Chapitre 19, partie 3 :

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Will Marx :

Je frotte doucement mon nez contre le sien et tente un sourire rassurant.

— Tu en doutes ?

— Pas vraiment mais maintenant j'aime t'entendre le dire.

— Je t'aime. Je t'aime comme le petit prince aime sa rose, comme la lune aime les étoiles, comme...

— Tu en fais trop, sourit-il en posant son index contre mes lèvres.

— Pas du tout, m'offusqué-je, c'est simplement la vérité.

— Je te crois.

— Très bien, alors maintenant dis-moi ce qui ne va pas.

Il inspire lentement, ses yeux s'embuent de nouveau. Je dépose un baiser sur la commissure de ses lèvres et trace l'arête de son nez du bout de l'index. Ses cils papillonnent, sa bouche s'entrouvre puis se referme alors qu'il semble hésiter.

— Je vais rentrer chez moi...

— Non, tu peux rester le temps que tu veux, personne ne s'en plaint et ça ne fait qu'une semaine.

— Je dois rentrer, Will.

— Mais pourquoi ? Je ne comprends pas... tu n'es pas bien ici ? Je pensais que si, pourtant.

— Ce n'est pas ça, je me sens bien que quand tu es avec moi.

— Alors quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Ma patronne m'a laissé un message pendant ton match. Si je ne retourne pas travailler elle va donner ma place à quelqu'un d'autre et je ne peux pas me permettre de ne plus avoir de salaire.

— Ce n'est pas un souci, je peux t'amener et venir...

— Non, soleil, me coupe-t-il, je ne veux pas que tu le fasses. De toute façon, ce n'est pas une solution que Loli et moi restons trop longtemps ici. Plus je vais vivre avec toi et plus ce sera difficile pour moi de reprendre le cours de ma vie. Et je ne peux pas laisser Mona s'occuper de ma mère trop longtemps. Elle a sa vie à gérer et même si elle ne se plaint jamais, ce n'est pas à elle de le faire.

Je prends mes distances en me redressant, un soupir de frustration m'échappe.

— Je ne suis pas prêt à te laisser partir.

— Je ne suis pas prêt à partir.

— Alors reste, m'exclamé-je en pivotant vers lui.

Il me sourit tristement, sa main caresse ma joue.

— Non, Will. J'ai des responsabilités à gérer, une mère à tenter de réparer et un travail à honorer. J'ai besoin d'argent, tu le sais.

— On trouvera une solution. Il y a forcement une autre solution !

— William, soupire-t-il, arrête...

— Mais non ! La dernière fois tu étais si épuisé que tu as chuté en pleine dépression, et regarde ce qui a suivi.

— C'est différent cette fois, personne ne va nous interdire de nous voir et je n'écouterai plus les conneries des autres.

— C'est trop tôt.

Il s'incline afin d'embrasser mes lèvres très brièvement.

— Tu dois avoir confiance en moi.

— Tu pars quand ?

— Dans deux jours. Je reprends le travail ce week-end.

Je grogne de mécontentement, cette idée ne me plaît définitivement pas.

— Et si je...

— Will, râle-t-il, arrête d'essayer de trouver des excuses. Ça ne fera que retarder l'inévitable et tu le sais aussi bien que moi. Ça ne m'enchante pas plus que toi, ça m'angoisse et je ne veux pas rentrer, mais je n'ai pas d'autre choix. Je ne peux pas laisser de côté tout ce qui me tracasse juste pour ne pas tomber. Et puis, même en faisant tout ce qui est bon pour moi, mon moral jouera au yoyo. Je suis comme les montagnes russes, je monte et descends, je tangue et flotte puis je coule jusqu'à refaire surface.

Je baisse la tête en déglutissant. J'ai conscience de tout cela mais ça ne m'aide pas. Je ne peux pas effacer mes peurs en un claquement de doigts. J'ai beau tenter de me persuader que son envie de disparaître s'est volatlisée, savoir qu'il doit repartir me donne la nausée. Je ne peux malheureusement rien faire de plus, si j'insiste, il finira par se braquer et la situation serait susceptible de déraper sans que je puisse la contrôler. Je sais comment Angelo fonctionne. Il ne doit pas être secoué sinon les conséquences peuvent s'avérer irréparables. Il a besoin de calme et de soutient, sûrement pas de brusquerie et d'ultimatum.

— On se verra régulièrement, n'est-ce pas ?

— Je ne veux pas rester loin de toi trop longtemps, m'affirme-t-il en m'étreignant.

— Quand vas-tu retourner au lycée ?

— Je ne sais pas, je ne pense pas avoir envie de reprendre les cours.

— Tu dois le faire, c'est important, Angelo.

— Je sais, mais j'ai surtout besoin de liquidités pour sortir de la merde dans laquelle Bérénice nous a mis.

— Tu as dix-sept ans, ton avenir est plus important que le reste. Tu ne peux pas arrêter les cours pour travailler à plein temps.

— On en reparlera plus tard. Je ne veux pas de cette discussion maintenant, dit-il fermement.

Je soupire. Il est irrité, pourtant je n'ai rien dit de nuisible, juste une vérité qu'il ne peut pas mettre de coté. Je récupère son visage entre mes paumes et l'oblige à me regarder.

— Je veux bien qu'on en parle à un autre moment, mais je refuserai que tu gâches ton potentiel pour un foutu boulot de plongeur dans un resto pourri. J'espère que cette idée te passera vite.

— Ça ne te regarde pas, Will, lâche-t-il brusquement en retirant mes mains de son visage d'un geste vif.

— Angelo...

— Non, putain ! Ça ne regarde que moi et tu n'as pas ton mot à dire, Marx !

Marx.

Alors nous en sommes revenus là...

Je quitte le lit après l'avoir vu se révéler à la hâte. Il est agacé, ce n'est pas ce que je souhaitais mais son idée est idiote.

— Bien sûr que si... qu'est-ce que tu racontes, Angelo ?

— Putain, mais en quoi ça te concerne ? Tu me baises mais ça se réduit à ça, ma vie c'est moi qui la dirige.

Je fais un pas en arrière, profondément blessé par les mots venimeux qu'il vient de me cracher au visage.

— Ça se réduit à ça ? répété‐je en plissant le front.

Il secoue la tête puis passe une main rageuse dans ses cheveux.

— Bon sang, mais comment tu peux me dire une telle absurdité ? éructé-je, désormais hors de moi et meurtri par sa véhémence.

— C'est ma vie, j'en fais ce que je veux.

— Ah ouais, j'ai bien vu ce que ça donne quand c'est toi qui la gère.

— Qu'est-ce que ça signifie ?

— Tu la gères mal ! T'as failli mourir en mettant tes décisions à exécution !

— Va te faire foutre, Marx.

— Arrête de m'appeler comme ça ! Et arrête de me sortir des débilités qui disent que notre relation se résume au cul et à rien d'autre. On a couché ensemble qu'une fois. Putain ! craqué-je. Une fois sur combien de temps déjà ?

— Ferme-la.

— Six mois, il me semble !

— Tais-toi, putain.

— Tu te comportes comme un con, Angelo ! Je refuse de te laisser faire n'importe quoi.

— Putain, mais tu vas la fermer ta gueule ? hurle-t-il en s'approchant dangereusement de moi.

Je demeure stoïque, l'observant venir, les mâchoires crispées. Il est en colère mais je le suis également. Comment peut-il être stupide à ce point ? Pourquoi me balance-t-il toutes ces horreurs ? Ses propos sont douloureux, je peine à les avaler pour les digérer. Il m'a blessé et désormais, je suis en colère également.

— Tu vas faire quoi ? le provoqué-je. Qu'est-ce que tu souhaites quand tu me lances des regards pareils ?

— Ne me pousse pas à bout, Will.

Je fais un pas vers lui afin de l'inciter à lever la tête. Ses paroles me font mal, mais je ne veux plus qu'il ait le dessus sur moi. C'est idiot, je devrais me taire pourtant, mais je n'y parviens pas. Mon cœur saigne.

— Tu attends quoi ? continué-je.

— Tu m'emmerdes.

— Je m'en moque, arrête de faire le crétin !

Il grince des dents en s'éloignant, visiblement il ne veut plus se battre mais la conclusion ne me plaît pas. Je refuse qu'il aille se coucher en me laissant cogiter sur les mots qu'il a prononcés. J'attrape son poignet et le plaque contre moi sans lui laisser le choix ni l'opportunité de se défiler. J'avance alors qu'il recule. Son dos finit par heurter le mur tandis que mon torse se presse contre le sien. Ses joues sont rouges de rage et ses yeux me fusillent.

— " Ça se réduit à ça ? ", articulé-je.

— Tu me casses les couilles, grogne-t-il en laissant une pause entre chaque mot pour appuyer ses propos.

— Je sais ce que tu cherches à faire. Tu veux me blesser pour que je reste loin de toi et que je me taise pendant que tu nous détruis mais ça ne fonctionnera pas. Non, pas cette fois. J'en ai ras le cul, tu le comprends ça ?

Il me fixe sans plus réagir. Je perds mon sang-froid, je ne devrais pas mais je suis épuisé.

— Je ne supporte plus que tu passes tes nerfs sur moi quand nos opinions divergent. Je suis ton copain, pas ton punching-ball, Angelo.

Il soupire en baissant la tête. Sa main s'écrase sur son visage qu'il frotte avec vigueur avant d'ancrer de nouveau son regard au mien. Son assurance a disparue et désormais, je peux voir toute la souffrance qui noie ses iris bruns. Ses paumes se referment sur mes biceps. Il s'accroche à moi alors qu'il se remet à pleurer en un sursaut qui me broie l'âme. J'aimerais être insensible à sa douleur afin d'effacer celle qu'il m'a causée en une seule phrase, mais je n'y arrive pas. J'ai le cœur trop ravagé, je l'aime désespérément et inexorablement.

Je l'enlace en soupirant et nous laisse glisser contre le mur. Ses jambes se referment autour de mon bassin, il sanglote en cachant son visage contre mon torse.

— Je ne le pense pas, renifle-t-il. Jamais.

— Je le sais, murmuré-je en caressant son dos.

— Pardon. Mon soleil... pardon.

Je clos les paupières et reste muet. Nous sommes désespérés et désespérants. Parfois, j'ai l'impression que la situation ne s'arrangera jamais, qu'entre nous ce sera toujours le jeu du chat et de la souris malgré notre amour sincère.

Si je suis perdu, lui l'est davantage. J'ai mal agi, mal géré ma douleur et je le regrette amèrement. J'aurais pu éviter ce coup d'éclat mais mon cœur s'épuise.

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