Chapitre 35, partie 1 :
Judas Bloom :
— Tu peux te bouger le cul, un peu ? grogne Pietro en cognant contre la porte de la salle de bain.
Je soupire face au miroir, les mains à plat sur la vasque.
— On va être en retard.
— On n'est de toute façon jamais à l'heure, dis-je en déverrouillant la porte.
Il entre dans la pièce et souffle d'exaspération en me détaillant de la tête aux pieds.
— Mais t'es prêt en plus ! Je pensais te trouver à poils. Qu'est-ce que tu fous ?
— DeNil est revenu.
— Sans blague, Sherlock ! C'est justement pour ça qu'on nous attend, me charrie-t-il.
Je m'assois sur l'abattant du toilette et attrape mon visage entre mes mains. Je suis content pour Will, sincèrement. Il avait besoin de retrouver son mec mais moi, je suis désormais bloqué.
— Je vais devoir faire semblant de ne rien ressentir pour Lolita et j'ai franchement aucune envie de faire ça, bougonné-je en fixant mes pieds.
Pietro pose une main sur mon épaule et s'assoit sur le sol. Sa tête glisse entre mes cuisses pour me fixer d'en bas.
— Avoue à Angelo que t'aimes sa sœur et le problème sera réglé. Il ne va pas te bouffer.
— Je sais, grogné-je, mais Loli refuse de lui en parler pour le moment. Et avec Will, ils viennent à peine de se retrouver, je ne veux pas faire éclater leur bonheur.
— Plus tu vas attendre et pire sera sa réaction. Il s'en remettra, m'assure-t-il en haussant les épaules.
— Il vient de sortir de psychiatrie, je n'ai pas spécialement envie de détruire tous les efforts qu'il a fait pour être en paix avec notre pote.
Je soupire en tirant sur mes cheveux. C'est un sacré dilemme qui se présente à moi et je n'ai aucune idée de comment le gérer.
— Tu as entendu Will, reprends-je en fermant les yeux. Il sera avec nous à l'université et c'est grâce à DeNil. Il était trop heureux pour que je lâche une bombe pareille à peine trois jours plus tard.
— Angelo aime Will plus que tout au monde. Il ne fera rien contre lui. Il est moins imprévisible qu'avant, son séjour à l'hôpital était fait pour ça.
— Il reste quand même malade. C'est pas un truc qu'on peut effacer, ça.
Pietro tape ma cuisse avant de prendre appuie sur mes genoux pour se redresser. Il cogne mon pied et quitte la salle de bain pour rejoindre sa chambre qui se trouve de l'autre côté du mur.
— T'es toujours si sûr de toi, mon pote, mais là, tu ressembles à une couille molle ! L'amour vous rend faibles, s'exclame-t-il alors que le sommier de son lit grince désagréablement lorsqu'il se jette dessus.
Je quitte les toilettes en soupirant exagérément. Rivierra louche sur son téléphone, le visage incliné.
— On va arriver les derniers à cause de tes conneries, dit-il sans lever le regard.
— Je m'en fous ! Maël et Roselyne ont toujours trente minutes d'avance, on est forcément les derniers. Ça me fait penser, il serait peut-être temps de te trouver une meuf.
— Pourquoi je ferais ça ? s'étonne-t-il en haussant un sourcil dans ma direction.
— Je sais pas, c'est évident. Je suis avec Loli, Will à son taré de copain et Maël est avec Pancy. T'es le seul de notre groupe à ne pas être casé.
— J'aime mon célibat.
— Ouais, dis plutôt que t'attends de te trouver une nana de vingt ans de plus que toi.
— Tu m'as démasqué, mon beau capitaine !
Je lève les yeux au ciel, dépité mais tout de même amusé par sa désinvolture.
♧ ◇ ♤
C'est Kristen qui nous accueille lorsqu'on arrive enfin à destination. Pietro lui fait les yeux doux alors qu'elle nous étreint chacun notre tour. Je me retiens d'éclater de rire et pars directement dans le salon. Comme je l'avais pressenti, Tobias et Pancy sont déjà là et semblent être installés depuis un moment si je m'en réfère au nombre de cannettes de sodas vides sur la table basse. La seule personne que je désirais vraiment voir n'est visiblement pas présente et ça me fout les boules.
Je jette un œil à Will, qui contemple son mec d'un regard tendre et lumineux. Avachi sur un fauteuil, Angelo caresse les cheveux de sa meilleure amie assise sur ses genoux.
— Content de voir que t'es encore en vie, DeNil, lâché-je en prenant place près de Maël.
Il ne répond pas mais dresse son majeur dans ma direction en relevant un coin de sa bouche. Il fut un temps, on se serait sauté à la gorge uniquement parce que nous étions dans la même pièce et désormais, nous sommes plus ou moins amis. Je ne peux m'empêcher de penser que cette tranquillité cessera lorsqu'il apprendra que sa sœur chérie et moi sommes ensemble depuis des mois. L'envie de demander où Loli se trouve me brûle la langue mais je me retiens pour ne pas éveiller les soupçons. Rivierra se pointe enfin et immédiatement, il part embrasser le front de son meilleur ami. Ces deux là sont si proches que parfois, j'ai l'impression que leurs esprits sont liés depuis la naissance. Après tout, ils ont grandis ensemble et sont nés à quelques heures d'intervalles donc, ce ne serait pas étonnant qu'ils soient réellement connectés.
— Seules mes lèvres peuvent toucher la peau de Will ! gronde Angelo en fronçant les sourcils.
— Oh ! T'es jaloux, mon ange ? Attends, viens part là !
Pietro se précipite vers DeNil en prenant soin de ne pas bousculer Rose et écrase un baiser bruyant sur sa joue.
— Putain, casse-toi ! peste-t-il en grimaçant, bien que l'amusement soit lisible dans son regard.
Will se lève en riant, heureux et pétillant. Il bouscule Rivierra et soulève Pancy pour la ramener auprès de Maël qui l'accueille en souriant de toutes ses dents.
— Je peux marcher, se plaint-elle en fronçant les sourcils.
— J'en doute pas mais tu n'avais pas l'air de vouloir lâcher mon trésor.
La seconde suivante, DeNil est blotti contre son mec. Mon cœur se serre, j'aimerais pouvoir agir si naturellement avec Lolita, sans avoir à me cacher de l'aimer au point de ne plus savoir penser.
— Où est miss DeNil ?
Le regard discret que Pietro me lance me fait comprendre qu'il sait ce qu'il se passe dans ma tête. Un beau bordel que j'appelle " la malédiction des DeNil ". Je lui souris brièvement pour le remercier d'avoir aborder le sujet que je m'interdis de hurler.
— Avec Mona. Elles sont parties chercher des gâteaux ou je ne sais quoi, répond Angelo en haussant les épaules.
Comme fait exprès, la porte d'entrée s'ouvre et laisse apparaître ma jolie Loli, suivie par sa voisine ainsi que Kristen et Jude. Mon cœur cogne fortement dans ma poitrine quand mes yeux se posent sur elle. Ça fait presque deux semaines que je n'ai pas vu son visage, c'est comme une bouffée d'air frais en plein soleil. Sa longue chevelure blonde effleure le bas de son dos lorsqu'elle se déplace, je trouve ça magnifique.
Le lycée est terminé, l'été est arrivé et de ce fait, elle a enfilé un débardeur blanc et un jean noir qui mettent en valeur chaque partie de son corps. Elle est foutrement belle, désirable à mourir et d'une délicatesse splendide. Sa peau est parfaite est légèrement hâlée par les premiers beaux jours de la saison. Ses yeux sont bordés de longs cils assombris par du mascara et ses lèvres sont d'un rose naturel et décadent. Si je suis d'accord avec Angelo sur un point, c'est lorsqu'il affirme que sa sœur est une poupée.
Elle sourit et s'approche de Pietro pour le saluer en embrassant sa joue puis, se tourne vers moi et réitère ses gestes. Ses lèvres effleurent ma pommette et ses cheveux qui sentent le soleil et les fleurs chatouillent ma peau. Je ferme les yeux pour absorber les sensations qui me submergent, réfrénant l'envie d'attraper ses hanches pour déposer ma bouche délicatement sur la sienne. Elle s'éloigne trop rapidement à mon goût mais je la comprends. Cette familiarité ne semble pas étonné Angelo, mais s'il savait les pensées qui traversent mon esprit, je serais sûrement acculé sous sa fureur de grand frère protecteur.
— Bonjour, les gars, sourit-elle avant de s'asseoir près de son frère et Will.
Je ne la quitte pas des yeux, elle est merveilleuse. Angelo attrape les doigts de sa sœur qu'il couve d'un regard aimant. C'est à cet instant que je remarque que ses bras ne sont pas cachés sous les manches d'un sweat trop large. C'est la première fois depuis que je le connais qu'il expose ses cicatrices sans la moindre gêne et je me dis que, finalement il doit réellement aller mieux.
L'après-midi passe tranquillement, tout le monde rit et discute. C'est calme et serein, comme si tous les drames des derniers mois s'étaient volatilisés pour laisser place à la légèreté. Je pourrais en profiter, de ce début de vacances plutôt plaisant après l'obtention de nos diplômes et avant notre entrée en fac mais mon esprit n'est pas totalement à la fête. Il se focalise sur Lolita. Je la regarde sûrement trop intensément parfois, ce qui me vaut des coups de pieds discrets de Pietro lorsque je me perds dans une admiration tout sauf amical.
Pour le moment, je me contente de quelques baisers et de câlins sages et sans ambiguïtés mais mon self-control est mis à mal. J'ai souvent fait redescendre la tension en me carressant comme un foutu puceau dans les chiottes ou sous la douche. Je n'ai pas envie de l'effrayer en étant trop tactile ou direct avec elle mais mon membre en souffre trop souvent. Elle est pure et innocente, je la respecte et irai à son rythme même si mon cœur a du mal à résister. C'est la première fois que je prends mon temps dans une relation, mais elle mérite quelqu'un qui prend soin d'elle sans se montrer trop entreprenant. Elle est jeune et délicate, une pierre précieuse qui scintille même dans le noir.
De temps en temps, j'intercepte le regard de Will. Silencieusement, il m'intime d'assumer ma connerie. Ce n'en est pas une et il l'a bien compris mais pour Angelo cela sera bien pire qu'une simple erreur. Marx a été témoin plus d'une fois de mon comportement avec sa belle-sœur et il sait que ce n'est pas un jeu pour moi. Il a accepté le fait que je sois accro à cette beauté blonde et m'a assuré qu'il comprenait mon ressenti en faisant les éloges de celui qui lui a volé son cœur.
J'ignore si j'aime Lolita comme Will idolâtre Angelo. Même si mes sentiments sont puissants, ils ne seront jamais à la hauteur de ceux qui les unis. Ce qu'il se passe entre eux est d'une force surnaturelle, un lien incassable et un amour digne des plus grands romans à l'eau de rose qui malheureusement, finissent souvent en tragédie. Cependant, ils ont surmonté tellement d'épreuves que désormais, rien ne pourra plus jamais les séparer. J'en suis persuadé, tout comme notre entourage qui les soutient avec ferveur et les admire avec respect. Mon pote rayonne et c'est sacrément beau à regarder. Je le connais depuis bien longtemps et c'est la première fois que je le vois réellement heureux. Donc, en effet, je ne sais pas si j'aime Loli comme mon ami aime son copain mais une chose est limpide dans mon esprit. Ça compte. Ça compte beaucoup trop et ça me fout souvent les jetons.
Annotations