Chapitre 17, partie 1 :
Will Marx :
Je tourne en rond comme un lion en cage, enragé, à deux doigts de vriller, les poings et mâchoires serrés. Mes membres sont si tendus que mes veines donnent l'impression d'être sur le point d'exploser, tout comme je vais lui exploser la tête.
— Will, soupire Angelo assis sur mon lit, détends-toi.
— Me détendre ? éructé-je en arpentant la pièce. Bordel, crois-tu vraiment que c'est possible ?
— Je savais que tu allais devenir fou, j'aurais mieux fait de me taire.
Je m'immobilise face à lui, détaillant chaque trait de son visage. Il est irrité et semble épuisé. Mon cœur se serre en le constatant mais je suis à peine maître de mes moyens et plus énervé que jamais.
Il est sorti de l'hôpital ce matin, on a passé la journée avec mes parents et Simona. Loli est longtemps restée avec Jude, jusqu'à ce que ma mère lui fasse découvrir la pièce qui sera la sienne pour un temps indéterminé. Angelo et moi avons rejoint notre chambre parce qu'il commençait à fatiguer. Nous étions tranquillement blottis l'un contre l'autre, à nous câliner et nous embrasser. C'était calme et apaisé, jusqu'à ce qu'il se mette à parler, visiblement anxieux et légèrement tendu. Je l'ai fait taire très rapidement parce que si j'avais entendu la fin de cette horreur, je serais probablement déjà devant la porte de cet enfoiré de Carter. J'ignore ce qui me retient en réalité, je crois que c'est le regard démuni qu'Angelo me lance depuis un quart d'heure.
— Pourquoi tu ne me l'as pas dit avant ? Je vais le buter, tu comprends ça ? Je vais lui arracher la langue pour qu'il ne puisse plus jamais ouvrir sa gueule !
— C'est exactement pour ça que je n'ai rien dit ! J'étais enfermé dans une foutue chambre d'hôpital, je n'aurais rien pu faire pour t'arrêter.
— Tu ne pourras, de toute façon, rien faire, grincé-je en passant les mains dans mes cheveux, tirant dessus au passage.
Angelo se redresse et approche doucement. Ses bras s'enroulent autour de moi et il pose son menton sur ma poitrine pour lever le visage dans ma direction.
— Je suis aussi énervé que toi, je le déteste et j'ai envie qu'il souffre jusqu'à ne plus pouvoir inspirer un fichue goulée d'air. Mais pas maintenant alors que je suis à peine remis sur pieds et que je ne suis pas capable de te suivre. Si tu laisses parler ta rage ce soir, tu vas t'attirer des problèmes et ni toi ni moi n'avons besoin de ça dans l'immédiat.
Il a raison mais je refuse de l'admettre. Je suis bouillonnant, mon sang brûle dans mes veines, je le sens presque crépiter.
J'appuie mes paumes sur mes épaules pour qu'il défasse sa prise. Je suis également en colère contre lui. C'est insensé qu'il ait pu croire les débilités qu'a débité Noah.
Il fait plusieurs pas en arrière en baissant la tête, sûrement blessé que je le repousse mais, comment a-t-il pu être si stupide ?
— Je n'arrive pas à comprendre. Sérieusement ! Tu as réellement pensé que je me tapais Alexie ? Bordel, mais c'est du grand n'importe quoi !
— Elle est vraiment belle, se défend-il comme si ce simple fait était la réponse à ma question.
— Qu'est-ce que tu insinues ?
Il hausse les épaules et retourne s'asseoir sur le bord du lit en expirant bruyamment, la main plaquée sur le front.
— Je n'en sais rien. Je vous ai vu plusieurs fois ensemble. Vous avez l'air proche et... elle est super jolie, c'est une hockeyeuse incroyable et vous semblez vous entendre à merveille.
— Nous sommes amis, Angelo ! On se connait depuis des années, et qu'elle soit belle ou non ça change quoi ? Roselyne est super mignonne, elle est même adorable. Vous vous enlacez, elle te pose des baisers sonores sur les joues chaque fois que vous vous retrouvez. Elle t'idolâtre et tu l'aimes super fort. Ne me lance pas ce regard, je ne l'invente pas, c'est toi qui le dit. Tu lui as dit l'aimer, sous mes yeux alors que je n'avais encore jamais eu la chance de l'entendre sortir de ta bouche. Pourtant, je n'ai jamais douté et je ne me suis pas fait de films en vous imaginant... coucher ou je ne sais quoi.
Il baisse la tête, la cache entre ses mains alors que ses coudes sont posés sur ses genoux. Il reste silencieux, assimile probablement mes propos et soupire plusieurs fois avant de se laisser tomber contre le matelas, les paupières closes.
— Tu aurais dû venir me trouver, on en aurait discuté et j'aurais pu te rassurer, te prouver que c'était faux. Pourquoi tu ne l'as pas fait ? Putain, je n'arrive pas à y croire ! Tu étais à deux doigts de mourir et de m'abandonner pour des paroles complètement absurdes sorties de la bouche d'un type qui ne supporte pas qu'on soit en couple !
— Tu as raison, chuchote-t-il, c'est ce que j'aurais dû faire mais quand il est entré dans les toilettes, j'étais déjà dans un état déplorable. Je me sentais minable et il en a rajouté. Il a fait exprès de me narguer parce que j'étais dans l'incapacité de le faire taire, il a pris mon journal et je n'ai rien pu faire pour l'en empêcher...
C'en est trop, je refuse d'attendre plus longtemps, j'ai besoin de me calmer.
Bordel, j'ai presque perdu mon trésor et le fautif c'est Noah Carter. Il a réveillé l'ombre d'Angelo et c'est pour cela que j'ai passé les pires semaines de ma vie. C'est lui qui aurait dû être dans ce lit, à moitié mort et relié à des foutus tuyaux pour pisser et se nourrir. Et c'est exactement ainsi qu'il va terminer, il doit payer pour le mal qu'il a fait.
J'attrape mon pantalon qui traîne par terre et l'enfile à la hâte, j'enchaîne avec un tee-shirt que je recouvre d'une veste. Je me laisse tomber sur la chaise de bureau et commence à mettre mes baskets, fulminant et respirant comme une bête.
— Merde, mais tu fais quoi ? panique Angelo.
Il s'approche rapidement, se met à genoux devant moi et tente d'attraper la chaussure que j'ai en main.
Je le repousse, pas violemment mais assez fermement pour qu'il s'éloigne et me laisse finir de me préparer. J'ai des comptes à régler et Noah vit qu'à quelques rues de mon quartier. Ça va être rapide et ensuite, on pourra oublier toute cette histoire, l'enfermer dans un coin de nos têtes et verrouiller ces souvenirs désastreux à double tour.
— Will, arrête ! Tu ne sors pas d'ici ! gronde Angelo en se plaquant contre la porte pour ne pas que je puisse l'ouvrir.
— Depuis quand me donnes-tu des ordres ?
— Ce que tu t'apprêtes à faire est vraiment très con !
— Ce n'était pas con d'après toi, de s'ouvrir les veines pour des mots balancés à la hâte par un débile profond et homophobe de surcroît ?
J'y vais fort, j'en ai conscience et je regrette instantanément mes paroles quand je le vois fermer les paupières, les traits douloureusement tirés. Il inspire doucement et lorsqu'il rouvre les yeux, son regard est déterminé.
— Tu ne quitteras pas cette chambre, je ferais n'importe quoi pour que tu restes ici.
— Tu es au courant que je peux simplement te porter pour t'éloigner de cette porte, n'est-ce pas ?
Il hoche la tête et me saute dessus si vivement que je n'ai pas le temps de réagir. Ses bras se referment autour de ma nuque et ses jambes s'enroulent durement autour de mes hanches. Je le maintiens comme je peux en plaquant mes paumes sur le haut de ses cuisses, à la base de ses fesses. Il relâche tout son poids et me fait vaciller vers l'avant. Son dos s'écrase sur la porte derrière lui et sa tête cogne brutalement contre alors que je l'écrase presque. Il grimace durant une seconde avant de reprendre un air impassible.
— Bon sang, mais t'es idiot, me plains-je en tentant de me redresser.
Je n'ai pas de prise pour m'aider. Si je lâche ses fesses, il croulera vers le bas et se retrouvera possiblement avec le coccyx brisé. Il resserre sa prise autour de mon corps pour m'immobiliser. C'est presque douloureux et je suis certain que ses cuisses vont laisser des traces rougeâtres sur mes hanches.
— Angelo, grondé-je, on se blessera tous les deux si tu continues.
Il secoue vivement la tête et se laisse davantage glisser le long de la porte, sans pour autant relâcher l'étreinte de ses jambes.
— Tu restes, ici.
Il m'agace, je suis coincé. Je ne peux plus bouger, si je le fais je ne pourrais pas le rattraper et il le sait parfaitement. Mon dos commence à me tirailler, j'ai de moins en moins de prise. Je nous sens choir et ne peux rien faire s'il ne pose pas ses pieds à terre.
— Redescends ! ordonné-je en serrant les dents.
— Jamais.
— Je ne vais plus tenir longtemps. Bordel, mais arrête de te laisser crouler !
— Pas avant que tu laisses tomber l'idée d'aller casser la gueule de Carter. C'est soit ça, soit on tombe ensemble.
— Tu vas te faire mal ! Si je lâche, je te blesse à coup sûr.
— Je m'en branle.
Il est insupportable quand il s'y met. J'avais presque oublié sa ténacité.
Visiblement, il n'a pas l'air décidé à être raisonnable et moi non plus, alors, en le maintenant puissamment, je lève la jambe pour pousser mon pied contre la porte et tenter de me redresser. J'y parviens en titubant. Après avoir tangué quelques secondes, j'arrive à me stabiliser. Les yeux d'Angelo s'écarquillent de surprise, il m'a sous-estimé.
Et oui, tu as perdu, trésor. Sans rancune.
Il resserre encore ses jambes et cette fois, c'est réellement douloureux. Ses cuisses brûlent ma peau et le frottement de mes vêtements est désagréable.
Je m'approche du lit à l'aveugle et nous laisse tomber sur le matelas. Un cri étranglé quitte ses lèvres et le choc, bien que peu brutal, l'oblige à relâcher son corps. Je profite de ce moment de liberté pour me redresser. Je retourne vers la porte alors qu'il se plaint depuis le lit. Je suis certain de ne pas lui avoir fait mal, le matelas est moelleux et j'ai évité de laisser mon poids l'écraser, pas comme lui l'a fait pendant plusieurs minutes qui m'ont semblées interminables.
— Will, geint-il, s'il te plaît, n'y va pas.
Je ne l'écoute pas, il ne me retiendra pas. Je suis parvenu à m'en défaire, bien que je me coltine désormais un mal de dos embêtant.
Il n'y paraît pas, svelte comme il est mais il pèse assez lourd quand il relâche la pression.
Je pose une main sur la poignée et passe l'autre dans mes cheveux humides. Il m'a fait suer, ce petit con. J'entends remuer dans mon dos alors que j'exerce une pression pour ouvrir la porte, mais les mots qui sortent soudainement de sa bouche en un cri de désespoir me font stopper tout mouvement.
— Baise-moi !
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