III
L'appartement est encore plus spacieux que sur les photos. Une épaisse moquette beige s’étend de la porte d’entrée jusqu’au fond du logis. De larges fenêtres confèrent une vue panoramique sur le côté Est de Manhattan. Du vingt-sixième étage, on aperçoit l’immense fourmilière qui s'affaire dans tous les sens. L'architecture des premiers immeubles s’illustre le long des murs en briques orangées encadrant le séjour. Un vieux divan en cuir couleur pourpre agrémente le style old school de la pièce. Disposé sur un meuble en bois verni, le petit poste de télévision y fait face. La cuisine est séparée du salon par un bar recouvert de marbre noir, se distinguant de l'allure du salon. Elle est simple, mais contient tout le nécessaire. Un long couloir à la lumière tamisée mène à ma future chambre et sa salle de bain. Le king size bed en occupe la majeure partie. Dotée également d'une vue sur l’Hudson, les rayons solaires la traversant lui donnent un aspect irréel. Des étagères à moitié remplies de livres ainsi qu'un large miroir, comblent le reste de la pièce. Un angle a cependant été épargné. Juste de quoi ajouter un bureau ainsi qu’une armoire. Le cadre est parfait pour travailler en toute tranquillité, enfin, c'est sans compter les coups de klaxon intempestifs de la métropole. Je n'aurai pas le choix, il faudra m’y faire à ce brouhaha. Une fois mon nouveau chez moi examiné, je passe le reste de l'après-midi à décharger puis ranger mes affaires. Par chance, l'immeuble possède un garage sous-terrain. Je n'aurai donc pas à batailler des heures pour trouver une place à proximité.
Ma première soirée dans la « grosse pomme » se déroule calmement. Je m'assure d'avoir tout bien installé et de ne manquer de rien. Je raconte mon voyage à mes parents au téléphone tout en mangeant une pizza et fais d'avance ma liste de courses pour le lendemain. Les cours commencent dans quatre jours, ce qui me laisse le temps de me familiariser avec le campus et cette ville gigantesque.
Je n’ai pas de mal à trouver mon chemin jusqu’à l’amphithéâtre où a lieu mon premier cours de la journée. Des mathématiques, de quoi aborder les sciences en bonne et due forme et décourager les moins matinaux. Tout est très bien indiqué par de larges plans du site pour les étudiants rentrant en première année. Je vais pouvoir choisir ma place étant en avance d’une quinzaine de minutes, pensai-je en souriant. J’entends mon prénom retentir du fond de la pièce à l’approche des premiers rangs. Je reconnais Emma de l’autre jour, faisant de grands signes pour me signaler qu’elle m’a gardé une place. Je ne m’assieds jamais aussi haut des hémicycles. Les premiers rangs sont plus propices à une bonne écoute et la pose de questions. Je me fais violence à chacune des marches que je gravis, m’éloignant de mes intentions studieuses. Je finis par rejoindre par dépit Emma et Derek, assis juste à côté d’elle, ainsi qu’un autre étudiant semblant connaître les tourtereaux. Un certain Jacob, à la peau mate et tatouée, aux allures de bad boy avec son crâne rasé et toutes ses bagues. Une vieille connaissance de Derek qui tripe sa première année, d’après Emma. Je ne savais même pas que c’était possible dans une si bonne école. Je sors l’ensemble de mon matériel pour n’avoir rien à chercher lors de la prise de notes.
La présentation du programme a commencé depuis cinq minutes lorsqu’une jeune femme au sac à dos bleu fait son apparition et l’interrompt. Le professeur, compréhensif pour un premier jour de classe, l’invite à trouver une place en la taquinant gentiment. Des rires discrets et éparpillés la dépêchent jusqu’à un siège placé deux rangs devant nous. En installant ses livres et cahiers, elle renverse sa trousse sur la rangée de devant.
- Et moi qui pensais ne pas être du matin ! s’esclaffe Emma, faisant repartir les rires de plus belle.
Belle… Qu’est-ce qu’elle est belle… Des boucles d’un rouge cuivré étincèlent, en s’entremêlant jusqu’au milieu de son dos. Ses jolis yeux noisette regardent dans le vide, comme si quelque chose l’absorbait. De fins traits subliment son visage, gratifié de quelques taches de rousseur. Une bouche pulpeuse et rosée parfait son charme naturel. Grande, mince et droite, comme si on lui avait posé un livre sur la tête dès la naissance. Cette fille aux cheveux ardents n’aurait aucun mal à se faire recruter par une agence de mannequins, me dis-je. Elle reproduit de façon nerveuse ce tic de replacer une de ses mèches derrière son oreille droite. Son col roulé noir ne laissant apparaître que de petites mains laiteuses, attire un peu plus mon attention. Comment peut-on porter ce genre de chose à la fin de l’été ? Elle doit mourir de chaud avec ce vêtement.
- Bah alors ? On a d’yeux que pour la retardataire, me charrie Emma d’un coup de coude.
- Quoi ? Moi ? Je.. Non… peinai-je à trouver mes mots. Je me demandais juste comment faisait-elle pour porter quelque chose d’aussi chaud.
- T’es à NY mon gars, les gens bizarres c’est pas ce qu’il manque !
Je ne suis pas arrivé à décrocher mes yeux de cette fille de tout le cours. Elle semble si intrigante. Jolie, mais intrigante. J’ai dû pour la première fois de ma vie demander ses notes à un autre étudiant. Comment peut-on être aussi distrait par quelqu’un ? Le reste de la matinée s’est passé calmement. J’ai tenté de tenir Derek éveillé pendant tout le cours d’astronomie, en vain. Mr Walker a un don irréfutable pour expédier toute personne dans les bras de Morphée. Même certains intervenants piquaient du nez lors de son diaporama. N’ayant pas cours de l’après-midi, j’ai décidé rentrer manger chez moi et de prendre de l’avance sur les différents enseignements. Ce ne fut pas chose facile. Cette chevelure ardente n’a pas voulu sortir de mon esprit. J’en ai même rêvé cette nuit…
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