Chapitre 11, partie 2 [⚠️] :
Will Marx :
Je passe une main dans mes cheveux, plaquant mes mèches vers l'arrière avant de frapper contre la porte du bureau de Murray. Sa voix grave m'invite à entrer, je me plante devant lui alors qu'il relève lentement la tête vers moi.
— Will, que puis-je faire pour toi ?
— J'aimerais m'entretenir avec vous.
Il me sonde quelques secondes avant de pointer du doigt la chaise face à lui.
— Je t'écoute, déclare-t-il quand je prends place sur le métal froid.
— J'aimerais déléguer mon poste de capitaine.
Ses sourcils se froncent. La tête légèrement inclinée, il attend plus d'explications.
— J'ai délaissé mes responsabilités depuis un moment et j'en ai conscience. C'est pourquoi j'aimerais que quelqu'un prenne ma place. Depuis plusieurs mois ma vie à pris un nouveau tournant et est assez mouvementée. J'ai besoin de plus de temps pour moi et être capitaine ne m'en laisse pas suffisamment. Et puis, pour être honnête avec vous, je n'ai jamais vraiment apprécié maintenir mon équipe à flot. J'ai des préoccupations qui m'empêchent de me donner à fond dans ce rôle et j'ai bien peur de ne plus être capable de gérer le courage de mes coéquipiers.
Il hoche la tête puis ses doigts passent à travers sa barbe blanchie avec l'âge. Il remonte ses lunettes sur son nez et s'enfonce dans son siège.
— Ta décision a-t-elle un rapport de près ou de loin avec le petit DeNil ? demande-t-il sérieusement.
— Oui, soupiré-je, il a besoin de soutien et mon esprit est ailleurs quand il va mal. Si je ne suis pas concentré, je ne peux pas remotiver l'équipe.
— Je comprends, acquiesce-t-il. Je me demandais ce qui te rendait si dissipé ces derniers temps, j'ai eu ma réponse quand les vidéos ont été diffusées. Je m'attendais à ce que tu viennes en discuter, il suffisait d'attendre le bon moment.
Je soupire, soulagé. J'avais la pression et j'étais persuadé qu'il ne comprendrait pas, je l'ai visiblement sous-estimé.
— Tu ne te retires pas de l'équipe ?
— Non, bien sûr. Je garde mon poste et ne compte pas mettre un terme aux entraînements. Je veux juste me défaire du rôle de capitaine parce que je ne me sens plus capable de l'être.
— J'accepte ta décision, bien qu'il ne reste que peu de temps avant la fin de la saison. As-tu des noms à me donner pour te remplacer ?
— Rivierra ou Bloom seraient parfaits, l'un ou l'autre fera l'affaire.
— Très bien, j'y réfléchirai. Autre chose ?
Je secoue la tête, c'était la seule raison de ma venue ici. Je me sens plus léger et c'est agréable.
— Tu peux y aller. Will, m'interpelle-t-il avant que je passe la porte, fais attention à toi et au petit. Vous méritez d'être heureux et vous avez tout mon soutien.
— Merci, coach, murmuré-je avec émotions.
Je quitte les vestiaires sans me retourner et me hâte de rejoindre Angelo. Je pensais le trouver à notre point de rendez-vous mais il n'est pas devant la cafétéria. Je m'adosse au mur et patiente en regardant distraitement les gens passer sous mon nez. Cinq minutes plus tard, je commence à trouver son retard étrange. Je regarde à travers les vitres du restaurant pour examiner les tables mais ne le vois pas. J'empoigne mon téléphone et lui envoie plusieurs sms qui restent sans réponse.
— Will la menace, résonne la voix d'Alexie, tu vas bien ?
Je relève la tête vers elle, sans pour autant quitter la conversation d'Angelo.
— Ça va, dis-je sans enthousiasme, et toi ?
— Tu n'es pas très convaincant.
Je hausse les épaules, l'esprit ailleurs.
— Je vois, tu n'es pas d'humeur causante aujourd'hui. On discutera plus tard, dit-elle gentiment.
Je lui souris, reconnaissant. Elle frotte mon bras et s'éloigne après m'avoir offert un clin d'œil complice. Je la fixe s'éloigner, en tentant de joindre mon trésor mais mon appel reste sans suite.
— Lexi, la hélé-je en trottinant derrière elle, tu n'as pas croisé Angelo par hasard ?
— Non, je ne l'ai pas vu depuis qu'il s'est fait virer.
J'aquiesce en soupirant.
Bon sang, mais que fait-il ?
Je prends la direction de la salle de Noël, peut-être n'est-t-il pas encore sorti de son cours. Judas apparaît au bout du couloir, je m'approche de lui.
— Salut, vieux. Tu vas sûrement avoir des nouvelles de Murray, je vous ai recommandé Pietro et toi pour me succéder en tant que capitaine.
Il me regarde étrangement, visiblement surpris. Mon téléphone vibre et je décroche sans regarder l'écran, persuadé qu'il s'agit d'Angelo.
— Je t'attends, lâché-je.
— T'es où ? demande mon meilleur ami.
Je ralentis le pas lorsque je remarque qu'un troupeau d'étudiants s'est formé devant les toilettes.
— Je cherche Angelo, je ne sais pas où il est et il ne me répond pas.
— T'es où ? répète-t-il avec inquiétude.
Le timbre de sa voix m'angoisse mais pas au point de surpasser mon trouble quant au fait que mon trésor soit injoignable.
— Dans le couloir D, avec Judas. Tu ne sais pas ce qu'il se passe aux toilettes ?
— Putain ! grogne-t-il. Reste où tu es, j'arrive tout de suite !
Il raccroche avant que je ne puisse répondre. Je n'ai pas le temps de me plaindre que je le distingue déjà accourir vers nous. Son visage est blême et je remarque immédiatement que quelque chose ne va pas.
— Arrête-toi, s'écrie-t-il, mon frère, écoute-moi. Reste où tu es, ne va pas plus loin.
— Hein ? Pourquoi ? Je veux juste savoir où est DeNil.
— Justement ! s'empresse-t-il d'ajouter. Willy, respire et détends-toi, ok ?
Mon sang s'échauffe, mon cœur s'emporte. Pietro n'a pas pour habitude de se comporter ainsi.
Où est Angelo ?
— Abrège, gronde Judas, t'es blanc comme un cul, Rivierra !
— Il s'est... il y a eu... un accident dans les toilettes, une ambulance est...
— Quel accident ? paniqué-je. Et quel est le rapport avec...
Putain !
Le puzzle s'assemble, je crois avoir compris. J'ai mis un temps fou à percuter.
Mes tempes battent et mes mains tremblent. Je me sens nauséeux et vacillant.
— C'est lui ? demandé-je sans attendre de réponse.
Je bouscule Pietro et me hâte vers les toilettes. Sa main s'enroule autour de mon poignet, il me tire brusquement en arrière.
— Will, tu ne devrais pas...
— Putain, lâche-moi !
Mes jambes me guident rapidement vers le lieu que je redoute. J'ignore les avertissements de mon meilleur ami et essaie de me frayer un chemin entre les gens qui s'agglutinent.
— Merde, dégagez ! Laissez-moi passer ! pesté-je en jouant des coudes.
— Monsieur Marx, s'exclame le proviseur. Restez où vous êtes !
Sa main se plaque contre mon torse, ses yeux m'implorent de ne plus bouger mais je ne peux pas. Je dois être certain qu'Angelo va bien. Il m'est impossible de rester dans le doute et d'attendre.
Non !
Je bouscule Johnson sans ménagement et entre dans les toilettes. Les yeux exorbités, je fixe l'horrible scène qui se joue face à moi. C'est une horreur. Mon pire cauchemar se matérialise dans les chiottes crasseux du bahut.
Mon cœur cesse de battre, je crois que suis à l'agonie. Un hurlement douloureux m'échappe alors que je tombe près de son corps inanimé. Je ne sens pas les larmes qui dévalent mon visage à vive allure, pourtant je les vois tomber sur la peau pâle de mon trésor endormi.
Pitié, dîtes-moi qu'il dort.
J'attrape ses épaules et le plaque contre mon torse tout en continuant de hurler de souffrance. J'ignore quoi faire ni où regarder. La flaque rouge dans laquelle il baigne m'étouffe. Mes paumes se referment sur ses poignets, je comprime ses plaies qui pleurent son sang. Je n'arrive plus à respirer, je suis en train de crever. J'embrasse son front, ses joues et ses lèvres tout en pleurant, en priant pour qu'il se réveille.
Putain ! Dîtes-moi qu'il dort !
Ses paupières closes et gonflées m'alarment.
— Trésor ! Ouvre les yeux, pitié, sangloté-je en le berçant dans mes bras.
Son sang me recouvre désormais, imbibe mes vêtements et les siens. Sa peau est froide, et je vais flancher. Mon trésor est gelé, je dois le réchauffer. J'examine son visage, ses joues sont griffées, ses lèvres saignent et il est pâle. Si pâle...
— Monsieur Marx, revient à la charge Johnson, vous ne devriez pas rester ici. Les secours arrivent.
— Ne me touchez pas ! hurlé-je alors qu'il pose sa main sur mon épaule. Angelo, je t'en supplie ne me fais pas ça. Elle n'est pas drôle cette blague, pas drôle du tout !
Ma main délaisse son poignet et j'ouvre ses doigts lorsque je remarque que son poing est serré. À l'intérieur de sa paume se cache un morceau de verre ensanglanté. Je réalise enfin qu'il a brisé le miroir pour s'ouvrir les veines. Je n'avais pas compris, non, je ne l'avais pas vu. L'unique chose qui m'a fatalement frappé lorsque je suis entré dans les toilettes c'est que mon trésor n'a pas tenu le coup. Je ne suis pas parvenu à le maintenir à flot. Je n'étais pas là pour le retenir et il a coulé. Désormais, je me noie avec lui.
Tout s'enchaine très rapidement quand les ambulanciers arrivent. On m'arrache de force à mon trésor.
Non ! Laissez-le moi, je vous en prie ne l'emportez pas loin de moi.
Je me retrouve seul et agonisant, assis dans une flaque de sang et le visage dévasté par un fléau de larmes. Je hurle, j'en suis certain parce que ma gorge me tiraille, pourtant je ne m'entends pas. Tout est flou dans mon esprit sauf l'image d'Angelo et de ses cheveux blonds qui ont baigné dans un liquide trop coloré. Ses bras entaillés qui pleurent des larmes rouges, comme moi. Non, pas tout à fait. Les miennes sont transparentes mais tout aussi douloureuses. J'ai mal, bordel ! Sa peau ne me réchauffe plus et ses yeux ne me regardent pas.
Comment vais-je survivre à ça ?
— Je veux venir, murmuré-je. Je veux partir avec lui !
Je tente de me lever mais mes pieds glissent dans la marée rouge, je me retrouve paumes et genoux dedans. J'en suis recouvert, c'est un enfer. Je veux disparaître, qu'on abrège mes souffrances.
Mon cœur est mort, je crois qu'il s'est trop emballé pour finalement s'arrêter. Il s'est éteint lorsque j'ai aperçu mon guerrier rendre les armes. L'hémoglobine me recouvre, je vacille. Ma tête s'échoue dans la marre rouge qu'a laissé mon trésor et je crois que j'étouffe en pleurant. Les doigts, le nez, les cheveux, le corps entier dans le liquide épais et trop coloré. Oui, je me perds dans une petite flaque qui me semble pourtant énorme. Je me noie dedans, je ne respire plus.
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