Montgisard
Lorsque les croisés avaient entaillé le flanc de Saladin, Maria avait immédiatement cherché un refuge. Elle avait par chance aperçu un très mince rocher à une vingtaine de mètres et avait couru vers lui. Cachée, elle tentait d’observer le combat, soucieuse de son issue. Dans sa tête résonnait une phrase en continu.
Ton oncle va mourir en pensant que tu le hais.
Des deux armées s’élevaient des cris de guerre mêlés aux hennissements des chevaux et aux râles des mourants. Les montures s’entrechoquaient, les os se brisaient, les armes tintaient et les hurlements résonnaient. Totalement inconscients du danger que représentaient toujours les croisés, les musulmans s’étaient dispersés sous les ordres de leur sultan dans le pays. L’erreur était humaine ; mais cette erreur là coûterait beaucoup.
Les bannières noires ayyubides recouvraient le sol. Le symbole de Jérusalem, lui, trônait le champ de bataille tel le soleil surplombe la terre. La croix dorée de la ville mère semblait refléter la lumière du soleil. Les chevaliers, malgré leurs lourdes cuirasses et amures, semblaient bouger comme des plumes virevoltent dans une brise. Animés par un désir de revanche et désireux de protéger leur cité, leurs épées s’abattaient sur leurs ennemis sans aucune pitié. Les généraux de Saladin étaient partis à l’attaque appuyés des troupes qu’ils avaient organisées en vitesse. Le sultan, lui, s’était entouré des mamelouks, ses gardes personnels. Malheureusement pour lui, le choc provoqué par l’attaque chrétienne avec été si grand que les chevaliers avaient réussi à se frayer un chemin vers le corps avant. Saladin fut contraint d’annoncer la retraite pour éviter le plus de morts possible.
Héraclius avait été ordonné par le sultan de protéger ses arrières pendant qu’il fuyait. Le romain s’était positionné et tel un mur avait bâti une barrière infranchissable ; alimenté par les énergies des fantassins et des croisés, il repoussait ceux qui tentaient de poursuivre l’égyptien. Très vite, l’attention des chrétiens s’était portée sur lui. Leufroy le reconnut ; Baudouin exigea qu’on le tue.
« Tuez l’homme responsable ! Chrétien ou non !
- Laissez-moi vous prouver ma bonne foi, votre Excellence ! » lança Renault de Châtillon en baissant sa visière.
Maria n’était pas passée inaperçue. Les égyptiens en fuite avaient couru dans sa direction pour échapper aux mains des chevaliers. Ceux-ci, à leurs trousses, s’étaient rapprochés du rocher qu’elle tenait pour cachette. Très vite, la bataille s’étendant, la jeune fille fut capturée ; vêtue d’habits typiquement arabes, elle échappa de peu à la mort. Leufroy, par chance, s’était aventuré de ce côté des combats et l’avait repérée.
« Laissez-la ! Elle est chrétienne ! s’écria t-il à l’hospitalier qui la tenait par les cheveux.
- Ses vêtements—
- Elle est de notre côté. Je serai responsable d’elle. Laissez-la ! » il insista.
Leufroy s’approcha d’elle et la prit dans ses bras, la couvrant sans le vouloir du sang des hommes qu’il avait tués. Enfin, il la tira par le poignet vers le coeur du combat.
« Tu m’as sauvé ; je vais t’offrir une vie digne de ta bonté. » dit-il.
Maria tenta de résister, criant que son oncle était innocent et prisonnier des égyptiens. Elle savait que si les croisés le capturaient, il serait exécuté pour trahison ; elle voulait juste le revoir une fois encore et lui dire qu’elle était navrée et qu’elle le soutiendrait toujours, qu’elle l’aimait comme son père, et que rien ne pourrait jamais le changer. Leufroy faisait la sourde oreille. Elle décida de siffler aussi fort qu’elle le put ; à des dizaines de lieues, son appel se fit entendre.
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