5
Il quitta Amy en lui expliquant qu’il reviendrait rapidement. Elle le retint tant qu’elle put, sa peur était au paroxysme. Et la porte se referma. Elle était désormais seule dans l’appartement. Elle frissonna et pareille à ces jeunes filles qui ne se sentent pas en sécurité dans un endroit inconnu, elle se serra les bras contre sa poitrine. Elle n’aimait pas rester sans Jim dans ce grand appartement. Mais ce soir, elle aurait voulu partir, le rejoindre. Et pourtant quelque chose la retenait. Au prix d’un sublime effort, elle se mut vers la chambre.
Des affaires mises en hâte dans un sac afin de passer la nuit à l’hôtel. Elle expliquerait tout le lendemain à Jim. Il comprendrait. Et ce fut au moment de refermer l’armoire qu’elle entendit le bruit.
On eût dit que quelqu’un n’arrivait pas à entrer la clef dans la serrure. Elle appela Jim une fois, deux fois. Pas de réponse. Et soudain la porte s’ouvrit. Elle rappela. Une respiration sifflante, comme celle d’un asthmatique se fit entendre. Amy eut la respiration coupée pendant quelques secondes et si on le lui avait demandé, elle aurait affirmé que son coeur avait cessé de battre.
Elle se précipita vers la salle d’eau et s’y enferma. La voix n’était qu’un murmure et semblait usée par le temps. Cependant, elle comprit distinctement qu’il – le timbre était trop grave pour être une femme – cherchait une Esmeralda. Bien que la porte fut fermée, elle eut le sentiment qu’il était là et recula instinctivement vers le lavabo, comme une proie saignante qui tente d’échapper à son prédateur. Le souffle se rapprochait. Et soudain, le silence. Cette absence de bruit mit les nerfs d’Amy à fleur de peau. Où était-il ? Mon Dieu, pourvu qu’il ait disparu ! Elle se recroquevilla entre le lavabo et la baignoire dans l’attente d’un signe.
Le lavabo gouttait. Seul bruit à peine audible mais qui résonnait dans son esprit comme un martèlement sans fin rythmé de cymbales. Soudain la porte vola en éclats ! Et d’un sursaut elle se redressa Sa main se porta sur les ciseaux qui reposaient sur l’étagère surplombant le lavabo.
C’est alors qu’elle vit le visage. Affreux ! Dévasté par une lèpre purulente. La moitié gauche était quasi détruite, des lambeaux de chair pendaient et dégageaient des surfaces d’os blanchis sur lesquelles on distinguait des taches ressemblant à du moisi. Et sur ce visage était peint un sourire.
Elle voulait vomir. Mais elle voulait avant tout que ce cauchemar finisse. Et la main s’avança accompagnée de la respiration de l’être. Une haleine fétide la prit à la gorge. Une odeur de pourriture. De cimetière. De mort. La main semblait être séparée de son bras ou de ce qui aurait dû être le bras. En effet, il ne restait que l’ossature au bout de laquelle était rattachée une main qui s’arrêtait au poignet. Ce membre pris l’épaule d’Amy, qui tentait désespérément de se défendre avec ses ciseaux. Elle entailla la joue droite ce qui fit jaillir une fontaine de sang. Il ne semblait pas s’en rendre compte. La poigne de la chose – Amy se refusait de l’appeler homme – se resserra et il la propulsa sur son lit.
Sa tête porta contre le montant en bois de sa couche et elle sentait qu’elle s’était ouverte le cuir chevelu. Pourtant, elle n’en eut pas mal. Elle se mit debout et tout se mit à tourner. Elle se précipita hors de la pièce et courut vers la cuisine. La créature était juste derrière elle, elle le sentait. Arrivée à la cuisine, elle ouvrit violemment les tiroirs espérant y trouver une arme contondante quelconque. Elle se retourna l’air farouche, prête à mourir en ayant avant tout défendu du mieux qu’elle le pouvait sa vie.
Puis l’odeur le devança, cette odeur qui vous soulève le coeur. L’odeur d’un cadavre en décomposition. Et ce fut l’homme. Elle lui lança le couteau qu’elle avait dans la main, et un autre et encore un, puis le tiroir. Elle lui jetait tout ce qui lui tombait sous la main. Il n’en avançait pas moins pour autant. Comme s’il était indifférent. Il avançait. Il était là. Juste en face d’elle. Il la regardait de ses yeux véreux, encadrés par des paupières boursoufflées et dévorées par la lèpre. Son haleine brûlait le cou d’Amy et celle-ci dut détourner la tête ne pouvant supporter un instant de plus cette vision. Il sortit une lame. Amy ne sut pas ce que c’était mais elle sentit une douleur au niveau de la gorge et ne put plus rien savoir puisqu’elle était en train de mourir.
L’homme transporta son corps dans la chambre, sur son lit et commença à la découper. Il lui ouvrit tout d’abord la bouche et à l’aide de son rasoir de coiffeur, ce avec quoi il lui avait tranché la gorge, il lui sectionna la langue. La bouche se remplit aussitôt d’un liquide visqueux rougeâtre. Mais l’homme n’en avait cure. Il prit du fl chirurgical et une aiguille. Il resserra les lèvres et les lui cousit avec son fil. Puis il descendit vers son sexe et lui rasa quelques poils. Or la lame coupait si mal qu’il lui fit deux ou trois balafres. Et avec l’aide d’un rouleau adhésif il lui scotcha la langue sur les lèvres. Puis, satisfait, il s’assit dans un coin et admira son œuvre.
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