Chapitre 12, partie 1 [⚠️] :

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Will Marx :

Angelo me sourit, j'ai l'impression que mon monde s'illumine de mille et une couleurs. Ses yeux joueurs me cherchent, ses joues rosies m'éveillent, son corps m'appelle.

Il tend la main dans ma direction. Son index s'enroule et se déroule pour m'inviter à approcher. Le soleil luit au-dessus de nos têtes et fait briller ses mèches dorées. Mon cœur fait une embardée, il est si beau, vêtu de blanc, le visage plus lumineux que d'habitude. Ses dents s'enfoncent dans sa lèvre inférieure alors que sa paume plaquée contre son torse glisse lentement sur son ventre pour descendre jusqu'à son entrejambe qu'il caresse doucement. Mon sang bouillonne. Il est la personnification de la luxure, il m'attise, me nargue.

— Approche, mon amour, susurre-t-il d'une voix suave.

Mes jambes se mettent en action, me guident vers lui. J'ai l'impression de marcher sur du coton, de flotter jusqu'à son corps qui me fait languir. Lorsque j'arrive face à lui, un sourire paresseusement sensuel se dessine sur sa bouche voluptueuse. Ses yeux pétillent, si fort qu'une étoile paraît se cacher dans chacun d'eux.

— Tu es magnifique, soufflé-je en approchant mon visage du sien.

J'ai envie de lui, de le toucher et le goûter. Je souhaite m'imprégner de sa personne, le posséder. J'ai le désir ardent de le faire mien, de l'amener au bord de la jouissance dans une danse lascive et d'oublier jusqu'à mon prénom.

Je lève la main, espérant toucher sa peau qui semble chaude et douce mais ma vision se brouille. Angelo s'efface, il disparaît dans un nuage de fumée alors que le ciel se couvre et le soleil se cache.

— Angelo ? Où es-tu ?

Je le cherche, ma tête tourne dans toutes les directions, mon corps pivote et s'élance à sa poursuite. Il n'est nulle part, je ne le trouve plus. La pluie se met à tomber, l'air se rafraîchit et un malaise me gagne.

— Angelo ? crié-je, désemparé. Reviens, je t'en prie.

L'angoisse m'étreint et le froid m'enlace, je me sens seul et rejeté. Je le veux, je souhaite qu'il revienne et qu'il me touche à nouveau, qu'il me parle encore, qu'il me sourit et m'aime toujours plus fort. Avec une pointe de douleur et de crainte, avec une sincérité brutale et animale.

— Je suis là, souffle sa voix en même temps qu'un filet d'air glacé parcourt ma nuque.

Je me retourne à la hâte, apeuré, délaissé.

Il est bien là.

Devant moi.

Mais sa magnificence s'est égarée.

J'ouvre la bouche pour crier, m'insurger et le supplier. Non, je refuse de voir ça. La pluie se transforme, les gouttes deviennent plus épaisses, rougeâtres et ont l'odeur du désespoir. Mon trésor est là mais il est brisé. Ses vêtements blancs sont ensanglantés, son teint est blafard, ses yeux sont ternes et sans lumière. Mon regard parcourt son corps alors que le mien est secoué de violents spasmes. Je ne sens plus les larmes sur mon visage, elles se mêlent aux gouttes de sang qui glissent de nuages noirs.

Ses bras sont mutilés, sa peau est entaillée, percée, parsemée de plaies qui me retournent l'estomac. Dans un élan de bravoure, je m'élance vers lui. Il ne me sourit pas, il est figé, comme sculpté dans du marbre. Je touche sa joue du bout des doigts, sa peau est bien trop froide.

— Pourquoi as-tu fait ça ? m'indigné-je alors que mes genoux flanchent. Reviens-moi, bats-toi ! Mon coeur ne survivra pas sans toi.

La chute est douloureuse lorsque je rencontre le sol avec brutalité.

— Je suis déjà mort.

L'écho de sa voix s'élève autour de moi, je hurle pour l'effacer mais ses dernières paroles persistent à résonner. Telle une symphonie macabre qui s'étire et retentit pour malmener mon âme en manque de lui.

Il m'a quitté.

J'ouvre les yeux, mon corps est douloureux et ma tête semble sur le point d'exploser. Je tâte mes joues, elles sont trempées, pourtant je ne sens plus les larmes. Mes paupières sont brûlés à force de trop pleurer. J'ai le cœur en morceaux, j'ignore s'il est réparable. Je baisse la tête et tente d'effacer les bribes de cet affreux cauchemar.

Mes vêtements ont été changés, je suis recouvert d'une blouse bleue. Mon pull remplit du sang d'Angelo traîne un peu plus loin. Je tends le bras pour l'attraper, il est encore humide. Je serre fort le tissu tout en déversant ma souffrance dessus.

Pourquoi a-t-il fait ça ? Bordel, pourquoi n'étais-je pas là ?

Une migraine horrible me tiraille, je ne sais pas où je me trouve. Je ne parviens à distinguer qu'une lumière trop blanche et l'image du corps sans vie de la personne que j'aime à mourir. Peut-être ai-je succombé moi aussi. Après tout, si ce n'est pas le cas, la douleur qui martèle mon coeur causera ma perte.

— Monsieur Marx, s'élève une voix près de moi, je suis Patricia, est-ce que vous m'entendez ?

Je tourne le visage dans sa direction et hoche la tête.

— Vous avez fait une crise de panique suite à un choc émotionnel. Avez-vous des souvenirs de ces deux dernières heures ?

Je ferme les yeux et retiens mon cri d'agonie lorsque son visage apparaît sous mes paupières. Je revis la scène, je vois les toilettes du lycée, la flaque rouge dans laquelle je suis tombé, je sens l'odeur désagréable du sang qui me pique le nez. Alors non, je n'ai pas oublié. Je me souviens d'absolument tout et ça me brise.

— Comment va-t-il ? chuchoté-je d'une voix tremblante. Est-ce qu'Angelo va bien ?

Le regard désolé de l'infirmière me fait vaciller. Son silence est éloquent, il hurle dans la pièce à mesure que l'air dans mes poumons se raréfie. J'ai la sensation que le sol s'ouvre sous mes pieds et qu'il m'engouffre vers un enfer insurmontable.

— Comment il va ? demandé-je plus brusquement.

Elle va me rendre fou si elle ne répond pas à ma question.

— Il a perdu énormément de sang, dit-elle sinistrement. Mes collègues s'occupent de lui.

J'aquiesce, c'est le seul mouvement que je suis capable d'effectuer. Pourtant, j'ai envie de crier, de ravager le monde entier, de mourir étouffer.

— Je vous tiendrai informé de son état dès que j'en saurai davantage, cela vous convient ? demande-t-elle gentiment.

J'opine une seconde fois cependant, ça ne me va pas. Non, rien de tout ça me convient. J'ai l'impression d'avoir un trou béant dans la poitrine. C'est le manque de mon trésor et le désespoir de ne pas savoir ce qu'il se passe de l'autre côté de l'hôpital. Je ne suis pas croyant, pourtant je ressens le besoin de me mettre à genoux et de prier pour qu'il ne me quitte pas et que les visions de son être presque mort s'effacent de ma mémoire.

— J'ai... besoin de prendre l'air, dis-je difficilement, la gorge nouée.

— Bien sûr, le parc de l'hôpital est accessible.

Je me redresse en l'ignorant, mon pull souillé dans ma paume. Mes jambes sont cotonneuses et ma tête me fait souffrir mais je ne veux pas rester dans cette chambre terne et aseptisée.

— Monsieur Marx, m'interpelle l'infirmière alors que j'approche de la sortie, vos parents sont en route, ils ne devraient plus tarder.

Mais Angelo n'est pas avec moi, alors quelle importance ?

Ce soir, il allait officiellement rencontrer ma famille durant un dîner proposé par ma mère. S'il était reticent, j'ai trouvé l'idée superbe, mais il ne sera pas là et mon cœur pleure.

Je me traine jusqu'à l'ascenseur, ferme les yeux lorsque je croise mon reflet dans le miroir. Je refuse de me voir, je ne veux plus jamais faire face à ces objets. C'est celui des toilettes du lycée qui est la cause des entailles de ma moitié. Si je la perds, je ne serais qu'un demi-homme, vide de tout et triste sans lui.

L'air frais me foudroie mais le soleil brille. Pourquoi brille-t-il ? Il ne devrait pas, non, il ne peut pas briller alors que je suis en train d'égarer mon angelot. L'univers se moque de moi, il me nargue et me toise. Les oiseaux chantent et les enfants s'amusent. C'est ignoble, jouer dans le parc d'un hôpital, c'est comme donner de l'espoir aux gens avant qu'ils ne disparaissent. Je ne veux pas entendre ces éclats de rire, je souhaite simplement que mon mal s'évapore.

Je me laisse tomber sur un banc en expirant difficilement. J'ignore comment je suis parvenu à me rendre jusqu'ici mais désormais, je n'ai plus la force de bouger. Je crois que je ne pleure plus, mes larmes ont cessées mais la douleur se fait plus intense. Elle brûle ma peau, enflamme mon corps, carbonise ma chair.

J'entends les gosses qui rient, les gens qui parlent mais je ne les vois plus. Je me suis perdu dans un monde sombre et sans vie. Mon corps pèse trop lourd, ma tête est vide mais à la fois trop pleine d'images dramatiques et désastreuses. Je suis anéanti et esseulé.

Je veux retrouver ses bras, sa chaleur et ses câlins. Je veux l'embrasser, l'entendre et le contempler. J'ai besoin que le temps s'accélère ou qu'il se rembobine. Oui, je veux revenir en arrière, avant qu'il ne s'ouvre les veines. Je souhaite arriver avant que mon cauchemar se produise afin de l'empêcher de chuter au point de perdre tout espoir. Je veux être là pour qu'il ne regarde que moi et qu'il oublie l'idée d'avoir mal.

Pourquoi a-t-il fait ça ?

C'était si prévisible, inévitable. J'étais pourtant certain que ce moment allait arriver. J'ai préféré ignorer mes sombres présages en tentant de l'aider mais j'ai échoué. Il allait mal et ma présence aurait simplement reculé l'échéance. Je regrette de ne pas avoir agis différemment.

C'est ma faute, je suis responsable de cet affreux tableau. J'aurais dû être là et retirer ce morceau de miroir avant que l'irréparable se produise, puis lui répéter encore et encore que j'en suis fou amoureux, peut-être aussi fou que lui. La réalité n'est pas celle que je désirais. Elle me blesse, bordel, au point d'avoir envie de crever. Mon cœur mourra sans lui.

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