Chapitre 29 :
Judas Bloom :
Une bière à la main, j'observe Lolita qui parle avec sa voisine un peu plus loin. Ses longues boucles blondes caressent le bas de son dos, ses yeux brillent lorsqu'elle sourit. Et merde, j'ai envie de me gifler pour oublier cette foutue attirance sortie de nulle part. Elle est trop jeune, bordel ! Pourtant, elle n'a absolument rien d'une enfant. Quand on prend le temps de regarder ce qu'il se cache au fond de ses yeux, on le comprend très facilement. Il y a énormément de choses que je n'arrive pas à m'expliquer. Pourquoi elle ? Pourquoi la sœur de DeNil, ce type malade qui rend fou l'un de mes meilleurs amis ? Elle est jeune mais en l'admirant, je constate qu'elle n'a rien d'enfantin. Surtout pas la cambrure de ses reins.
Je m'emballe ! Il faut que je me calme !
Je laisse échapper un long soupir désabusé en détournant le regard. Pietro tourne autour de la mère de Will et ça me fait sourire. Il n'est pas net non plus celui-là. En fin de compte, on fait un beau trio de dégénérés. Marx est fou amoureux d'un psychotique qui ne connait pas le sens du mot sympathie. Rivierra aime les femmes plus âgées et parfois même mariées. Quant à moi, je suis en pleine remise en questions parce que mon cœur balance pour une jeune fille, terriblement belle, mais pas faite pour moi.
Je détaille finalement le couple le plus improbable de l'année mais visiblement le plus soudé. Will est installé sur un fauteuil en cuir et Angelo sur l'accoudoir. Sa façon d'admirer mon pote me fout la chair-de-poule. Il l'aime si fort, ça se voit en un regard. J'ai eu un peu de mal à l'accepter, mais si Will en voyant son copain pense la même chose que moi quand je croise sa sœur, alors je comprends parfaitement ce qu'il ressent. C'est sûrement un truc dans leurs gènes qui nous rend débiles.
— Salut, s'exclame Roselyne en titubant face à moi.
Je fronce les sourcils, un peu surpris, puis me rappelle qu'on est désormais plus ou moins amis alors je lui souris. Il y a eu énormément d'évolution depuis quelques mois, à tel point que parfois, j'ai du mal à m'y faire.
— Salut, lui réponds-je alors qu'elle s'appuie contre le mur à mes côtés, tu passes une bonne soirée ?
— Oui, je crois que j'ai abusé sur le champagne, se marre-t-elle.
Je lui jette un regard amusé et effectivement, je remarque ses joues rougies par l'alcool et ses yeux légèrement vitreux malgré l'épaisse frange qui retombent sur son front. J'éclate de rire en entrechoquant ma bière contre son verre.
— Mademoiselle Pancy, qui aurait cru que vous étiez une petite dévergondée ?
Elle pouffe en s'enfonçant contre le mur pour ne pas s'éclater au sol. Je ris plus fort. C'est un putain de monde à l'envers.
— Ça m'arrive par moments, m'assure-t-elle en gloussant, mais je vais mourir ce soir, mes parents vont me tuer.
— Les risques du métiers, ricané-je.
Je relève la tête pour avaler une gorgée de ma bière et mon regard croise celui de Loli. Elle m'examine quelques secondes alors que ma bouche s'assèche et que la bouteille reste immobile près de mes lèvres. Sa façon de me fixer est étrange. Ses sourcils sont froncés et ses jolies lèvres pincées jusqu'à ce qu'elle tire la moue pour finalement reporter son attention sur Simona. Figé, je me trouve dubitatif. Si je ne m'abuse, ses yeux m'ont transmis un message mais je n'arrive pas à le déchiffrer. Je déglutis difficilement alors que Pietro se pointe.
— Rose, mais non ! T'es défoncée ! s'esclaffe-t-il.
— Un peu. Beaucoup, répond-elle d'une voix pâteuse.
Il éclate d'un rire sonore puis me bouscule d'un coup d'épaule.
— Bah alors, tu vas la boire cette bière ?
Je pose le goulot sur mes lèvres et avale la moitié de la bouteille sans sourciller. Je reprends mes esprits, ou du moins j'essaie. Le souvenir de la bouche de Loli contre la mienne me percute comme jamais. Ça n'a duré que trois secondes et pourtant, je ne cesse d'y penser. J'ai tenté de l'oublier en prenant du bon temps avec une belle nageuse du lycée. J'ai immédiatement regretté mon geste. La culpabilité m'a rongé avant même qu'elle ne pose sa bouche sur ma queue encore endormie.
— Évite les regards appuyés, mon pote, c'est pas discret.
J'écarquille les yeux puis jette un coup d'œil paniqué à Roselyne Pancy, ma nouvelle amie qui cherche à comprendre que quoi Pietro parle. Il hausse les épaules, un sourire narquois sur le visage.
— Détends-toi, t'es plus blanc que le cul d'un nouveau né. Elle est tellement défoncée qu'elle ne se rappellera plus de rien demain matin.
— Qui moi ?
Je soupire avec soulagement. Rose vient clairement de me prouver que Rivierra a raison, et même si elle n'oublie pas, elle ne comprendra rien de la conversation qu'il rend volontairement vague.
— Comment tu fais pour toujours tout savoir ? bougonné-je en me cachant derrière ma bière.
— Tu parles de qui là, de Pancy ou DeNil ?
— Ta gueule, merde !
— Vous êtes désespérants Will et toi ! Je suis votre pote, c'est mon rôle de tout remarquer. D'ailleurs, ça me fait penser que vous êtes à chier comme amis.
Je ne peux m'empêcher de sourire. Pietro est bien trop perspicace.
— Va te faire foutre, latino de mes couilles.
Il fait mine de s'offusquer puis éclate de rire en piquant ma bouteille qu'il termine en une gorgée.
D'un pas décidé, Angelo s'approche de nous, suivi de Will qui sourit comme un abruti. Le visage contrarié de DeNil me fait grincer des dents. A-t-il compris ce que j'éprouve pour sa sœur ? Ce n'est pas que ce petit gars me fasse trembler, mais on a tous déjà été témoin de ses folies. Il est si dérangé parfois qu'il en devient imprévisible. Je comprendrais qu'il disjoncte s'il a vu juste sur ma façon de penser. Sa petite sœur est un joyau à ses yeux. Je n'ai pas forcément bonne réputation avec les nanas, ce n'est pas un secret d'état et qu'il vrille serait légitime. Mes doutes se dissipent alors qu'il campe devant sa meilleure amie. Les sourcils froncés, il darde un doigt accusateur sous le nez en pointe de Pancy.
— Tu te fous de ma gueule, Rose ! braille-t-il. T'as vu l'état dans lequel tu es ?
— Mon Lolo ! s'exclame-t-elle en lui tombant dessus.
Ses bras s'enroulent autour du cou d'Angelo qui expire d'exaspération en se tapant le front. Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que Pietro ne se prive pas de laisser exploser son hilarité.
— Ton père va te tuer ! T'es inconsciente ! Regarde-toi, tu ne tiens pas debout, je vais te massacrer, ma Rose ! fulmine DeNil.
Elle s'accroche davantage à lui et ne bouge plus.
— Mon soleil, pitié ! Décolle-la, je suis énervé contre elle.
Marx pouffe de rire et attrape Pancy par la taille. Il l'a soulève et la maintient contre son torse tandis qu'elle ne fait aucun effort pour se débattre.
— Et j'en fais quoi maintenant, trésor ?
— On peut la ramener chez elle ?
— Elle peut rester, elle dormira avec Loli, propose-t-il.
Cette dernière apparaît comme par magie derrière son frère et accapare toute mon attention. Ses cheveux aussi dorés que le blé virevoltent autour d'elle et répandent un parfum sucré. J'inspire profondément, comme pour me gorger de son odeur qui me grille les neurones.
— Elle va me vomir dessus, se plaint-elle en riant. Bon sang, c'est la première fois que je vois Rose dans cet état.
Elle se blottit contre Angelo qui l'enferme dans ses bras en une étreinte protectrice. Le regard de Loli se pose sur moi et me caresse lentement. Mon cœur martèle mes côtes quand un petit sourire enjolive ses lèvres.
— Peux pas, souffle l'alcoolique, papa va crier si j'rentre pas.
— On la jette dans la voiture, conclut Will. Et après, tu viens dans mes bras et on ne quitte plus la chambre, je suis carrément lessivé !
Le regard d'Angelo s'illumine alors qu'il se mord la lèvre en ne lâchant pas son homme des yeux. À gerber ! Ou pas...
Loli rit et embrasse la joue de son frère alors que Pietro sous-entend que la nuit s'annonce plus mouvementée que ce qu'ils prétendent. Je lève les yeux au ciel en feignant l'exaspération alors qu'au fond, je suis tout aussi amusé que mes amis.
— Maman, tente de se faire entendre Will, je prends ta voiture pour ramener la racaille chez elle.
— Attends qu'on rentre pour aller au lit, souffle Angelo contre le front de sa sœur. Tu n'as pas eu ton cadeau.
Elle acquiesce en le berçant d'un regard empli d'amour. Je glisse la main dans la poche de ma veste et triture du bout des doigts la chaîne en argent qui s'y perd. J'hésite encore à la lui donner. C'est sûrement trop personnel et trop tôt pour lui offrir ce genre de cadeau d'anniversaire. Je ne sais pas si c'est une bonne idée.
Les amoureux s'en vont alors que Will porte encore Pancy comme si elle était une poupée de chiffon. Pietro s'éclipse quasiment en même temps, nous informant devoir passer un coup de fil ou je ne sais quoi. Je ne suis pas con au point de ne pas comprendre que c'est un prétexte pour me laisser seul avec elle.
Enfin au calme, Lolita me regarde discrètement en se balançant d'un pied à l'autre, visiblement mal à l'aise.
— Salut, souffle-t-elle finalement, d'une voix incertaine et terriblement douce.
— Salut, réponds-je tout bas en admirant ses yeux aigue-marine.
— Hum... tu, enfin, ça va ?
J'ignore sa question et fais un pas vers elle après avoir vérifié que personne nous observe.
— Tu viens prendre l'air avec moi ?
— Euh, oui...
L'envie d'attraper sa main me démange mais au lieu de ça je pivote pour passer la baie vitrée qui donne sur le jardin. En silence, je me dirige vers un endroit à l'abri des regards. Dans l'ombre, je m'installe sur un muret qui encercle le potager de Kristen. Loli reste debout face à moi. La tête baisée, elle joue nerveusement avec ses doigts.
— Approche-toi, je ne vais pas te manger.
Elle relève le menton, avec l'éclat de la lune je peux apercevoir les rougeurs sur ses pommettes. Elle est si belle que ça me brûle l'estomac.
— Je suis trop petite pour m'asseoir, murmure-t-elle embarrassée.
Je souris, elle est mignonne quand elle gênée. Je quitte mon perchoir et attrape ses hanches pour la soulever. Un cri étouffé passe ses lèvres alors qu'elle s'accroche à mes épaules par peur de tomber. Je la pose sur les briques et reprends ma place. Un silence s'installe, je ne sais pas vraiment quoi dire.
— Est-ce que..., hésite-t-elle, c'est... étrange entre nous ?
Je tourne la tête pour admirer son profil, je suis soulagé qu'elle ait pris la parole en premier. Elle triture toujours ses doigts, le regard rivé devant elle.
— Pourquoi ce serait le cas ?
— Parce que... enfin, tu sais...
Elle se tait, s'agite puis soupire discrètement.
— Ce n'est rien, oublie.
— Non. Ce n'est pas étrange et d'ailleurs, j'aimerais qu'on discute.
— Il y a des choses à dire ?
— Je crois qu'il y en a beaucoup.
— C'était une erreur, admet-elle en détournant le regard.
J'avale difficilement ma salive. Mon cœur cogne brusquement, j'ai envie de la secouer pour l'inciter à retirer ses paroles.
— Pourquoi ?
— Je suis désolée. Je n'aurais pas dû faire ça.
— Faire quoi ? insisté-je.
Je veux l'entendre, qu'elle le dise sans avoir honte. Je n'aime pas rester sur des non-dits. Pas avec elle, pas avec ce qu'elle me fait ressentir. Ça aurait été quelqu'un d'autre, je n'aurais même pas cherché à discuter mais là, il le faut.
— Te... je, t'embrasser, bredouille-t-elle. Je suis désolée pour ça.
— Pas moi ! Je ne suis pas désolé et j'accepte que tu le refasses.
Ses lèvres s'entrouvrent légèrement alors qu'elle expire l'air de ses poumons. Lentement, elle tourne la tête vers moi.
— Quoi ?
— Tu as bien compris, murmuré-je en m'inclinant. Ce n'était pas une erreur, pas pour moi.
— Ce n'est pas possible, chuchote-t-elle en fermant les paupières.
J'effleure sa joue à défaut de me ruer sur sa bouche. J'aspire à plus que ce simple contact mais je ne me le permets pas. Elle est mal à l'aise et je ne veux pas la forcer à quoi que ce soit.
— Sois plus précise, Loli. Qu'est-ce qui n'est pas possible ? Je ne peux pas comprendre si tu ne m'expliques pas.
Elle ouvre brusquement les yeux et recule sur le muret. Ses traits sont tirés, elle semble contrariée.
— Je suis peut-être jeune, mais je ne suis pas naïve, encore moins idiote, m'assure-t-elle avec fermeté.
Mon bras retombe mollement et je soupire, un peu déçu.
— Je n'ai jamais prétendu le contraire.
— Je ne suis pas comme les filles que tu as l'habitude de fréquenter.
— Comment peux-tu savoir quel genre de filles je vois ?
— Je ne suis pas stupide ! Je sais ce que les garçons comme toi recherchent et moi, je ne te donnerai pas ce que tu veux.
Mes poings se serrent sans que je puisse me retenir. Ses paroles acerbes ne me plaisent pas. Comment peut-elle prétendre savoir ce que je désire ?
— Et que dois-je comprendre au juste ? me braqué-je.
— Tu dois sûrement te faire plaisir avec beaucoup de filles du lycée. Elles te donnent probablement ce que tu veux mais moi je ne le ferai pas. Alors si c'est ça que tu attends de moi, tu peux tout de suite oublier l'idée.
Je la dévisage un moment, étonné par son aplomb soudain. Elle est pleine de surprises, et quand je l'entends parler comme ça, je me demande si cette jolie demoiselle fête réellement ses quinze ans. Mais en même temps, ça me fout les boules qu'elle puisse imaginer que je la désire uniquement pour son apparence. Je pose mes pieds à terre et me place face à elle.
— T'es vraiment en train d'insinuer qu'uniquement ton corps m'intéresse ?
Ma voix est cassante, j'avale la boule de colère qui obstrue ma gorge.
— Ce n'est pas le cas ?
— Non ! m'insurgé-je. Bien sûr que non, enfin, tu es très belle et j'aime te regarder, tu as de jolies formes et ça me plaît bien, mais bref... non, oublie ça !
Je me tape le front pour remettre mon cerveau à l'endroit, ce n'était pas forcement utile de dire ça. Elle me rend abruti.
— Je ne sais pas ce que je veux, mais... j'aime bien être avec toi. Tu es toute fragile en apparence mais je sais que tu as un mental en acier, j'aime ça. Tu es naturelle et pourtant... Enfin, je... tu es l'opposée de toutes ces nanas qui tournent autour de moi et qui attirent l'attention en mettant en avant leurs atouts physiques, c'est ça qui me plaît chez toi. Et jamais, jamais je ne te forcerai à faire un truc qui ne te plaît pas, tu comprends ? J'ai pas besoin de caresses ou de peau à peau, je veux juste... te voir et passer un peu de temps avec toi.
Je me tais en me demandant si j'ai été suffisamment clair pour qu'elle comprenne. Je détaille son visage et mes yeux se baissent une seconde sur sa poitrine qui se soulève rapidement. Elle a les joues écarlates et sa bouche est ouverte d'étonnement.
— Loli... dis quelque chose, l'imploré-je.
C'est la première fois que je débite des paroles pareilles. En général je n'ai même pas besoin de mot pour obtenir ce que je veux. Lolita est encore jeune. Son âge me dérange mais dans quelques temps, nos trois ans d'écart paraîtront insignifiants. Je ne peux rien faire pour changer ce qui se passe dans ma tête, j'ai tenté pourtant. Je ne me suis absolument jamais attaché à qui que ce soit avant elle. Maintenant que ça arrive, j'ai l'impression de ne plus rien contrôler.
— Angelo va nous tuer, bredouille-t-elle.
Mes épaules s'affaissent, ce n'est pas ce que je voulais entendre mais ses propos me donnent tout de même de l'espoir.
— Il n'est pas dans l'obligation de le savoir, enfin... pas dans l'immédiat.
— Je ne cache jamais rien à mon frère.
Je soupire, découragé. Ça ne s'annonce pas très bien et ça me fout les boules. Elle est maligne, un peu trop probablement. Elle m'a cerné en très peu de temps mais c'est le type ingrat qui baise et se barre qu'elle a entrevu, pas celui que j'essaie d'être avec elle. Je ne veux pas qu'elle me voit comme un connard, même s'il est vrai que je me suis déjà comporté comme tel.
— Je pensais tout ce que j'ai dit dans ta chambre même si tu n'étais pas supposée l'entendre. Et pour être honnête, ça me perturbe mais maintenant que tu le sais, je n'ai plus envie de faire marche arrière.
— Ce n'est pas possible, soupire-t-elle en descendant du muret, m'incitant à reculer.
Elle me contourne et commence à s'éloigner.
— On ne doit plus y penser.
J'attrape délicatement son poignet avant qu'elle me distance et l'attire vers moi.
— Loli, attends s'il te plaît. Viens par-là.
Elle se laisse faire mais ne me regarde pas. Sa poitrine se soulève contre mon torse et je retiens ma respiration pour tenter de me calmer. Je suis à la fois excité et perdu, en colère contre moi-même et un peu contre elle également.
— Je sais que tu le ressens aussi, murmuré-je, je le vois, je ne suis pas con. Je l'ai remarqué quand on était chez toi et je vois tous les regards que tu me lances depuis qu'on s'est croisé à l'hôpital. Tu penses être discrète mais ça ne m'échappe pas. Je sais que c'est nouveau pour toi, que tu ne comprends pas ce qu'il se passe et je ne veux pas te forcer la main mais si tu veux... je peux juste être là pour toi. Rien ne nous oblige à nous embrasser ou nous câliner, on ne fait rien de mal, d'accord ? On n'est pas des monstres parce qu'on s'attire mutuellement.
Elle relève la tête et capture mon regard. Elle est paumée et je me sens coupable d'insister mais je ne supporterais pas son rejet. Elle se sent honteuse face à ce qu'elle ressent mais elle ne devrait pas l'être.
Elle tremble, son petit corps frissonne de partout et j'aimerais l'enlacer pour la réchauffer ou la calmer. Je ne comprends pas vraiment pourquoi elle est dans cet état.
— Je te fais peur ?
— Non, je...
Elle se tait, puis ses mains qu'elle pose contre mon torse m'empêchent de respirer. Les bras le long du corps, j'hésite à la prendre dans mes bras. J'ignore comment agir en sa présence.
— Judas, susurre-t-elle, ne me fais pas de mal, s'il te plaît.
Je ferme les yeux pour avaler ses mots et ses craintes. Elle est vraiment terrifiée et je peux le comprendre mais ça me brûle la peau.
— Ce n'est pas ce que je veux, réponds-je de la même façon. Je ne souhaite pas te blesser.
— Alors... qu'est-ce que tu veux ? hésite-t-elle.
— Toi.
Ses yeux s'écarquillent alors que son souffle se coupe.
— Pas comme tu l'imagines, m'empressé-je d'ajouter.
Elle acquiesce, se dresse légèrement sur la pointe des pieds mais sa petite taille l'empêche d'atteindre mon visage. Mon cœur s'emballe quand je la vois entrouvrir les lèvres pour respirer doucement. Je sais ce qu'elle attend, ça m'électrise complètement.
— C'est vraiment ce que tu veux ? m'enquiers-je en un soupir.
— Oui, fais-le parce que je ne t'atteins pas.
Ça me fait sourire, elle est si mignonne que mon cœur flanche encore. Je m'incline lentement, lui laissant ainsi le temps de se raviser si l'envie de m'embrasser la quitte subitement. Ses doigts se resserrent sur mon sweat alors que mon souffle l'effleure. Elle penche légèrement la tête, m'offre une vue magnifique sur son visage parfait aux lèvres pleines et aux yeux clos.
Délicatement, je pose ma bouche contre les siennes. Un brasier naît en moi. J'ai le dos courbé, ça tiraille, c'est douloureux mais le plaisir de l'embrasser rend ces détails insignifiants. Elle paraît minuscule, elle est si belle et désirable, pleine d'innocence et d'incertitudes. Elle inspire lentement et enfin je me décide à lui offrir un vrai baiser. Mes lèvres se pressent davantage contre les siennes, puis se meuvent. Je maintiens sa tête en glissant mes doigts dans ses cheveux doux et brillants. Un sursaut la secoue quand ma langue vient caresser sa lèvre inférieure. J'arrête immédiatement, je ne veux pas l'effrayer.
— Judas, soupire-t-elle en s'éloignant un peu, doucement...
Je souris contre ses lèvres. Elle me rend fou. Je frotte mon nez au sien et me redresse pour ne pas être tenté de la soulever afin de presser son corps contre le mien.
— Oui, désolé.
Elle sourit, mon corps prend feu. Je recule de quelques pas et pose mes fesses sur l'herbe humide, le dos contre les briques. Elle baisse la tête, la penche un peu et fronce les sourcils.
— Viens, l'invité-je en lui tendant ma paume.
Elle me rejoint, pose sa tête sur mon bras et inspire profondément. Son odeur sucrée s'élève à chaque courant d'air, ses boucles virevoltent et atteignent parfois mon visage. Elle sent bon, c'est apaisant et attirant.
— Joyeux anniversaire, Lolita, soufflé-je en posant la main sur sa cuisse.
Elle chuchote un merci timide, je me mords la langue pour ne pas lui avouer à quel point je la désire. Les semaines et probablement les mois à venir vont être terriblement longs, mais je ne regrette pas ma décision d'avoir pris les choses en main. J'allais devenir fou à tenter de rester loin d'elle.
J'oublie l'idée de lui donner mon cadeau toujours blotti dans la poche de ma veste. Cela serait trop de nouveauté en une soirée à peine. Il restera en ma possession jusqu'à ce que je trouve le bon moment pour lui offrir.
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