Chapitre 21, partie 2 :

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Will Marx :

Un quart d'heure s'est écoulé avant que mon cerveau se mette en veille. Je freine brusquement, immobilisant la voiture sur un trottoir désert. Un cri déchirant remonte ma gorge quand je réalise l'horrible erreur que j'ai commise. Les yeux écarquillés par la terreur, je peine à réfléchir. Mon corps s'agite et mes paumes tapent sur le volant avec une violence que j'ignorais posséder avant ce soir. Je me défoule, tente en vain de calmer mon angoisse. Puis, remarquant que ce n'est pas suffisant, j'abats mes mains sur mon front en me haïssant comme jamais auparavant.

J'ai abandonné Angelo ! J'ai laissé mon trésor en pleurs dans cette ruelle de la mort, sans même un regard en arrière.

— Putain ! m'époumoné-je. Will, t'es complètement con !

Mes paumes cessent de s'acharner sur mon crâne quand une migraine apparaît. Les paupières mi-closes à cause de mes larmes, je remets le contact et fait demi-tour plus rapidement que lorsque j'ai quitté la ruelle.

— Putain. Putain ! J'arrive, trésor, j'arrive ! Ne te blesse pas, je t'en prie !

Je parle tout seul en priant pour qu'Angelo entende mes supplications. Je suis désespéré et désespérant.

— Seigneur, ne te fais pas de mal, mon cœur. Pardon. Résiste, mon amour, pitié ! Ne me laisse pas, je vais mourir sans toi !

S'il s'est fait du mal, ce sera entièrement de ma faute. Je serais son bourreau, tout ce que je refuse de devenir.

— Putain ! explosé-je en tirant le frein à main. Angelo, sois en bonne santé !

Je m'élance dans la ruelle sans prendre la peine de claquer la portière. J'ai déjà perdu trop de temps. Les mètres qui nous séparent me semblent insupportables. Je m'immobilise près de lui après ce qui m'a paru une éternité. Il est toujours allongé sur le sol, là où je l'ai délaissé. Mon cœur s'apaise lorsque je constate qu'il n'a aucune blessure visible. Le soulagement ne dure qu'un instant, ses yeux sont clos, il ne sanglote plus, ne bouge pas. Mes genoux heurtent brutalement le sol puis je l'enroule de mes bras afin de poser sa tête contre mon torse. Une impression de déjà-vu me tord l'estomac. Sa peau est glacée, j'ai envie de me foutre en l'air d'être parti sans lui. Je le secoue doucement alors que mon cœur ne bat plus, que mes larmes s'égouttent sur son visage.

— Pardonne-moi, trésor... Je ne voulais pas partir, je ne voulais pas te dire ça. Je ne voulais pas !

Je continue de le bercer alors qu'une douleur lancinante traverse ma main et remonte jusqu'à mon coude. Ce n'était pas le moment pour que mes phalanges brisées se fassent ressentir. Je grince des dents et encaisse ma souffrance sans broncher. Je me focalise uniquement sur Angelo et commence à véritablement m'inquiéter. Il ne réagit pas. Mes doigts cassés effleurent son visage griffé.

— Pardon, trésor, pardon. Je suis désolé, mais tu m'as poussé à bout. Tu m'as poussé à bout...

Mon cœur se remet progressivement à battre lorsque ses cils papillonnent, puis ses billes brunes apparaissent et me font soupirer de soulagement. S'était-il endormi ?

Il m'observe, inexpressif au départ, jusqu'à ce que ses grands yeux s'ouvrent entièrement. Il empoigne mes avant-bras, se hisse pour atteindre mon visage tapissé de perles salées.

— Will, expire-t-il, je pensais que...

Il s'étrangle lorsqu'un violent sanglot le secoue. Je l'étreins plus fort, à tel point que j'ai peur de le briser, et dépose un nombre incalculable de baisers sur sa peau froide. Sur ses paupières mouillées, ses joues humides et abîmées, son nez et son front glacé. Je ne le laisse plus respirer tandis qu'il me maintient de toutes ses forces.

— Je pensais que tu m'avais écouté... que tu m'avais vraiment quitté, couine-t-il. Je croyais que tu m'avais abandonné.

Je secoue vivement la tête. J'ai agi sous l'emprise de la colère et de la douleur mais je ne l'abandonnerai jamais. J'avais besoin de craquer, d'exploser pour me sentir moins fragmenté.

— N'écoute plus jamais ce que je te dis, Will. Quand je te dis de partir, ne le fais pas. Ne le fais pas...

— Non, je sais. Je... pardon, bredouillé-je. J'étais simplement énervé mais je reste avec toi. Fais ce que tu veux de moi, je resterai dans toutes les situations.

Il niche sa tête dans mon cou et rampe jusqu'à ce que ses jambes s'enroulent autour de mon bassin. Je glisse mes bras dans son dos pour le plaquer contre moi. Nos poitrines s'écrasent, mon nez se perd entre ses mèches blondes. Nous restons ainsi durant un temps que je ne saurais définir. Il fait froid, l'air est chargé d'humidité mais je suis apaisé parce qu'il ne risque rien lorsque je le serre contre mon cœur qui bat pour lui.

Après un temps, je récupère son visage en coupe entre mes mains afin que nos regards se croisent.

— Je suis sincèrement désolé d'être parti, soufflé-je contre sa peau.

— Tu es revenu, articule-t-il sur le même ton.

— J'ai eu peur de l'état dans lequel j'allais te retrouver. J'ai été trop con.

— Ce n'est pas toi le plus con de nous deux.

— On ne peut plus continuer ainsi, on va se briser, lâché-je la gorge serrée.

Ses doigts viennent effacer les dernières larmes sous mes yeux alors qu'il sourit faiblement. Il n'est pas heureux, c'est un sourire d'une tristesse qui me broie le cœur.

— Tu ne me détestes pas ?

— Une petite part de moi le fait, avoué-je à contrecœur, mais la plus grosse partie t'aime si fort qu'elle surpasse tout le reste.

— Embrasse-moi, Will, j'en ai besoin.

Je lui offre un baiser lent, dégoulinant de tout l'amour que je ressens pour lui. Il soupire de bien-être en glissant ses doigts dans mes cheveux tandis que je maintiens ses hanches contre mon bassin. Presque timidement, il fait pointer sa langue afin de pénétrer entre mes lèvres. Je pourrais presque atteindre l'extase par la tendresse que nous nous échangeons. Ça n'a rien de sexuel, sensuel peut-être, mais surtout, c'est un fragment d'éternité, une promesse silencieuse que nous dévoilons par ce geste doux et calme. C'est un rayon de soleil après les jours de pluie que nous venons de vivre. Rien n'a changé, le problème est encore présent et nous devons le régler. Nous le mettons simplement en sourdine le temps d'un instant, pour pouvoir respirer et soulager nos cœurs meurtris.

Angelo s'éloigne pour reprendre sa respiration. Moi, ça ne me dérange pas d'étouffer si ce sont ses baisers qui me privent d'oxygène. Je me sens vide jusqu'à ce qu'il m'embrasse à nouveau. Avec plus de fermeté et d'ardeur cette fois. Mon corps s'enflamme. Je le garde bien au chaud entre mes bras. Il frissonne encore, pourtant je suis certain que ce n'est pas le courant d'air qui le fait frémir. Ses lèvres serpentent ensuite mon visage, j'incline la tête en soupirant pour lui laisser l'accès qu'il désire.

— J'ai envie de toi, Willy, me susurre-t-il à l'oreille.

Un gémissement m'échappe, je suis électrisé par l'homme que j'aime au point de m'oublier moi-même.

— Que veux-tu ? murmuré-je, les yeux fermés et profitant des doux assauts qu'il exerce désormais sur mon cou.

— Tout ce que tu acceptes de me partager. Tes mains, ton corps, ta bouche, ton érection que je sens battre entre mes jambes, ta colère, ta rage, ta tristesse, ton désespoir, ta rancœur, ta douceur, ta peine, ta tendresse, tes rêves, tes cauchemars. Je veux tout ce que tu peux me donner, ton amour, ton cœur, une... vie entière avec toi.

Mon cœur bat la chamade quand je l'entends souffler ces derniers mots. Une vie avec lui ? C'est ce que je désire, aussi turbulente et éprouvante soit-elle.

— Tout ce que tu viens d'énoncer t'appartient déjà, lui assuré-je en ancrant mon regard au sien. Je suis à toi, corps et âme. Et l'avenir avec toi, je le souhaite au point de me damner pour que ça arrive.

— C'est pareil pour moi, souffle-t-il contre mes lèvres. Tu es celui qui m'a aimé en premier et je souhaite que tu sois le seul à jamais. Rien à foutre qu'on ait dix-sept et dix-huit ans. Rien à foutre qu'on soit cassés ou pas tout à fait entiers et que nos vies commencent à peine. Je te veux et ma tête m'en empêche parfois mais mon cœur n'a aucun doute sur ce qu'il désire.

J'embrasse sa joue, puis sa bouche avant de hocher lentement la tête.

— Maintenant, guéris-nous, quémande-t-il. Répare les dégâts que nous avons causés, s'il te plaît.

— Comment ?

— Je ne sais pas, mais je te désire tellement fort que je vais mourir si tu ne me touches pas.

Mon sang s'échauffe. Ce n'est pas la meilleure des idées après ce que nous venons d'endurer mais moi aussi je le veux. Je ferai n'importe quoi pour le rendre heureux, alors je me redresse en l'emportant avec moi, souffrant silencieusement de ma main brisée qui supporte son poids. Je le dépose délicatement sur la banquette de la voiture de ma mère et parcours son corps de mes lèvres après avoir embrassé chaque griffure sur son visage. La place est restreinte, mes mouvements sont entravés mais je ne me plains pas pour autant. Ses yeux brillants m'admirent et m'encouragent. Je le déshabille lentement en me réjouissant que les vitres soient teintées. Ma bouche lui procure du plaisir pendant un moment alors que je me gorge de chacun de ses gémissements, de chacune de ses caresses qu'il exerce sur mon visage et dans mes cheveux.

Après un certain temps, je me redresse, dépose des baisers sur ses lèvres et fronce les sourcils en réalisant qu'il me manque une chose indispensable afin de le faire mien.

— Qu'est-ce qui te chagrine, soleil ?

— Je n'ai pas de préservatif, ni de lubrifiant, marmonné-je.

Il me sourit et retrace l'arête de ma mâchoire de la pulpe de son index.

— Je me suis fait dépister quand j'étais à l'hôpital, m'apprend-il à mi-voix, les résultats étaient négatifs.

— Les miens le sont aussi. Murray nous fait tester régulièrement.

Il approuve, les yeux pétillants.

— Alors... tu pourras me faire l'amour sans aucune barrière parce que je crève d'envie de te sentir entièrement.

— Mais ?

— Mais pas ce soir alors que nous sommes dans une bagnole et que tu peux à peine bouger.

— Ok, murmuré-je contre ses lèvres.

— Tu n'as plus qu'à terminer avec ta main valide, lance-t-il, taquin.

Je m'installe sur le siège et le ramène sur mes genoux, dos contre mon torse. J'embrasse sa nuque, son cou et sa mâchoire. Ma main passe sur son ventre et se dirige vers son membre érigé. Je le caresse lentement alors qu'il halète dans mes bras. Sa tête retombe contre mon épaule, j'admire ses lèvres entrouvertes desquelles s'élèvent des soupirs de plaisir. Je me repais de chacun de ses gémissements, mon sexe pulse contre ses fesses tandis qu'il se dandine sur mon bassin.

— Will, plus fort, exige-t-il le souffle haletant.

Je m'exécute et il ne lui faut qu'une poignée de secondes pour jouir. Du pouce, j'étale sa semence sur son extrémité alors qu'il ronronne.

— Et toi ? m'interroge-t-il en déposant ses lèvres sur ma joue.

— Plus tard, je veux seulement que tu restes dans mes bras.

Il acquiesce et soupire tandis que ses doigts longent les veines enflées qui traversent mon avant-bras.

— Je t'aime, Will...

Je clos les paupières, absorbant ses mots comme un assoiffé boit un verre d'eau. Je sais qu'il m'aime, je n'en ai jamais douté. Le problème c'est qu'il ne sait pas gérer ses sentiments et sa maladie. Le mélange des deux le pousse à agir sans réfléchir. J'ai cru mourir de chagrin ce soir encore, et je suis persuadé que ça se reproduira, mais je suis tout de même fier de lui. Malgré nos hurlements, nos déchirements, il ne s'est pas laissé emporter. Ses ongles se sont enfoncés dans ses joues creusées mais aucune autre blessure physique ne le fait souffrir. Je suis apaisé désormais, il est dans mes bras, respire calmement et soupire parfois de bien-être, mais je suis également terrifié. J'ai peur que nous ne survivions pas à toutes ces crises, que notre amour nous fasse trop de mal.

— On a besoin d'aide, chuchoté-je en posant ma bouche contre son oreille. On a besoin d'aller mieux pour que notre couple ne se brise pas. Je ne supporterai pas de nous regarder mourir comme ça...

Il reste silencieux un instant, puis se redresse et pivote de façon à ce que son visage soit face au mien. Il embrasse mon nez, mes lèvres très brièvement et enfin, nos regards se rencontrent.

— On va trouver l'aide qu'il nous faut, affirme-t-il. Je ferai tout pour ne pas ternir l'amour que tu ressens pour moi.

— Tu vois déjà une psychologue chaque semaine.

— Je n'ai jamais fait en sorte qu'elle m'aide, Will. J'y vais et j'attends que le temps passe, mais à partir de maintenant, je vais travailler pour que nous souffrons le moins possible. J'aimerais que tu ne souffres plus.

— Tu m'as déjà fait ce genre de promesses, articulé-je la gorge nouée.

— Je sais et je ne te demande pas de me croire. Attends encore un peu et je vais te le prouver. D'accord ? Ça ne va pas s'arranger en deux jours et je ne peux pas te promettre que ces situations ne se reproduiront plus parce qu'on sait tous les deux que ça arrivera encore. Mais, je vais essayer de les éviter pour ne pas t'acculer. En fait, tu sais... je comprendrais si un jour tu décides de partir, je te cause du tort et les moments où je t'apaise sont trop rares. Ça me consume, Will.

Je récupère son visage entre mes paumes et embrasse doucement ses lèvres.

— Je ne partirai pas. Je suis là, je le serai toujours, mais parfois j'ai l'impression que tu es trop loin de moi même quand tu es dans mes bras. On a besoin de rester liés, Angelo. Quand on ne communique plus, on se perd et on se fait du mal. Reste avec moi.

— J'essaie. J'essaie de toutes mes forces, chuchote-t-il d'une voix étranglée. Mais ça m'arrive d'abandonner quand j'ai la sensation d'être impuissant.

— Dans ces moments là, inspire profondément et retente ta chance. C'est normal de douter et de lâcher prise mais tu es courageux, mon guerrier. Alors, ne baisse jamais les bras, surpasse tout parce que je suis certain que tu es capable de le faire et aime-moi inconditionnellement.

— Je n'aime que toi...

Je lui souris et niche ma tête dans le creux de son cou. Je m'imprègne de son odeur à défaut de ramper sous sa peau.

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