IV -Jeudi 8 février 11h40.
Elle s'était accoutumée à sa présence. Ou plutôt elle s'était presque laissée apprivoiser.
Il lui donne à manger. A la cuiller et lentement. Elle n'a pas droit aux objets, pointus ou autres, fourchettes comprises. Son dossier indiquait qu'elle avait fait manger des pions de bingo à un médecin. Robert non plus n'avait jamais aimé le bingo.
Dans le protocole de jour, les entraves étaient allégées. Ses poignets étaint maintenus par de larges sangles de cuir rembourré, liés par une sangle solide à un anneau patiné fixé à la table vissée au sol. Elle ne porte plus cet archaïsme de camisole que la nuit. Vincent l'avait à la bonne, peut-être. Il avait décidé d'abaisser progressivement le dosage de neuroleptiques.
Robert avait été désigné par ses collègues pour la nourir. Ils avaient remarqué qu'elle le suivait du regard dès qu'il passait près d'elle, près du hublot de sa chambre. Elle ne s'opposait pas à lui et acceptait sans regimber de manger. Elle reprenait des couleurs.
Ses entraves ne lui étaient retirées que pour la toilette journalière que lui faisaient deux infirmières, sans doutes d’anciennes nageuses d’Allemagne de l’Est, venues d'autres services de l’hôpital.
Assez fortes pour contenir un éventuel accès de fureur, elles passaient sur appel des infirmiers hommes, lorsqu’il fallait la mettre aux toilettes ou la nettoyer. Il n'y avait pas de femmes volontaires pour une affectation au pavillon B. Elles étaient sympathiques malgré un physique solide, mais il n’aurait pas aimé pas être leur mari.
D’ailleurs il se fait trop vieux pour ces choses-là.
Ses yeux encore flous le regardaient.
Et il aimait ça.
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