Eclair dans l'ombre
C'est une quête. Un évidence. Bien que la désharmonie règne en reine entre les trois braves. Ils entrent ensemble sous la voûte de pierre. Chemin faisant, silencieusement, se dessine face à eux un vaste complexe. Couloirs, portes, dorures enigmatiques, et mécanismes antiques. Pas un son ne résonne en cet endroit. Les repères sont vite perdus. Il aurait fallu consigner la progression ! Comment faites-vous pour être si désordonnés ! Ce lieu requière des qualités qui vous ont été otées ! On ne se regarde plus, on se plonge sans se mouiller dans les casses-tête à chaque pièce disséminés. Même leur résolution n'apporte pas de paix aux tensions. C'est la discorde qui danse langoureusement avec eux. Chacun reproche à l'autre. Personne n'entend. Tous pensent avoir compris. Les autres se trompent. Ils sont idiots. Perdus, butés, entêtés ! Jamais vous ne m'écoutez ! Aucun ne voit que l'ombre du dehors est semblable à celle de leur humeur.
Le temps s'étale ainsi, et se morcèlent leurs esprits. L'une des salles est plongée dans la nuit. Un épais rideau dissimule une fenêtre lumineuse. On le tire avec espoir. Noir ! C'est le noir de l'extérieur, brillant d'horreurs griffues et d'énergies malsaines ! Tout le temple est englouti ! Arpal s'effondre. Il ne peut plus répondre. On le porte. On s'interloque. Le titan l'avait professé. Nous n'avons pas été choisis. Que faire alors ? Rester ici hors d'elle, et laisser s'étaler la Nuit ? Serris instable vascille vers cette idée. Finalement à quoi sert tout cela ? Il suit sans conviction un Lorcal devenu taciturne. On s'engage dans un colimaçon. De fines torchères s'illuminent et suivent leurs pas. Un tapis de velours caresse leurs bottes usées. L'atmosphère évolue tandis que virevoltent des volutes de vie et de lumière. Une vaste porte d'or flavescente est ouverte au faîte de ce chemin.
La salle est un temple hyalin parcouru de lumière. On y voit au travers l'ombre scarlatine de la Masse Noire. Mais en dedans tout n'est qu'éclat et sérénité. De réguliers pavés blancs parent le sol, et les murs de verre semblent une fine et fragile gaze, soumise à l'impétuosité du courroux sombre extérieur. Au centre, l'autel irradie doucement une lueur rêvetue de sacré. Une douce mélodie sybilline et gracile s'évapore en flocons de moire. Dans un écrin de jaspe, une châsse ouvragée semble appeler à la curiosité.
Lorcal est apaisé et impavide. Ses pas l'amènent sans délai vers le coffret. Il ne sait s'il peut, mais il doit. Lui, si sale au milieu de cette pureté, berger de deux épaves affalées au sol ruminant leur désespoir. C'est à n'en pas douter, sa présence était requise, par le destin ou le hasard. Ses doigts parcourent les dorures, les constellations lithiques précieuses, incarnats ou mordorées, argentées ou empailletées. Le couvercle s'ouvre au toucher. Au sein du coeur de bois si finement décoré, une parure à la beauté indicible, à la luisance ineffable, à la légereté adamantine. Lorcal, émerveillé, ressent sa fragilité oxymorique, plume de diamant, indestructible flocon précieux. Un instinct, une pensée évidente, une épiphanie logique l'étreint. Et il ceint son cou du magnifique bijou.
Soudainement la Masse Noire recule ! Périclite dans un périmètre étendu ! Perd sa force et repousse sa frontière ! Un cercle de lumière sanctifie l'espace délétère ! Lorcal se tient au centre. Béni, absous, lavé, sanctifié, purifié, serein, et détaché. Un regard vers ses compagnons qui l'observent. Même Arpal semble reprendre vie. Une larme opaline coule le long de son malheur. Il reconnaît le collier de sa soeur. Tout n'est donc pas perdu. La grâce n'a finalement pas été entièrement corrompue...
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