Maria 

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Des bruits de sabots retentirent sur la place de l’église. Les soldats et Héraclius étaient étendus inertes. Saladin apparut. Derrière lui, son général Al-Mufazar, des cavaliers et fantassins ainsi que l’étrange homme aux yeux verts accoururent. Ils assistèrent au spectacle devant eux, le souffle coupé et l’estomac noué. Après un moment, Aegyptus s’approcha de Maria et l’attrapa doucement par les épaules.« C’est toi qui as fait ça ? lui demanda t-il.

  • Je… non… pourquoi aurais-je-
  • Regarde-le, mon sultan. A terre, encore ! Et cette fois, j’ai l’intuition qu’il y restera un moment ! » s’esclaffa Al-Mufazar en tâtonnant du pied le corps d’Héraclius.

Saladin leva le poing, triomphant, et s’écria :« La forteresse est nôtre ; prenez-y ce que vous souhaitez, pour la gloire des Ayyubides ! »Les soldats musulmans s’exécutèrent sans broncher : toute la nuit ils pillèrent les maisons, les incendièrent, désacralisèrent les autres églises de la ville et tuèrent les survivants qu’ils trouvèrent. Saladin ne voulait pas faire davantage de prisonniers que ceux qu’il avait déjà ; il avait expliqué que les richesses récoltées seraient bien plus importantes que les rançons qu’ils pouvait tirer d’eux. De plus, il ne voulait pas s’en encombrer et être trop ralenti. Lydda dansa avec la Mort jusqu’au jour sous les yeux de Maria. Restée près de son oncle qu’elle avait allongé sur un tapis orné, elle avait attendu son réveil. Des heures passèrent, et elle craignit l’avoir tué ; cependant, il finit par ouvrir les yeux.« Mon oncle, pardonne-moi ! Pardonne-moi, supplia t-elle en le couvrant de ses bras.

  • Beau travail, Héraclius, le félicita Saladin en lui offrant une coupe pleine de glace. Lydda est à nous, et mes pertes auraient été plus grandes sans vous.
  • Je ne fais pas ça pour vous rendre service, répondit le romain en se redressant. Renault de Châtillon est à Jérusalem. Il faut s’y rendre, maintenant.
  • Je ne crois pas. Nous faisons route vers Jaffa. C’est un appui maritime important, et il nous le faut, rétorqua le sultan en lui tournant le dos.
  • J’ai honoré le marché ! Pas question de vous suivre là où vous tournerez le dos à ma cible ! » s’indigna Héraclius en se dressant sur ses pieds.

Saladin fit volte-face immédiatement et le pointa du doigt, le visage grimaçant.« Non, nous avons conclu que vous resterez à mon service jusqu’à ce qu’une opportunité contre Renault de Châtillon se présente. Dévier de la route n’est pas une occasion, répliqua t-il sévèrement.

  • Je ne suis pas votre bon petit soldat ! Je vous ai offert Lydda, alors vous m’offrirez Châtillon à Jérusalem !
  • Partir vers Jaffa maintenant laisserait plus de temps à Jérusalem pour se préparer à notre assaut. Mieux vaudrait l’attaquer maintenant, préconisa Aegyptus, assis sur une caisse en recul.
  • Je prendrai Jérusalem sans effort armée chrétienne ou non. Je ne ferai pas de compromis.
  • Peut-être qu’une attaque sur la ville vous permettrait de tester les capacités de la fille. » reprit-il en zieutant Maria.

Cette dernière, confuse, les regarda tour à tour. Héraclius s’assit de nouveau sur le tapis. Il attrapa les épaules de sa nièce en soupirant.« Donnez-moi Châtillon et repartons chacun de notre côté, tous deux victorieux. Vous aurez Jérusalem et moi, j’offrirai la paix à mes compères. »L’homme aux yeux verts se mit à glousser. Maria se dégagea de l’emprise de son oncle en ne se privant pas de le pousser.« Ne plus être affilié à une personne telle que vous, Héraclius, ne saurait me déplaire. » finit Saladin en leur tournant le dos, l’air écoeuré.Les troupes ayyubides laissèrent Lydda dévastée derrière eux. La cité n’était plus qu’un cadavre dont s’élevait une colonne de feu. Maria n’était pas repartie à cheval ; elle s’était installée dans une charrette transportant tapis et toiles de tentes pour les campements. Elle cherchait à éviter le devant de la troupe où se trouvait son oncle : sa présence la rendait nerveuse. Elle ne savait plus à qui elle avait affaire.Au-dessus de sa position, l’immense oiseau avait repris son vol. Les corps décomposés de chevaliers, de prêtres, d’artisans et de leurs femmes et enfants hantaient son esprit tandis qu’elle observait la ville incendiée. Elle tendit la main et bloqua de sa paume la vue de la cité. Lorsqu’elle la ramena contre son torse, les flammes avaient disparu.

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