment désormais la souffrance que je souhaitais ressentir. Avant de m'endormir, je sens mon corps se déplacer, puis l'odeur virile de Will se répandre dans mes narines quand il me presse contre lui.
— Mon trésor, pardon..., murmure-t-il en pressant ses lèvres sur mon front.
" Je crois que je t'aime, William. Mon beau soleil qui se bat au milieu de la tempête de mon esprit. "
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