Quitter le nid familial est un passage pour la plupart obligatoire, emblème du réel commencement de l'indépendance. Se débrouiller seul en effraie plus d'un, en raison des nombreuses responsabilités menaçant de les submerger. Cela n'a jamais été mon cas, bien au contraire. Je m'y étais préparé, et ce depuis des années. J'ai toujours su quoi faire, quand le faire et de quelle façon. Si bien que je n'ai pas eu à me battre pour garder la première place au classement de toute ma scolarité. Mon éducation stricte devait y être pour quelque chose. Cette réputation du fils prodige refoulait tout égarement. Je savais que j'irais à New York University. Mon chemin était parfaitement tracé.

   Je ne me doutais pas des tentations de cette grande ville et de l'influence de ceux qui la connaissaient. Le parcours que je m'étais si bien fixé avait l'air de ne présenter aucune faille. Je ne pensais vraiment pas pouvoir, ne serait-ce qu'une seconde, compromettre l'avenir que je m'étais choisi. Mon binôme de travail n'était pas censé être une mauvaise fréquentation. Lui et moi avons rapidement sympathisé. Ses visites guidées de la ville se sont transformées en escapades nocturnes alcoolisées sans que je ne m'en aperçoive. Les amis qu'il me présentait semblaient sortir tout droit de l'encyclopédie de la débauche et m'offraient des entrées gratuites à chaque occasion.

   Puis elle apparut. Cette grande rousse élancée, belle comme ce n'était pas permis, bouleversa ma vie à tout jamais. Jessica devint la source de tous mes maux. L'aimais-je ? J'en suis convaincu. M'aimait-elle ? Une petite partie de moi ne cesse d'y croire. Le brasier qui nous consumait, s'intensifiait à mesure que ses lèvres se mêlaient aux miennes. Cette souffrance allait-elle un jour s'arrêter ?

Une chose est sûre, jamais je n'aurais pu imaginer tomber amoureux d'une prostituée.