Chapitre 5 - les souterrains
Le soir venu et le ventre bien rempli, Tom se présenta à la table du roi. La vaste salle était dans la pénombre, éclairée uniquement par une grande cheminée où rougeoyaient encore quelques braises. Sur la grande table de bois au centre trônaient des mets au fumet succulent, constitués à base de blé. Des serviteurs se pressaient de toutes parts. Sa majesté le roi musaraigne était installé sur des gros coussins rouges moelleux et le regardait, amusé.
« Approche, petite homme, et conte-moi ton histoire pendant que je mange. Si elle me plaît, je te donnerai une paillasse pour la nuit ».
Tom commença son récit avec une petite voix. Il n’avait jamais parlé devant autant de musaraignes et s’en sentait tout intimidé. Il parla tout d’abord de Lisbeth, pour se donner du courage, puis se lança dans la narration des aventures des deux jours précédents. Chacune de ses mésaventures étaient ponctuées du rire tonitruant du monarque, qui tapait sur la table de ses lourdes pattes, faisant voler fourchettes et assiettes. Les serviteurs couraient en tous sens, rattrapant les ustensiles au vol avant qu’ils ne se fracassent sur le sol. Et Tom se faisait tout petit, autant parce qu’il était impressionné par la grande musaraigne que pour éviter les bols de soupe au blé qui filaient dans sa direction.
« Quelle bonne histoire ! Ha ha ha », s’esclaffa le roi, la bouche pleine. « Serviteurs, préparez-lui une paillasse sèche et douce et remplissez son sac de provisions »
Après un temps de réflexion durant lequel il se cura les dents, il ajouta :
« Et montrez-lui le chemin des souterrains, ceux qui mènent à l’autre bout du champ ».
Puis il retourna à ses affaires de roi « et à son repas », songea Tom, le congédiant d’un mouvement de patte.
La chambre dans laquelle on l’emmena était petite mais douillette. Un lit de paille fraiche reposait dans un coin, face à une petite étagère creusée à même la terre. Un feu brillait dans une cheminée sur l’autre mur. Une musaraigne lui apporta une couverture de laine chaude tandis qu’une autre lui tendit un bac en bois rempli d’eau fumante et une serviette.
« C’est donc ça, être l’invité d’un roi », songea-t-il, impressionné, en plongeant avec délice dans son bain chaud.
Quand il se fut lavé, il remarqua que quelqu’un avait laissé à son intention un beau pyjama moelleux. Il s’en revêtit et s’enroula dans la couverture, les yeux fixés sur les flammes dansantes. Il lui sembla que cette journée avait été un rêve.
Il se réveilla bien des heures plus tard dans la pénombre. La pièce étant dépourvue de fenêtre, il ne parvenait pas à déterminer si l’aube s’était déjà levée. Le feu s’était éteint et il faisait frais. Tom serra ses couvertures autour de lui. Il n’avait pas du tout envie de sortir du lit ! A cet instant, une savoureuse odeur de pain en train de cuir lui chatouilla les narines, et il changea d’avis ! D’un bon, il sauta hors de son pyjama pour se rhabiller et ouvrit la porte de sa chambre, se précipitant dans un serviteur chargé d’un plateau de tartines et de café. Le tout vola dans la pièce et la malheureuse musaraigne dû danser en équilibre sur une seule patte pour rattraper le repas avant que tout ne s’éparpille par terre.
« Pardon, mille pardons ! » s’exclama Tom, tout honteux.
Le serviteur ne répondit pas mais lui lança un regard noir avant de poser le plateau sans ménagement sur la table de nuit.
« Petit déjeuner pour vous. Quand vous avez finit, tirez le petit cordon rouge derrière votre porte, et je viendrai vous escorter à l’entrée des souterrains ». Et aussi vite qu’il était entré, il repartit.
Tom se régala. Le pain était frais et la confiture de fraise des bois avait un goût merveilleux. Le ventre plein, il sorti donc sonner au cordon rouge qui pendait derrière sa porte.
Après lui avoir montré le tunnel, le serviteur se dépêcha de retourner à ses affaires, laissant le petit homme seul avec une bougie blanche pour s’éclairer. L’entrée du souterrain était très sombre et sentait le moisi. Il eut le malheur de toucher le mur, enduisant ses doigts d’une pâte visqueuse verdâtre à l’odeur douteuse.
Tom s’enfonça dans la bouche béante des souterrains avec un petit frisson. Il essayait de ne pas effleurer les murs, mais la tâche s’avérait difficile, car le couloir était étroit.
Après quelques minutes de marche, il déboucha sur une grande salle d’où partaient trois tunnels.
« Quel chemin suivre ? », se questionna le petit homme. La bougie perlait déjà et quelques gouttes de cire tombèrent sur le sol luisant.
Il décida de prendre à droite. Après quelques mètres, une nouvelle bifurcation s’ouvrit devant lui et il choisit à nouveau le tunnel de droite « comme ça, je sais comment retourner en arrière si je me perds ». Et Tom continua ainsi sa progression dans le souterrain pendant ce qui lui sembla une éternité. C’est alors que sa lumière éclaira à ses pieds quelques traces rondes et blanches sur le sol boueux.
« De la cire fondue de ma bougie ! Oh non, je crois que je tourne en rond … ». Tom était inquiet : la lumière de la flamme vacillait au fur et à mesure que la tige fondait. Comment allait-il se repérer dans ce labyrinthe ? Il sentait la panique monter en lui.
Il pensa à Lisbeth pour ne pas perdre espoir et tenta cette fois d’emprunter le tunnel de gauche à chaque bifurcation qui se présentait devant lui. Sa lumière faiblissait de plus en plus au fur et à mesure que la bougie se consumait. Tout à coup, un coup de vent souffla la flamme. Cédant un instant à la panique, il faillit se précipiter au hasard dans le noir. Puis l’espoir se ralluma en lui : s’il y avait du vent, c’est qu’une sortie devait être toute proche !
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