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Carson se dirige vers sa prochaine victime : Philipps James. Il revient de chez Dufour. Cela fait maintenant quatre jours. Quatre jours qu’il est revenu d’entre les morts pour leur faire payer, à tous ces chiens. C’est mieux que rien, Jésus n’a eu droit qu’à trois jours…
Je suis moi, mais je suis eux. Ils ne veulent pas se souvenir. Ils ne veulent pas voir ce qu’ils sont devenus comparés à ce qu’ils étaient avant.
Comme Dufour qui s’est revu bien sage jusques à cette surboum où il vit la petite amie d’un de ses amis dans les bras d’un autre garçon. Premier chantage, mais la condition était… trop… « élevée » et la fille a refusé, alors il a tout dit à son copain. La fille y a laissé la vie et l’autre mec aussi. Son premier crime parfait. Pas de trace, pas de responsabilité… La première salissure propre… D’autres suivront… Des politiciens, des particuliers… Sans remord, il les faisait chanter et après qu’il avait gagné beaucoup d’argent, il les éliminait. Même moi.
Il a participé à mon exécution, sans raison cette fois. Mais il ne pouvait pas savoir qu’il s’attaquait à un Dieu.Pourtant il l’a bien compris quand nous nous trouvâmes face à face. Même si Nous sommes plus petit que lui, Nous lui avons montré Notre Toute-Puissance. Qu’ils sont faibles ces humains quand ils sont faces à eux-mêmes. Il n’y a rien de pire que la Conscience. La Prise de Conscience c’est le miracle de l’Antechrist. Il a touché les Aveugles et leur a permis de voir leur pire douleur. Se rendre compte que l’on a perdu tant d’années de sa vie sans pouvoir les rattraper, se rendre compte que l’absence et la présence sont exactement les mêmes choses. Ils ont peur, parce qu’ils ne peuvent revenir en arrière. Ils ne veulent pas voir. Ils ne veulent pas entendre la vérité. Ils ne veulent pas se souvenir. Ils ne se souviennent que de ce qui leur fait mal et ils se vengent de cette souffrance en multipliant les morts autour d’eux comme s’ils avaient peur de mourir eux-mêmes. Et moi, qu’ai-je à voir avec tout cela ? Moi… Je les aide à faire le grand pas… Comme Dufour…
Ce fut le troisième jour. Je suis arrivé près de son bateau, avec l’imperméable et le feutre que j’avais volés à Ojo. Il devait sûrement être dans les couchettes car je ne le voyais pas. Je montai donc et défis l’amarre. Je m’introduisis dans la cabine pour faire sortir le « cabin cruiser » du port.
Alerté, je pense, par le bruit du moteur, il sortit et me sauta dessus ! Mais effrayé, sans doute, par mon aspect, il se paralysa. J’achevai donc de le faire sortir et branchai le pilote automatique. L’embarcation fila droit devant elle.
Je me retournai pour m’occuper de Simon. Il n’avait pas bougé. On aurait dit une statue de marbre. Il était à peu près aussi pâle que moi. Puis comme les autres, il plongea ses yeux dans les miens et comme les autres il tomba en hypnagogie. Ce fameux état où l’on ne sait pas si l’on rêve ou non. Pourtant, il s’en sortit et chercha à s’enfuir.
D’abord il me repoussa et courut sur le ponton. Je le suivis, lentement. Il tentait de quitter le navire… ce rat ! S’enfuir, encore et toujours. Refuser la réalité. Refuser le destin. Et comme je suis le Destin, ils me refusent. Ma main se posa sur son épaule. Il s’arrêta net. Il se retourna et m’envoya un direct dans l’estomac. Il se brisa les doigts. Il recommença… En vain… Je le lâchai. Puis il se mit à marcher à quatre pattes pour s’échapper de nouveau en longeant la rambarde. Comme Nous en avions assez, Nous nous empressâmes de mettre fin à ce jeu.
Nous lui prîmes donc la tête entre les mains et la lui firent passer entre deux barreaux. De la main gauche. Nous lui saisissâmes l’oreille et l’arrachâmes. Le sang, repoussé par la vitesse du bateau, tacha ses vêtements et son visage. Il avala quelques projections. C’était drôle. Je le ressortai d’entre les barres. Le liquide de vie faisait de grosses éclaboussures rouges sur le pont. La suite alla très vite. Une chute, le bateau qui avançait toujours, et après une immense nappe rougeoyante agrémentée de cartilages et de viscères, le retour au port au milieu d’une tempête de mer, comme si elle cherchait à goûter mon sang après avoir goûté le sien… Le retour au port, disais-je, et moi qui me fonds dans la foule. Comme n’importe quel autre mortel…
Nous y sommes.
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