Chapitre 24 :

17 minutes de lecture

Will Marx :

Je respire paisiblement, comme ce n'était pas arrivé depuis longtemps. Le regard vers le ciel, je fourrage dans les boucles d'Angelo de ma main encombrée de l'atelle. Sa tête est sur mon ventre alors que mes jambes sont refermées autour de son bassin. J'ai la sensation de planer, drogué aux endorphines, gorgé des éclats de rire qui se sont élevés lorsque je le balançais. J'aimerais arrêter le temps pour que ce moment de plénitude absolue ne se termine jamais.

Les étoiles sont belles. Elles brillent de milles feux et ornent joliment le ciel. La légèreté de l'instant fait battre mon cœur en un rythme lent et apaisant. Pour être certain que ce calme règne partout, je récupère mon téléphone en tâtant le sol.

Sms de Will à Pietro :

Comment ça se passe pour vous ?

Angelo se tourne de façon à ce que son menton soit posé sur mon plexus. Il m'observe à travers une boucle qui retombe sur son visage.

— Tu fais quoi ?

— J'ai envoyé un message à Pietro.

— Tu en as marre ? Tu veux rentrer ?

J'attrape sa mèche rebelle et l'enroule autour de mon index.

— Non, je veux juste m'assurer que notre temps n'est pas compté.

Il sourit doucement puis cache son visage contre mon torse.

Sms de Pietro à Will :

Nickel ! Lolita s'est endormie, Judas l'a mise dans son lit.

— Ta sœur dort.

— J'espère qu'ils ne l'ont pas fait boire.

— Mais non, ne t'inquiète pas.

Sms de Will à Pietro :

Parfait, merci les gars !

Angelo récupère le portable, le repose par terre puis rampe sur mon corps. Son visage est désormais au-dessus du mien, je ferme brièvement les yeux lorsque son souffle caresse ma peau.

— Merci, susurre-t-il en embrassant ma joue.

— Pourquoi ?

— Pour cette soirée. Je n'avais pas conscience que c'est de ça dont j'avais besoin pour respirer.

Je lui souris et me redresse pour effleurer ses lèvres d'un baiser.

— Je t'aime.

— Plus encore.

Mes mains englobent ses fesses alors qu'il pose sa tête sur mon épaule afin de déposer des baisers humides sur mon cou. Cette nuit, je suis heureux que j'en pleurerais presque.

— Les matchs de qualifications pour le championnat de fin d'études commencent dans deux semaines, lâché-je après un silence apaisant.

— Je sais.

— J'ignore encore si je vais y participer.

— Pourquoi ?

— Si on gagne, le match suivant se déroulera à River Grove.

— Où est le problème ?

— Tu ne pourras pas venir. Johnson n'acceptera pas ta présence, même s'il connaît la situation, tu n'es pas retourné au lycée depuis des semaines.

— Ce n'est pas tant éloigné de Chicago.

— Certes, mais plus on gagnera et plus on s'éloignera. Le tournoi n'a pas lieu chez nous et je ne veux pas partir loin de toi.

Il se redresse et pose ses coudes de chaque côté de ma tête pour m'observer dans ce clair-obscur.

— Tu ne peux pas renoncer, Will, c'est ton avenir. Le foot est tout ce qui compte pour toi.

— Non. Tu es tout ce qui compte pour moi.

— Arrête ! gronde-t-il. Tu rêves de jouer depuis que t'es môme.

— Je n'ai pas de bourse pour l'université.

— Un problème à la fois ! Johnson et Murray ont dit qu'ils y travaillaient.

— Je n'ai toujours pas de nouvelle à ce sujet, je commence à me dire que c'est tombé à l'eau.

— Je ne comprends pas, expire-t-il en fronçant les sourcils.

— Comprendre quoi ?

— Pourquoi tu te bats pour trouver des solutions à mes problèmes mais que tu ne le fais jamais pour toi. Ce n'est pas à moi que tu devrais penser en priorité.

— Tes soucis sont les miens.

— Will ! Tu m'as fait une scène quand je t'ai avoué que j'envisageais d'arrêter ma scolarité, mais toi, tu me dis clairement que tu ne souhaites plus te battre pour ce dont tu es doué et que tu adores faire.

— Tu as pensé à ce que sera notre vie quand je serai à la fac ? On n'aura plus le temps pour nous, on se verra si peu...

Je ne songe qu'à cette idée depuis un certain temps, ça me brise le cœur à chaque fois. Je commence réellement à me demander si j'ai envie de faire carrière dans le monde du sport. J'aime ça, mais je ne suis plus certain de ce que je désire ni de ce que j'attends du futur si ce n'est être avec Angelo.

— On trouvera le moyen d'arranger ça. Il existe toujours une solution, tu le sais mieux que moi, souffle-t-il en frôlant mes lèvres.

J'ignore pourquoi j'ai abordé le sujet, je n'ai plus envie d'en parler. Je refuse de m'imaginer loin de lui, même si c'est pour être sur un terrain. Je veux qu'il reste contre moi et que nous demeurons enlacés, cœurs et âmes entrelacés, en ayant pourtant conscience que notre vie ne pourra jamais se résoudre qu'à ça.

— J'aime te voir ainsi, éludé-je en un murmure.

— Comment ?

— Serein et optimiste.

— C'est grâce à toi. Tu calmes les ténèbres et éloignes le brouillard sous mes yeux.

Mes lèvres trouvent les siennes, je l'embrasse lentement en souhaitant me perdre dans notre étreinte. Je veux ne plus penser à l'avenir – pour l'instant incertain – qui m'attend. Je ne désire qu'Angelo et ses caresses, ses baisers, son calme et sa sincérité.

— M'embrasser ne me fera pas oublier que cette conversation n'est pas terminée, murmure-t-il en reculant légèrement.

Mes doigts glissent entre ses ondulations, font pression sur son crâne pour l'empêcher de s'éloigner davantage. Si sa respiration ne balaie plus mon visage, ça signifie qu'il a pris trop de distance et je ne la tolère pas.

— On la reprendra plus tard.

Ma bouche se plaque de nouveau contre la sienne avec possessivité. Je le sens sourire dans notre baiser mais je n'en ai jamais assez. Ma langue est désireuse contre ses lèvres, j'aimerais pouvoir m'en rassasier mais je n'y parviens pas. Même lorsqu'il est pressé contre moi, j'ai l'impression qu'il n'est pas suffisamment ancré en moi.

J'ai envie de lui.

Je meurs pour lui.

Je brûle pour lui.

Je mordille sa lèvre inférieure alors qu'il soupire et en demande davantage. Angelo est l'appel à la luxure et je suis certain qu'il n'en a pas conscience. Ses grands yeux bruns me fixent d'un air innocent – d'un sens il l'est, enfin il l'était – mais la lueur qui pétille dans ses iris montre qu'il a vieilli avant l'âge. Son corps est celui d'un adolescent, son esprit celui d'une personne ayant endurée plusieurs vies en une seule. Il est magnifique, atrocement désirable et chaque cicatrice sur sa peau est devenue l'endroit préféré de mes lèvres.

Il est mon guerrier, mon Arès.

Ma beauté, mon Adonis.

Ma plus belle issue.

Ma seule issue, finalement.

— Laisse-moi te posséder, quémandé-je en un souffle.

Son regard me dit oui, son corps me susurre qu'il me désire aussi. Et ses lèvres, pleines et rougies par mes assauts, m'expire un " je suis tout à toi " en un léger baiser.

— À la belle étoile, reprends-je en tremblant, pour que la lune soit témoin de notre amour. C'est comme ça que tout a débuté, au milieu de nulle part et perdus sous un ciel sombre. En prenant du recul, même si tu m'exaspérais, je crois que j'ai commencé à t'aimer à la seconde où tu as déboulé dans ma vie comme un foutu coup de fouet.

— C'était un coup de foudre, s'amuse-t-il en caressant mon visage du bout des doigts.

— Oh non, un cataclysme ! Une fichue tempête ! Tu as été la tornade qui a tout foutu en l'air, et tu as tout emporté sur ton passage. Tu n'as rien laissé.

— Parce que je désire tout de toi. Tu es mon amour et je suis le tien.

— Alors ne faisons qu'un.

— Bordel... qu'est-ce qu'il se passe, Willy ?

— Je n'en sais rien. Je ne me sens pas très bien en réalité, avoué-je en fermant les yeux.

Il tente de se redresser mais je l'en empêche en refermant mes bras dans son dos. Sa main se plaque sur mon front et l'envie de rire me surprend.

— Tu es malade ?

Je secoue la tête, je vais bien. Enfin, pas vraiment. Je crois que l'aimer me fait souffrir. J'ai mal de trop l'adorer, mon cœur n'en a cependant toujours pas assez. C'est comme si j'allais m'évanouir, je suffoque de ne pas le posséder entièrement, le pénétrer jusqu'à l'essoufflement. Il a tatoué mon âme de son prénom, de son sourire, de lui tout entier.

— Je te désire, lui soufflé-je en glissant mes doigts sous l'élastique de son pantalon. Je te désire tellement.

— Qu'attends-tu pour me le prouver ? J'ai mortellement envie de toi, moi aussi.

— Ton approbation.

Un cri de surprise passe ses lèvres alors que je le bascule dos contre le sol. Ses iris qui brillent sous les reflets de la lune me montrent à quel point il apprécie ce moment. Sa paume se referme sur ma nuque, il m'attire fermement à lui pour un nouveau baiser. Il a une sacrée poigne qui ferait sûrement pâlir les plus costauds. Angelo est taillé tout en finesse, son corps est svelte et ciselé mais puissant et passionné. Il est fougueux et bestial, à la fois tendre et doux mais certain de ce qu'il veut.

Mon bassin s'écrase contre le sien alors qu'il appuie ses talons sous mes fesses pour augmenter la pression. Sa peau se couvre de frissons, il soupire et mordille ma langue avant de la suçoter comme si j'étais un bonbon. Je deviens feu et électricité, une boule d'énergie qui le réclame sans jamais s'en lasser. Je suis terrifié parce que le temps passe, il file et moi, moi, je l'aime davantage à chaque foutue seconde. Le sable s'écoule rapidement, remplissant le sablier et égrainant le courant de notre amour. J'aimerais que les minutes se suspendent, me laissant ainsi, éternellement, profiter de mon trésor qui mord mes lèvres comme si sa vie en dépendait. Je souffre en silence et mon cœur pleure, se meurt parce que je suis tombé pour la beauté d'un blondinet à l'âme abîmée. Que se passera-t-il après ?

— Will, souffle mon Arès à l'orée de mon visage, j'aimerais comprendre ce qu'il se passe dans ta tête. Tu es... différent, ce soir.

— Non, je... je suis heureux d'être avec toi mais en même temps... j'ai mal. J'ai si mal, parce que... j'ignore comment tout ça va se terminer.

— Pourquoi penses-tu qu'il y aura une fin ?

— J'ai l'impression que tu me glisses entre les doigts.

— Non ! Je suis avec toi et jamais plus je ne glisserai.

Je me redresse, l'emporte avec moi pour plaquer son torse contre le mien. Assis sur les copeaux de bois, je l'admire.

— Je suis stupide n'est-ce pas ? Tout se passe à merveille et pourtant, je continue à avoir peur. J'ai la sensation d'être dans un rêve et qu'à mon réveil, tu ne seras plus dans mes bras.

— Je n'arrive pas à exister sans toi, Will.

— Je ne sais plus qui je suis quand tu n'es pas là.

— Alors arrête d'angoisser, ok ? Profite seulement.

— Quand les rôles se sont-ils inversés ?

— À l'instant où c'est toi qui a eu besoin d'être rassuré.

Il se redresse en prenant appui sur mes épaules. Mon cœur s'emballe, pourquoi s'éloigne-t-il ?

Reviens ! Dépêche-toi !

Il se place face à moi, je lève la tête pour l'observer. Lentement, ses doigts font descendre la fermeture de sa veste tandis que ses yeux ne me quittent pas.

— Cesse de réfléchir cette nuit, mon amour, murmure-t-il alors qu'il fait passer son pull et son tee-shirt au-dessus de sa tête en un seul mouvement.

J'admire sa peau dévêtue dans l'obscurité, la pâleur de son épiderme strié de traces violacées. L'envie soudaine d'effleurer de ma langue chaque marque me prend aux tripes. Pourtant, je ne bouge pas alors qu'il déboutonne son jean et le fait glisser jusqu'à ses chevilles.

— Prends-moi, Will.

Ses genoux et ses paumes trouvent le sol alors qu'il se cambre, les fesses dans ma direction. Je retiens mon souffle en me redressant, subjugué par la vision divine qu'il m'offre. Je retire ma veste des Lions et passe un bras autour de lui pour qu'il colle son dos contre mon torse. Son corps nu se presse contre le mien encore habillé. Je sens sa chaleur se répendre par-dessus mes vêtements, mais je meurs d'envie de sentir sa peau contre la mienne.

— Tu vas te faire mal si tu restes comme ça, chuchoté-je contre son oreille.

Sans le lâcher, j'étale ma veste sur le sol.

— Mets-toi dessus, tu sentiras moins les morceaux de bois.

Il obtempère, relève son postérieur en ronronnant. J'admire ses fesses, la chute de ses reins et mon excitation accroît. Il s'offre à moi, sans crainte ni pudeur. Sa confiance m'émeut, je déposerais le monde à ses pieds si j'en avais la possibilité.

Je me déshabille avec empressement, avide de le toucher, de sentir sa peau frissonner contre la mienne. Je récupère des doses de lubrifiant dans la poche arrière de mon pantalon avant de l'envoyer valser plus loin. Angelo ne bouge plus, les avant-bras sur le sol et la joue posée sur la veste. Je pourrais éjaculer simplement en le regardant ainsi pendant des heures. Il est à couper le souffle et mon érection me fait un mal de chien. Je me penche vers lui, embrasse sa nuque tandis qu'il frémit sous mes lèvres. Je suis le chemin de sa colonne vertébrale jusqu'au bas de son dos.

— On y va ? m'enquiers-je contre sa peau.

Il me répond en expirant d'impatience et sans plus attendre j'enduis mes doigts de gel. Mon index humide glisse entre ses fesses. Angelo halète en poussant son postérieur contre moi. Je le pénètre doucement et dépose des baisers sur sa peau frissonante. Mon doigt se courbe plusieurs fois, le titille tranquillement, jusqu'à atteindre son point sensible. Il en quémande davantage, ondulant des hanches contre ma paume alors j'ajoute mon majeur et réitère les mêmes gestes. Je suis au bord de la rupture, la vision que j'ai de lui me rend fou. Il est magnifique, ses boucles blondes forment un halo clair sur le sol, ses paupières sont closes et ses lèvres s'entrouvrent pour laisser entendre ses soupirs.

— Tu aimes comme ça ? m'assuré-je en déposant un baiser sur sa nuque.

— Oui, mon soleil.

Il s'enfonce sur mes doigts en gémissant. Mes muscles se tendent, je vais mourir de ne pas le posséder.

— J'ai une capote, je l'utilise ?

— N.. non ! s'étrangle-t-il. Pas de putain de latex, Will !

Je souris mais mon cœur rate un battement.

— Maintenant ?

— Dépêche-toi !

Je me redresse après avoir embrassé sa joue puis retiré mes doigts. J'enduis mon sexe de lubrifiant, me place contre lui et reste immobile un instant. Je tente de me calmer pour ne pas aller trop vite. Mon cerveau est en veille, j'ai du mal à me contrôler. Je n'ai jamais été aussi excité, pourtant, chaque fois je meurs de désir pour lui. J'inspire profondément et exerce une pression contre son anneau de muscles. Je le pénètre entièrement en un seul mouvement, son fourreau semble sculpté pour me recevoir. Un long râle s'échappe de sa bouche alors que j'empoigne son bassin en serrant la mâchoire. L'étroitesse de son postérieur manque de me faire vaciller. Je sens sa chaleur autour de mon membre qui palpite en lui, sa chair qui s'étire et m'accepte avec facilité.

— Will, bon sang, bouge...

J'entame un va-et-vient mesuré, admirant son profil qui s'offre à moi dans la noirceur de cette nuit. Mon bassin ondule contre ses fesses, le claquement de nos peaux me fait chavirer. Ma paume appuie contre ses reins et je lui assène des coups de boutoir presque punitifs. Je m'en veux de ne pas parvenir à lui faire l'amour tendrement, mais Angelo ne paraît pas s'en plaindre. Il gémit bruyamment, des râles et soupirs d'une sensualité affolante, d'un bonheur divin. Je m'incline, écrase mon torse contre son dos et enlace mes doigts aux siens tout en me glissant toujours plus profondément en lui. J'embrasse sa joue, sa tempe, son cou et regrette de ne pas pouvoir atteindre ses lèvres.

— Mon amour, encore... plus fort, fais-moi mal, halète-t-il.

Mon sang bouillonne alors que je le pilonne sans aucune douceur mais débordant d'amour. Ma paume glisse sur son ventre et vient attraper son membre que je masturbe au même rythme que mes coups de reins. Il est beau, absolument magnifique. Le plaisir se lit sur chaque trait de son visage. Petit à petit, ses muscles se contractent autour de moi, m'enserrent dans un étau brûlant et étonnamment doux. Je perds la tête et éjacule en un dernier coup de bassin. Mes râles se confondent à ceux d'Angelo qui jouit à son tour.

Je me laisse choir contre lui et l'étreint puissamment, le souffle court. Sa respiration est saccadée, il gigote doucement alors que mon sexe ne l'a pas encore délaissé. Lorsque le calme réapparaît, je m'étends sur le dos et observe ma semence couler entre ses fesses. Il se blottit contre moi et soupire de bien-être.

— Excuse-moi, je n'ai pas été tendre, murmuré-je, le nez plongé dans ses cheveux.

— Je vais sentir ton passage pendant des heures, peut-être même des jours et j'adore l'idée, avoue-t-il en relevant la tête pour chercher mon regard.

Il embrasse mes lèvres et passe sa main sur mon front pour décoller les mèches sur ma peau humide.

— Je t'aime tendre et doux. Je t'aime heureux ou triste. Et je t'aime fougueux et animal.

Je souris contre sa bouche. J'avais besoin de ça, de le posséder durement pour ne pas oublier qu'il est là et qu'il ne partira pas.

Je resserre mon étreinte alors que son corps frissonne à chaque courant d'air. Nos peaux sont luisantes de transpiration, c'est désagréable mais je me sens comblé. La meilleure des sensations c'est de le sentir vivant contre moi, apaisé et serein. Le plus beau des sentiments c'est de l'aimer sans aucune barrière. Le problème se trouve probablement là également, on s'adore déraisonnablement. Rien ne nous arrête, il n'y a pas de garde-fou. La folie est déjà en lui et commence doucement à s'immiscer dans mes veines.

— On va être malade si on reste à poil plus longtemps, lâche-t-il finalement.

Je fronce les sourcils, légèrement désaxé. Il a coupé le fil de mes pensées lancinantes. Je suis de nouveau perdu et j'aimerais continuer de me dire que ma vie sans sa présence démente n'est que le fruit de mon pire cauchemar.

— Will, insiste-t-il, tu t'es égaré ?

Je ne parviens plus à parler, une boule d'angoisse obstrue ma gorge. Plongé dans mon mutisme, je resserre mon étreinte et le plaque davantage contre moi. Mes jambes s'entremêlent aux siennes, je le retiens comme si j'allais mourir s'il s'éloignait ne serait-ce que de quelques centimètres. J'ignore comment je me sens désormais. Dois-je remercier le ciel d'avoir mis mon angelot sur ma route ou le détester parce que mon cœur hurle de désespoir de l'aimer à ne jamais m'en rassasier ?

— Willy, ce n'est pas à toi de te perdre ni de te poser tant de questions. Je vois sur ton visage le combat que tu mènes et, écoute...

Je baisse la tête pour croiser son regard. Son index retrace la courbure de mes lèvres et un sourire se dessine sur les siennes.

— ... arrête de lutter. Acharne-toi sur moi si tu me détestes, aime-moi encore si tu le désires, mais ne te perds pas.

Je le fixe sans comprendre ce qu'il tente de me dire. Où veut-il en venir ?

— Si c'est trop dur pour toi de m'aimer alors je te laisserais me détester. Si c'est trop douloureux pour toi de rester alors pars. Si c'est trop oppressant d'être avec moi alors respire.

Ses paroles tournent en boucle dans ma tête, elles naviguent sauvagement, sans retenue, et je comprends enfin. Mon corps se détend, mes poumons se gorge d'air comme ils ne l'ont pas fait depuis un long moment. Angelo vient de me donner l'autorisation de choisir. Il me laisse la possibilité de le quitter sans m'y contraindre. C'est un joli présent, il me rend mon libre arbitre et je réalise enfin que notre avenir ensemble n'est peut-être pas si inespéré.

— Je respire. Je reste. Je t'aime.

Il soupire de soulagement et son rictus morose se transforme en un sourire tendre et plein d'espoirs.

— Je sais ce qu'on va faire, continué-je alors qu'il se déplace pour aligner nos visages. Tu n'es pas le seul à avoir besoin d'aide. On va y travailler ensemble, jusqu'à ce que la tempête se dissipe complètement.

— Ce qui signifie ?

— Je vais suivre une thérapie, moi aussi. J'ai besoin de mettre de l'ordre dans ma tête, de comprendre mes sentiments et surtout, de ne plus avoir peur de te perdre.

Il acquiesce mais reste silencieux un moment. Il prend le temps d'assimiler mes mots, il les avale lentement pour mieux les digérer.

— Je suis au bord d'un précipice, conclus-je en un soupir. J'oscille entre tomber parce que j'ai mal ou me tenir droit parce que je ne désire que toi. Je dois réussir à t'aimer sans souffrir et toi tu dois parvenir à le faire sans culpabiliser.

— Alors, ça veut dire..., hésite-t-il. Ça signifie qu'on a une vie qui nous attend ? Ensemble. Une vie à deux ?

— C'est inenvisageable pour moi d'imaginer un avenir auquel tu n'appartiens pas. On doit simplement s'aimer moins fort.

— Je ne pourrai jamais t'aimer moins fort !

— Non, pardon. Je me suis mal exprimé, on doit s'aimer moins brutalement. Avec la même ampleur, juste moins douloureusement. On doit apprendre à s'aimer soi-même avant de s'adorer si inconditionnellement.

Il hoche la tête avec prudence. C'est la seule solution possible. Sa mère va se soigner, lui y travaille – doucement mais sûrement – et désormais c'est à moi de m'y atteler. Je la désire, cette vie avec lui. J'y ai droit et je n'y renoncerai pas. Mais si on continue d'avancer sur cette corde tendue à des mètres du sol, on finira par glisser et notre couple n'y survivra pas. S'aimer passionnément c'est bien, avec sérénité c'est encore mieux.

Je dépose un baiser sur son front alors que mon cœur bat calmement. Je me sens enfin rassuré, l'espoir naît parfois dans le noir. C'est comme une étoile scintillante qui éclaire une nuit d'obscurité.

— Ça ne veut pas dire qu'on va se quitter, hein, Will ? chuchote-t-il en me regardant de ses beaux yeux embués.

— Non, jamais. On doit juste réussir à vivre même en dehors de notre bulle.

— Je ne comprends pas...

— Tout à l'heure, tu m'as reproché de chercher des solutions à tes problèmes, mais pas les miens. On va changer ça, je vais penser à moi et tu vas penser à toi. Ensuite on pensera ensemble pour nous deux.

— Je vois...

— Est-ce que ça te rend triste ?

— Non, tu as raison. C'est la meilleure chose à faire. Mais maintenant, j'ai peur que tu t'aperçoives que ta vie est plus belle sans moi.

— Elle ne le sera pas. Ma vie, c'est toi, et ça, ça ne changera pas.

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