II
Trois mois plus tôt..
C'est le grand jour ! Je pars pour New York dans quelques minutes. L'idée seule d'y poser un pied me procure une douce montée d'adrénaline. Mes sacs, le GPS, les aires d'arrêts, l'essence, un sandwich, j'ai tout vérifié. Il fait encore beau et chaud, pas de risques d'averses aujourd'hui. Le moindre détail a son importance et est minutieusement étudié, comme à mon habitude. C'est l'un des seuls moyens de me rassurer. Je jubile. Je me regarde dans le miroir et tente une dernière fois de donner un peu d'ordre à mes cheveux châtains indisciplinés. Je capitule, lorsque la mèche bouclée que je repousse en arrière pour la énième fois, retombe devant mes yeux pers. Mon corps entier lâche un soupir. S'il y a bien une chose que je ne peux prévoir, c'est bien cette tignasse. Même avec du gel, rien n'y fait. J'en ai pour un peu plus de 3h de route. Un léger picotement me saisit l'estomac lorsque 10h pointe à ma montre. Mon t-shirt bordeaux et mon jean noir sont repassés à la perfection. Je suis prêt à partir.
Ma Volkswagen blanche démarre dans un grondement. Je m'engage doucement dans l'allée, sous les yeux larmoyants de mes parents. Ils arborent le même air de fierté que le jour où j'ai reçu mon admission pour NYU. Ma mère, un peu trop émotive, a fondu en sanglots ce jour-là. Mon père lui, s’est contenté d'une vigoureuse étreinte. Ils étaient si heureux. Je n'avais pas le droit de les décevoir. La vision de mes parents blottis l'un contre l'autre, me regardant m'éloigner petit à petit, fait naître une larme au coin de mon œil. J'espère un jour finir comme eux, cheveux cendrés, visage épanoui, à passer le reste de mon existence tenant la main de ma moitié. Leur mine, affaiblie par l'âge, rapetisse à mesure que je progresse dans le chemin boueux, en direction de ma nouvelle vie. Je les admire. Mais ce n'est pas l'ordre du jour. Je quitte enfin ma petite ville de Pittsfield.
De nouvelles contrées ne cessent de défiler sous mes yeux. C'est la première fois que je me rends aussi loin de chez moi. Un somptueux ciel azur s'étend à perte de vue, confirmant mes estimations. Je me suis déjà arrêté deux fois lorsque j'entame la dernière partie de mon itinéraire. Les playlists s'enchaînent sur mon poste, passant par Coldplay , James Blunt, Ed Sheeran et bien d'autres. Je gamberge déjà à propos de ma nouvelle année scolaire. J'ai sauté sur le programme d'astronomie, étant passionné depuis aussi longtemps que je me souvienne. Ce fut d'abord les posters, puis les livres, et j'ai fini par mettre quelques sous de côté pour un télescope plutôt moderne. Je ne compte plus les nuits blanches passées à observer notre système solaire. Chaque poussière étayait ma curiosité. Après tout, c'est ce que nous sommes dans ce vaste univers non ? Une poussière. Il était inutile d'amener l'appareil avec moi, la grande ville est bien trop lumineuse pour me permettre de voir ne serait-ce qu'une étoile. À la vue d'un gigantesque panneau indiquant New York, je souris jusqu'aux oreilles et fis mon entrée dans la ville où tous les rêves se réalisent.
Le campus semble colossal. Un immeuble, un autre, puis encore un. Je ne sais plus où donner de la tête, m'évertuant à repérer le drapeau de l'université sur les grands édifices. Je dû m'y prendre plusieurs fois avant de trouver le parking qui y était dédié. Mes arrêts fréquents et imprévus m'ont suscité klaxons et même quelques insanités. Un charmant accueil. Les abords de l'université grouillent de parents enlaçant leur progéniture stressée. Un petit pincement au cœur me prend de court. J'ai refusé qu'ils viennent, ne voulant pas les fatiguer par ce voyage, mais devant cette quantité d'amour étouffante, je ne suis plus vraiment sûr de mon choix. Le hall principal est gigantesque, au point qu'il faille plisser les yeux pour discerner tous les éléments de la fresque au plafond. Un grand lustre orne celui-ci de tous ses éclats. L'architecte a fait un travail stupéfiant, de sorte que la réflexion de la lumière naturelle sur les cristaux au-dessus de nous, donne l'impression de se retrouver dehors, en plein jour. De nombreux portraits d'anciens élèves devenus des personnages importants recouvrent les murs. Le sol en marbre est si bien lustré que je peux contempler avec dépit l'impact du vent sur ma chevelure se rebellant une nouvelle fois. Je fais la queue pour récupérer ma carte d'étudiant et mon emploi du temps lorsque j'entends le couple juste devant moi parler des cours d'astronomie. D'un côté, une blonde minuscule au look gothique, portant plus de maquillage que son visage ne pouvait en arborer, ainsi qu'une jupe trop courte. De l'autre, un brun au regard sombre, tatoué aux bras, à l'allure de capitaine d'équipe de foot. Je ne peux m'empêcher de laisser traîner une oreille, que dis-je, de m'incruster dans cette conversation serait plutôt le mot.
- Mr Walker ? Il paraît que ce vieux dégénéré peut assommer une classe entière en moins de cinq minutes ! Tu t'endormiras parmi les étoiles, s'esclaffe la petite blonde.
- Du moment qu'il fait son taf, m'en fou. Vu la blinde que j'verse à ce trou à rat, y'a plutôt intérêt à ce que j'ai mon année, lui répond ce qui semble être son petit ami.
- Vous suivez tous les deux le cours d'astronomie ? dis-je d'une voix sourde, me demandant encore ce qui m'a pris d'interrompre cette discussion. Ils me regardent interrogateurs, puis la fille rompt le silence.
- Non y'a qu'Derek pour faire quelque chose d'aussi fou, dit-elle en le pointant du doigt. Moi j'fais d'la botanique. Mais au fait, c'est quoi ton nom ?
- M... Moi c'est Aaron, bégayé-je, oubliant mes bonnes manières. Je suis aussi le cours d'astronomie.
- Peut-être qu'à deux vous tiendrez plus longtemps, dit-elle en nous regardant amusée. Emma, ravie de te rencontrer !
- Derek, comme elle a pu te le dire, confirme le brun ténébreux.
- Ta chambre est dans quel bâtiment ? s'empresse-t-elle de me demander
- Oh, je ne loge pas sur le campus, je suis dans un appart' pas loin.
Mon grand-père s'est acheté un trois-pièces comme dernière folie juste avant de mourir. Mon paternel en a hérité et l'a fait louer jusqu'à présent, pour rembourser les dettes de son dépensier de père. Il s'avère qu'il est à deux rues du campus, une aubaine pour moi. L'appartement est meublé et a tout ce dont j'ai besoin. Je n'y ai pas encore posé mes valises, mais je sais que je vais m'y plaire.
- Putain la chance ! J'en connais un qui fera des soirées de malade ! m'extirpe Emma de mes pensées.
- Pas vraiment non, ce n'est pas trop mon style.
- Dans ce cas je suis sûr que ça le deviendra..
- C'est à vous ! la coupe la dame au guichet.
Je ne m’étais pas rendu compte que la queue avait autant avancé. Une fois mon tour passé, je salue mes deux nouvelles connaissances et prends la route jusqu'à mon nouveau logement.
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