Chapitre 30, partie 2 :

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Will Marx :

— Marx, un peu de nerfs ! beugle Murray.

Je râle de mécontentement, j'en ai marre. Je suis à zéro, pourtant j'ai bien dormi même si c'était durant peu de temps. Entendre les soupirs d'Angelo pendant des heures m'a calmé. Il a sombré le premier. En me réveillant, je me suis aperçu que mon téléphone était éteint et mon lit vide. Ma mauvaise humeur a vite refait surface.

Ça fait maintenant trois-quart d'heure que je me démène à l'entraînement mais même en donnant de ma personne, je n'arrive à rien. Je suis perdu et dépassé par ce qu'il se passe. Je vois le ballon traverser le terrain sans vraiment y faire attention, j'entends mes coéquipiers autour de moi sans comprendre se qu'ils disent et j'ai un mal de tête carabiné.

— Will, viens ici ! m'interpelle le coach.

Je soupire en m'immobilisant, cette journée va être longue. J'intercepte les regards de Pietro et Judas qui m'interrogent silencieusement en fronçant les sourcils. Je hausse les épaules, je n'ai pas d'explication valable à donner. Je suis exténué, je n'ai rien d'autre à ajouter.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? m'interroge Murray lorsque j'arrive à sa hauteur.

— Tout va bien, feins-je. Je fais ce que je peux.

— C'est pas assez. Tu n'es pas en forme, là.

— On est à l'entraînement, ce n'est pas comme si c'était un match.

— Entraînement ou non, tu te dois de donner plus que ce que tu fais depuis une heure.

J'expire bruyamment. Peut-on juste me laisser en paix, ne serait-ce qu'aujourd'hui ? J'ai bien conscience que mes actions sont inutiles et que mon jeu est pitoyable, mais j'ai mal au cœur. Peuvent-ils seulement s'en apercevoir ?

— Comment va le petit DeNil ?

J'arque un sourcil, surpris par sa question.

— Il va bien, je crois. On échange rarement mais je pense que le centre lui fait du bien.

— Quand lui as-tu parlé pour la dernière fois ?

— Hier soir.

— Je vois, gronde-t-il en retirant sa casquette pour se gratter la tête.

Que peut-il voir ? Moi-même je ne sais pas.

— Retourne aux vestiaires, prends une douche froide et regagne ta chambre pour la journée.

— Pardon ?

— Fais ce que je te dis, gamin.

— Vous me virez ? halluciné-je.

— Va te reposer. De toute façon, t'es bon à rien depuis ce matin.

Je le savais déjà mais l'entendre si catégoriquement me fout un coup au moral. Je le dévisage un moment, espérant qu'il change d'avis mais ne voyant rien arriver, je traverse le terrain d'un pas rageur. J'ai la haine.

— Tu fais quoi, Will ? me hèle Pietro.

— Je suis sur la touche, je rentre.

Je n'attends aucune réponse et fais grincer la porte des vestiaires en la tirant avec force. Elle se referme en faisant davantage de bruit. Je retire mon tee-shirt humide de transpiration en pestant des propos inintelligibles. Je me fige lorsqu'un bruissement se fait entendre dans mon dos.

— Carter, craché-je en croisant son regard, les poings déjà serrés.

Mon sang chauffe immédiatement dans mes veines, mes tempes battent et intensifient mon mal de crâne.

Ma colère s'accroît, il était la dernière personne que je désirais croiser.

— Salut, Will... hésite-t-il.

— Salut ? répété-je les mâchoires serrées. Tu te fous de ma gueule ?

Il baisse la tête, semble mal à l'aise et la rage se répand en moi comme un vicieux venin.

Lorsque je le regarde, les images de mon trésor ensanglanté ressurgissent dans mon esprit. Ces longues heures passées à son chevet. La douleur, la peur et l'incertitude. Puis, les larges cicatrices qui traversent ses avant-bras qui ne disparaîtront jamais, tout comme les mots et les traces de sang que j'ai recouverts dans son carnet et qui hantent désormais mes nuits.

Je fais un pas dans sa direction alors qu'il relève le menton pour m'examiner.

— Dis, Noah, j'ai une question pour toi, lâché-je en inclinant la tête.

— Je t'écoute.

— Pourquoi tu m'évites depuis des semaines, des mois, même ? Pourquoi tu fais en sorte de ne jamais te retrouver seul avec moi ?

Il déglutit, fronce les sourcils et tente de se donner un air détaché.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Ah non ? C'est étonnant ! Tu as commencé as ne plus croiser mon chemin quand Angelo s'est retrouvé à l'hôpital. Est-ce une coïncidence ?

— Sûrement...

Un rire froid m'échappe tandis que je m'approche davantage. Il ne bouge pas, n'essaie pas de fuir mais maintient difficilement le regard assassin que je lui lance.

— Je sais que tu étais dans les toilettes avec lui, juste avant qu'il s'ouvre les veines.

— Qu'est-ce que tu insinues ?

— Je sais aussi que tu lui as clairement dit que je baisais ta sœur. Attends ! C'est quel passage de son journal que tu as lu ? Celui où il raconte comme il souffre ou l'un de ceux qui parlent d'amour ? Peut-être les deux, l'un ne va pas sans l'autre avec Angelo. Tu te souviens de ce qu'il a écrit ? Tu veux bien me le dire ?

Il pâlit, fait quelques pas en arrière jusqu'à ce que son dos se plaque à une rangée de casiers.

— T'as perdu ta langue ? Faut que je te rafraîchisse la mémoire peut-être ? Tu croyais réellement que j'allais te laisser t'en tirer ? Pas de bol pour toi, je ne suis pas de bonne humeur aujourd'hui et ma rage ne s'est pas apaisée. Ça fait des mois qu'elle macère en moi !

— Ce n'étaient que des mots, bredouille-t-il.

Ma paume s'écrase contre un casier, à quelques centimètres de sa tête et un bruit métallique résonne autour de nous. Il garde ses yeux rivés aux miens mais son assurance s'échappe progressivement. Une pulsion revancharde me submerge et je vois rouge. Ça fait si longtemps que j'attends ce moment.

— Des mots ! éructé-je près de son visage. Tu t'attendais à quoi en lui lançant tes conneries puériles et en lisant son carnet tout en te foutant de sa gueule ? Tu as vu les vidéos ! Tu as entendu tout ce qu'on s'est dit et tu savais parfaitement qu'il était fragile au moment où tu étais dans ces putains de chiottes avec lui !

— Je ne pouvais pas deviner qu'il allait tenter de crever.

Un flash blanc m'aveugle, ce mot empoisonné s'entrechoque contre les parois de mon crâne et je perds le peu de sang froid qu'il me reste.

— Espèce de connard ! hurlé-je en lui assénant mon poing au visage. Tu as joué avec lui, tu savais qu'il se faisait du mal ! Tout le bahut en a été témoin. T'as fait exprès de lui sortir ça et au fond tu savais exactement ce que tu faisais. Pour qui tu te prends à essayer de jouer avec la vie d'un homme, comme ça ? De mon homme !

Il lève la main et frotte en grimaçant sa joue que je viens de maltraiter. Mon corps entier se met à trembler, je vais exploser.

— Je ne suis pas fautif, j'ai rien fait, gronde-t-il.

Un second coup atterrit contre son nez alors qu'il grogne de douleur. Je ne vois plus rien, hormis Noah et la rage qu'il m'inspire.

— M'éviter comme une foutue mauviette n'a rien arrangé ! Si tu savais depuis combien de temps j'attends le moment parfait pour t'écrasser la gueule !

Je lui assène un coup de genou à l'entrejambe, l'obligeant à se plier en deux. Je profite de sa position pour refaire le même mouvement en amenant son visage contre mon genou.

— Putain, gémit-il, arrête ! C'est pas moi qui lui ai dit de se faire du mal !

Je recule de quelques pas, le fixe se tordre de douleur et réalise que ma colère ne régresse pas. J'étais persuadé que faire hurler ma rage allait m'apaiser mais un goût acide se répand sur ma langue. Je ne me sens pas mieux, c'est pire encore.

— C'est exactement comme si tu lui avais mis ce morceau de miroir dans les mains ! explosé-je. C'est toi le responsable et c'est con mais tes paroles acerbes n'ont rien changé ! Que tu ne supportes pas l'idée que deux types s'aiment n'est pas mon putain de problème !

J'attrape le col de son tee-shirt et le redresse pour le plaquer brutalement contre les casiers. Sa tête percute le métal et le fait grimacer.

— Tu n'essaies même pas de te débattre, pauvre merde ! Ça signifie bien que tu te sens responsable. Je te connais, Noah, tu m'aurais déjà envoyé chier depuis longtemps si la culpabilité ne te rongeait pas !

Ses yeux se baissent, il tente d'éviter le contact visuel.

Mon front percute son nez, la douleur déjà bien présente dans ma tête s'étend jusque ma nuque. Carter grogne et tente de me faire lâcher prise mais au lieu de ça, je la resserre davantage.

— T'as de la chance qu'il aille bien ! Crois-moi, t'as vraiment de la chance.

— Dégage, grogne-t-il en se débattant. Ton mec est demeuré, c'est la faute à personne.

Je grince des dents, il me cherche un peu trop. Il tire sur une corde déjà bien tendue et titille mes nerfs.

D'un geste brusque, je le jette au sol et le martèle de coup de pied. Je le cogne avec force en me moquant du sang qui coule de ses lèvres.

Ma tête brûle, je pleure de rage et hurle de détresse. Je le hais au point de ne plus rien contrôler. Mon trésor à souffert à cause de Noah, j'ai cru mourir avec lui et je ne pense plus qu'à ça. Au pire jour de ma vie et à tous ceux qui ont suivis.

Carter ne se débat plus, bien qu'il ne l'ait jamais vraiment fait. Les paupières closes, il tente de supporter la douleur. Je savais que cette journée allait être merdique, et visiblement ça ne va pas en s'arrangeant. Je risque ma place pour le reste du championnat et une voix dans ma tête me rappelle à l'ordre mais je la mets en sourdine. Angelo n'est pas avec moi, il est loin de mes bras et ça me rend fou. Ça me rend malade, ça me brise, j'en ai marre.

La porte des vestiaires grince. Je l'ignore et continue de frapper en pleurant. Je suis possédé, submergé par des émotions que je ne supporte pas. La colère, le manque et la douleur me rendent nauséeux.

— Marx ! Arrête-toi, immédiatement ! tonne Murray.

Des bras m'encerclent et me stabilisent pour que je cesse de m'acharner. Mon cœur bat si fort que j'ai peur qu'il explose. Les larmes me brûlent les yeux alors qu'un cri de détresse remonte ma gorge.

— Will, calme-toi, m'intime Pietro en me rabattant contre lui.

Je me laisse faire, épuisé, à bout de tout. Il m'oblige à lui faire face en attrapant mes épaules. Je me laisse aller, ma tête retombe contre son torse alors que ses bras m'enserrent puissamment. J'évacue ma peine et ma souffrance dans les bras de mon meilleur ami.

— Respire, mon frère, je suis là.

J'entends remuer autour de moi, le coach beugle mais je ne comprend pas. Mon âme appelle Angelo, elle hurle et réclame sa présence. Pietro passe une main dans mes cheveux et les empoigne pour me garder contre lui. Ses gestes me font du bien, je m'accroche à lui pour ne pas tomber.

— Marx, on va causer tous les deux !

Mon corps se tend, je ne veux pas de ça maintenant. Je n'ai pas la force pour un affrontement de plus dans l'immédiat, encore moins avec Murray. Je repousse Pietro du plat de la main. Il s'éloigne sans protester même si l'expression inquiète qui défigure ses traits est immanquable. Judas n'est pas bien loin et me fixe de la même façon.

— Rien à foutre de causer, je me casse. Laissez-moi en paix ! articulé-je en effaçant rageusement les larmes sur mon visage.

Je quitte les vestiaires sans attendre une seconde de plus. D'un pas rapide, j'enjambe la courte distance qui me sépare de l'hôtel. Je rejoins ma chambre en montant quatre à quatre les marches et me laisse glisser contre la porte une fois à l'intérieur. Mes pleurs redoublent d'intensité alors que mon cœur se serre douloureusement. Je récupère mon téléphone qui traîne sur la table de chevet et tombe sur le matelas, le regard flou rivé au plafond. L'appareil à l'oreille, j'attends que les sonneries s'effacent et laissent place à la voix de mon trésor mais sa messagerie se met en route.

Je soupire, réessaye encore et encore, jusqu'à ce qu'il décroche.

— Allô..., souffle-t-il, sûrement surpris que je l'appelle si tôt dans la journée et surtout après l'avoir eu au téléphone pendant des heures la veille.

Je tente de calmer ma respiration chaotique et refouler la douleur qui me vrille les tempes.

— William, ça ne va pas ? s'inquiète-t-il.

— Mon cœur..., murmuré-je. Je crois que j'ai fait une bêtise.

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