Chapitre 8, partie 1 :

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Will Marx :

Je caresse la pommette bleue et légèrement enflée d'Angelo, tout en avisant mon ami d'un mauvais œil. Je sens les regards braqués sur nous mais use de tout mon self-control pour les ignorer. Si j'étais déjà au bord de la crise de nerfs, désormais je suis sur le point de tous les éclater. Pourtant, rares sont les moments où ce genre de pensées me traversent et davantage ceux durant lesquels je me montre réellement violent. Jusqu'à maintenant, seul Noah a été capable de me faire sortir de mes gonds.

— T'es complètement con, craché-je, pourquoi t'as fait ça ?

Judas s'accroupit face à moi. Sa main se pose sur mon épaule puis il détaille Angelo qui divague dans mes bras.

— Je t'ai rendu service et à lui aussi, m'informe-t-il en pointant l'index vers mon trésor.

— Ah ouais, excuse-moi, je suis idiot. J'ai oublié de te remercier pour avoir cogné mon copain.

Il s'assoit en tailleur sur le sol, alors que Pietro et Roselyne nous rejoignent. Maël a préféré partir avant que la situation ne s'envenime. Je ne lui en tiens pas rigueur, moins il y a de témoins mieux je me porte.

— Tu y es allé fort, grimace mon meilleur ami.

— Rassure-moi, tu as compris pourquoi je l'ai fait, non ?

— Ouais, mais c'est normal que Will ne comprenne pas. T'as frappé la personne qu'il aime.

— Éclairez-moi, dans ce cas ! grogné-je en passant mes doigts entre les ondulations claires d'Angelo.

— Nous ne sommes pas aveugles, soupire Pietro.

— On a vu ses bras, on a entendu votre conversation. On n'est pas cons au point de ne pas comprendre ce qu'il insinuait quand tu as refusé de le frapper, continue Judas. Je sais que tu ne lui aurais pas fait de mal et après tu te serais senti comme une merde en découvrant ses nouvelles blessures. Tu aurais culpabilisé en te persuadant qu'il se serait mutilé à cause de toi alors que tu n'es pas responsable, ni de ça ni de ce que Marianna a fait.

Je baisse les yeux pour assimiler ses propos. Il a sûrement raison, mais ce n'est pas pour autant que j'accepte qu'il l'ait frappé. Le sourire éclatant sur le visage d'Angelo lorsqu'il a reçu le premier coup ne cesse de se dessiner sous mes paupières, c'était comme une libération. Au fond, je sais qu'il en avait besoin, qu'il lui fallait sa dose de douleur pour calmer sa colère mais je serai toujours incapable de l'aider dans ce genre de situation. Jamais je ne pourrai ne serait-ce que m'imaginer en train de lui faire du mal, même s'il se m'est à genoux face à moi et qu'il me supplie d'agir.

Roselyne se place près de son ami, ses doigts fins caressent son visage.

— J'ignorais qu'il était malade, souffle-t-elle. Je comprends enfin pourquoi il est si renfermé parfois et pourquoi il donne l'impression de souffrir à chaque instant.

— Il aurait fini par te l'avouer, murmuré-je pour la rassurer.

— Oui, probablement...

Elle se retient de pleurer, sa voix est légèrement cassée et ses yeux remplis de larmes. Pietro passe une main dans son dos et frotte doucement, sûrement pour la calmer. Elle sursaute d'abord, surprise par ce geste si amical puis finalement, elle se détend et se laisse faire sans broncher.

— Je devrais t'en mettre une aussi...

Je relève la tête vers Judas pour l'interroger silencieusement.

— Vous avez éjaculé dans les vestiaires, putain. Vous êtes dégueus.

Pietro éclate de rire et Rose sourit en voyant l'air dégoûté qui a pris place sur le visage de Bloom.

— Ouais, et c'était vraiment incroyable, soupiré-je.

— Épargne-nous les détails, on a déjà tout vu, grogne-t-il en penchant la tête en arrière.

Angelo gigote dans mes bras, ses paupières s'ouvrent lentement quand je pose mon regard sur lui. Il observe rapidement les trois têtes penchées au-dessus de la sienne puis grogne de mécontentement avant d'ancrer ses iris bruns aux miens.

— Putain, mais pourquoi ils me louchent dessus comme ça ? Je ne respire plus, là !

Je ricane alors que tous s'éloignent en expirant bruyamment.

— Je préfère quand il dort.

— Et moi, quand tu n'es pas là, Barthélémy.

— Il n'est jamais bien loin le DeNil qu'on connaît, constate Pietro.

— Ah, parce que vous me connaissez, bande de crétins ?

Exaspéré, mon meilleur ami lève les yeux au ciel tout en souriant. Nos compères se redressent tandis que je reste prostré au sol, Angelo dans mes bras.

— J'ai mal au crâne, souffle-t-il en calant sa tête contre mon torse. Putain, et à l'épaule aussi.

— Je sais..., dis-je en effleurant son front de mes lèvres. On passera à l'infirmerie.

Son corps se tend brusquement, ses yeux s'arrondissent et il se relève à la hâte. Il vacille alors que ses doigts pressent sa tempe droite pour atténuer la douleur.

— Merde ! J'avais oublié, mais non, non, tout le monde le sait, tout le monde sait... panique-t-il en tournant en rond. Ils nous ont... regardé... et toi tu n'as... merde, merde. Merde !

Je saute sur mes pieds pour le rejoindre et attrape ses hanches pour tenter de l'amener contre mon torse. Son corps est si tendu qu'il ne bouge pas d'un centimètre.

— Tu m'as menti, chuchote-t-il, tu m'as caché la vérité.

Je secoue la tête, je ne lui ai jamais menti. Il n'est plus en colère, il paraît anéanti, comme vidé de toute énergie.

— On en discutera quand on sera tous les deux et loin des regards indiscrets. D'accord ?

Il acquiesce et se laisse tomber dans mes bras en un geste désespéré. Je le garde en sécurité contre mon torse, sa tête se niche dans le creux de mon cou alors qu'il inspire profondément.

— Lolo, commence Roselyne en faisant quelques pas vers nous. Tu sais, malgré tout ce qu'on a vu et entendu, je t'aime toujours autant. Tu es mon meilleur ami, mon seul ami et même si tu étais un psychopathe tueur de chats, je t'aimerais encore.

Les épaules de DeNil s'affaissent, puis je l'entends sangloter et mon cœur se serre. Sans se défaire de mon étreinte, il ouvre un bras pour que son amie vienne se blottir contre nous. Elle se place silencieusement entre nos deux corps et je l'étreins en même temps qu'Angelo.

Leur amitié est pure et sincère. Je suis heureux que mon trésor ne soit pas seul, Rose est d'un soutien sans faille. Elle est douce et authentique.

— Je t'aime aussi, ma Rose, murmure-t-il en respirant son odeur, le nez dans ses cheveux.

Je clos les paupières pour ne pas m'insurger. Je n'ai jamais douté de la réciprocité de leurs sentiments, pourtant, c'est douloureux qu'il prononce les mots que je rêve d'entendre alors qu'ils ne me sont pas destinés. Je ne fais aucune remarque et avale la gêne qui obstrue ma gorge pour ne pas gâcher ce moment d'amitié, bien que cela me procure une horrible souffrance. Ma peine doit se lire sur mon visage parce que Pietro et Judas m'observent avec compassion. Je baisse la tête, mordille ma lèvre pour retenir mes plaintes et supplications. Puis, je m'ordonne de ne pas me mettre à genoux face à lui afin de l'inciter à me dire qu'il m'aime aussi, que ses sentiments envers moi sont aussi brutaux et envahissants que ceux que j'éprouve à son égard. Je ne peux définitivement pas agir ainsi car, en plus de me ridiculiser, je briserais ce petit lien spécial qui nous unit.

— Dispersez-vous et rejoignez immédiatement l'établissement ! crie une voix un peu plus loin.

Nous nous séparons pour regarder le proviseur qui fulmine près des grilles du lycée. En traînant des pieds, nous nous dirigeons vers la potence. La sentence va être brutale, j'en ai peur.

Angelo a glissé sa main dans la mienne, ce qui me calme un peu malgré le mal qu'il m'inflige en parallèle. J'entends Bloom et Rivierra râler alors que Roselyne marche tête baissée.

— Messieurs Marx et DeNil, dans mon bureau et que ça saute ! ordonne-t-il. Les autres allez en cours, je ne veux plus vous voir !

Je jette un œil à mon meilleur ami qui serre le poing dans ma direction, ainsi il me demande silencieusement d'être fort, puis il détale au fond du couloir. Judas et Rose s'éloignent également tandis qu'Angelo soupire bruyamment. J'ai bien conscience que les retombées vont être terribles, ça ne me plaît pas.

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