Une nouvelle destinée

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Pendant ce temps, le voyage de la voiture se faisait dans un silence le plus total. Aucun des accompagnateurs n'osait questionner votre arrière-grand-père, d'où une tension émanait. Il avait peur de ne pas arriver à temps. Il fila à vive allure pendant huit heures. Arrivés devant le centre de Cadillac, tous les voyageurs le suivirent à l'intérieur après s'être extirpés du véhicule. Des religieuses essayèrent de s'interposer mais en vain. Une force inébranlable le guidant, l'intendant se dirigea vers la chambre où il savait qu'il trouverait sa fille. Nathan, toujours sur ses talons, entendit alors des cris déchirants y provenir. Reconnaissant la voix de son aimée, il se mit à courir et dépassant son futur beau-père, ouvrit la porte avec fracas. Le spectacle devant ses yeux le statufia sur place. Hélène était devant lui en sueur, couchée et en proie à une vive douleur. Néanmoins, ce fut son ventre rond qui l'hypnotisa. Hélène, son Hélène, était enceinte et sur le point d'accoucher.

Regardant par dessus son épaule, le médecin de famille qui l'avait suivi dans sa hâte fit preuve de professionnalisme et le poussant, se précipita au chevet de la jeune femme, ordonnant aux religieuses de lui céder la place. Trop abasourdies pour refuser, ces dernières le laissèrent officier. Il constata qu'Hélène était parfaitement dilatée et prête à pousser. Regardant sur son côté, il vit les instruments rouillés. Il en fronça les sourcils et les balançant sur le sol, commanda à sa femme de lui passer ses ustensiles qu'il savait en meilleur état mais surtout stérile. La guerre avait beaucoup appris à la médecine sur l'hygiène nécessaire à tout acte médical. Alors que le médecin s'occupait d'elle, Hélène était restée sur la vision de son fiancé, toujours immobile devant elle alors que son père, honteux, restait dans le couloir. Le voyant ainsi paralysé, elle l'appela :

« Nathan... Vous êtes enfin là. Que Dieu soit loué.

- Hélène, se réveilla-t-il au son de cette voix mélodieuse avant de lui saisir la main qu'elle lui tendait tout en fixant du coin de l'œil son arrondi. Est-ce...

— Oui, je vais mettre au monde notre enfant, » confirma-t-elle, comprenant sa question derrière son hésitation.

Soudain, une contraction la saisit douloureusement. Elle essaya tant bien que mal de résister à la souffrance. Voyant cela et conscient qu'elle était entrée dans la phase de travail, le médecin pria Nathan de les laisser. Le futur père refusa mais une main douce et un regard réconfortant mais fatiguée d'Hélène le poussèrent à obtempérer. Se résignant, il rejoignit dans une pièce adjacente son futur beau-père, à qui il exigea des réponses. Son souhait fut exaucé au point qu'il ne put se retenir. A la fin du récit, il envoya une droite sur votre arrière-grand-père qui s'affala sur le sol. La mère supérieure qui venait d'entrer s'interposa. La reconnaissant, il se releva et lui apprit les raisons de ce geste ainsi que la cause de leur présence en ces lieux. Face à deux hommes visiblement déterminés et prompts à la colère, elle ne s'y opposa pas, même si elle aurait bien refusé afin de garder cette pécheresse sous son joug.

Un cri de nouveau-né se fit bientôt entendre. Angoissé autant qu'excité, l'ancien résistant s'essuya les mains sur son pantalon alors que votre arrière-grand-père l'encourageait du regard. Il vit alors l'épouse du médecin les rejoindre, l'enfant emmailloté dans les bras. Lui présentant, elle annonça à Nathan un fils. Le nouveau père le prit délicatement. Voulant voir Hélène, il rentra de nouveau dans sa chambre. Celle-ci, bien que fatiguée, était heureuse et sereine. Elle sourit à sa vue :

« Il est magnifique, Hélène, finit-il par affirmer en lui souriant à son tour. Merci pour ce témoignage de notre amour. Comment désirez-vous l'appeler ?

— Benjamin, lui répondit sa dulcinée qui fixa un instant une ombre qui hésitait à franchir la porte.

— Comme votre père, s'étonna Nathan. Malgré ce qu'il a fait, vous voulez donner à notre fils son prénom.

— Faites-moi cette faveur. Nous sommes tous un peu responsable de cette situation. Puis, il vous a amené jusqu'à moi, prouvant son désir de rédemption. N'est-ce pas un merveilleux signe de réconciliation et de pardon en ce jour de Noël ?

— Vous avez raison, ma douce, » accepta son fiancé après réflexion, reconnaissant la véracité de ces paroles.

Il se tourna alors vers son futur beau-père et l'invitant à rentrer, lui tendit son petit-fils. Sous le regard attendri de sa fille, votre arrière-grand-père le prit et le berça. Il fut plus que touché par la décision d'Hélène. Conscient de ses fautes, il la pria de lui pardonner. Elle le lui assura. Demain était encore à construire. Nathan et lui organisèrent le retour de tous dans les jours qui suivirent. Afin d'éviter les ragots, la jeune femme resta chez son père jusqu'à son mariage. Un mois après sa naissance, Benjamin fut baptisé au sein de la chapelle de Chenonceau, malgré l'absence des vitraux. Sous le regard d'une Vierge surplombant la porte en chêne et une autre à l'enfant au sein d'une loggia, monsieur Menier et Astrid en devinrent le parrain et la marraine, les invités envahissant la tribune royale.

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