La vérité

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Pragmatique, l'intendant voulut vérifier une vérité. Entendant l'arrivée d'Astrid qui allait bientôt faire irruption dans sa chambre pour lui crier ses quatre vérités, il termina de se préparer. Avec surprise, sa cadette le vit donc sortir en trombe de sa chambre et se diriger vers la chapelle. Sa cadette le suivit, ne le reconnaissant pas tellement une aura chaude émanait de lui à l'opposé de celle sombre habituelle. Chemin faisant, il passa devant la grande galerie où il entendit monsieur Mercier rabrouer Thomas :

« Je vous interdis d'insulter un de mes hôtes, surtout le héros de guerre qu'est Nathan Tourbillon. »

Interloqués, tous les invités, ainsi que le père et la sœur d'Hélène, se concentrèrent sur le châtelain. Celui-ci défiait chaque regard avec fierté et hauteur. Thomas voulut protester mais il fut devancé :

« Le jeune homme qui vient de sortir était un agent de la Résistance française infiltré. De part sa grande connaissance de la langue allemande apprise auprès de sa grand-mère alsacienne et de son physique, il s'était porté volontaire pour nous protéger des patrouilles, nous signalant leur horaire de passage et les détournant. Il avait pour ordre de faire exploser les canons braqués sur nous le cas échéant. En tant que chef de notre groupe, j'étais un des rares à être au courant de sa situation. Nathan a pris de gros risques pour notre liberté. De plus, je vous annonce qu'il était fiancé à Hélène. J'ai moi-même assisté à leurs fiançailles secrètes. Maintenant, sortez de chez moi, Thomas. C'est votre présence qui est un affront à ce lieu. »

Ayant fini, il tourna le dos au frère de Sonia qui serrait les poings de rage. Suivi par sa sœur qui élaborait déjà un plan, il quitta le château. Pendant ce temps, votre arrière-grand-père qui avait espionné la conversation entra. Le voyant, son ami le regarda avec une telle intensité qu'il comprit qu'il ne mentait pas. L'amant d'Hélène était en réalité un héros de guerre et il avait tout détruit. Ce fut en tremblant un peu qu'il se rendit à la chapelle. Y entrant, il trouva la faille et en sortit la promesse de mariage. Il avait une autre confirmation de la vérité. Avec empressement, il se dirigea vers les jardins et se précipita vers l'Orangerie où il savait qu'il trouverait Nathan. Celui-ci était assis au fond de la salle, sous un oranger. Il donnait l'impression de porter tous les malheurs du monde. Votre arrière-grand-père l'interpella :

« Si vous voulez sauver Hélène, il vous vaut me suivre, Nathan.

— Que... dites-vous ? » Lui dit ce dernier en levant la tête.

Reconnaissant le père de sa dulcinée, il se leva mais ne bougea pas d'un centimètre. Il le regardait d'incompréhension. Son interlocuteur se fit donc plus clair :

« Hélène est vivante. Tout n’était que mensonge. Cependant, un danger plane sur elle. Alors si vous tenez à elle, suivez-moi. »

Sur ces mots, il fit volte face et partit en direction de sa voiture. Nathan, perdu, s'empressa de le suivre après un court temps de réflexion, l'espoir et une angoisse grandissante au fond du cœur. Hélène était en danger mais en vie. Désireux d'aller lui porter secours, il ne posa aucune question quand il s'engouffra à son tour dans le véhicule. A l'intérieur, il y vit également le médecin de famille et son épouse infirmière, tout deux invités par monsieur Menier en ce réveillon de Noël et tout aussi interrogateurs que lui. La monture de métal démarra sous le regard du châtelain et d'Astrid qui comprit les intentions de son père.

François l'enlaça quand des larmes de joie inondèrent ses joues. Ressentant le besoin d'isolement, le couple monta au premier étage et traversa un vestibule aux petits carreaux de terre cuite timbrés d'une fleur de lys traversée par une dague. Passant à côté de médaillons en marbre et six tapisseries du 17ème siècle représentant des scènes de chasse, les amoureux arrivèrent à un petit balcon. Blottie contre son fiancé, Astrid laissa alors court à ses émotions alors qu'il observait la Tour des Marques et les jardins. Puis, sentant sa fatigue, François l'accompagna à sa chambre dite des cinq reines.

Elle était ainsi nommée en souvenir des deux filles de Catherine de Médicis, la reine Margot et Elisabeth de France ainsi que de ses trois belles-filles, Marie Stuart, Elisabeth d'Autriche et Louise de Lorraine. Le plafond à caissons arborait les armoiries des cinq souveraines. Un feu dans la cheminée Renaissance réchauffait la pièce. Un lit à baldaquin fut son hôte pour la nuit, sous le regard de deux crédences gothiques surmontées de deux bustes de femmes en bois polychrome du 15ème siècle. Se couchant, Astrid eut une pensée pour sa sœur en remarquant les tapisseries des Flandres du 16ème siècle représentant le siège de Troie et l'enlèvement d'Hélène, les jeux du cirque dans le Colisée et le couronnement du roi David.

Son fiancé prit ensuite possession de celle de César de Vendôme, au beau plafond à solives apparentes que soutenait une corniche décorée de canons. Un lit à baldaquin, une cheminée Renaissance, dorée et peinte ainsi que la fenêtre ouvrant à l'Ouest encadrée par deux cariatides de bois du 17ème siècle meublaient son lieu de repos. De très belles bordures de guirlandes de fruits et de fleurs sortant de cornes d'abondance sublimaient les murs. Dessus, était tendue une suite de trois tapisseries de Bruxelles représentant Le cycle de Cérès.

Le couple Menier, quand à lui, raccompagna tous ses invités sur le parvis du château qui rentrèrent chez eux. Puis, ils rejoignirent au rez-de-chaussée leur alcôve, anciennement celle de Diane de Poitiers. Une grande cheminée les accueillit, portant, ainsi que le plafond à caissons, les initiales d'Henri II et de Catherine de Médicis entrelacées. Deux tapisseries des Flandres du 16ème siècle du Triomphe de la force et de la charité réchauffaient un peu l'atmosphère. Le lit à baldaquin, les fauteuils Henri II recouverts de cuir de Cordoue et la magnifique table en marqueterie habillaient la pièce. Les châtelains s'allongèrent et se souhaitèrent bonne nuit sous le regard du portrait de Catherine de Médicis et du bronze du 19ème siècle de la "Diane d'Anet" évoquant le souvenir de la favorite royale. Le courant du Cher berça leur endormissement passant sous le Cabinet Vert et la librairie aux mêmes ornements.

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