Chapitre 29 : L’organisateur de soirée

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Lorsqu’ils arrivent enfin à la villa d’Erwann, la propriété est déjà en ébullition. Il déverrouille le portail et se gare dans l’allée, derrière l’Audi de Richard et deux camionnettes sur lesquels « Soirées de malades ! » et « Le buffet pantagruélique » sont inscrits en gros caractères criards.

Ça promet...

À peine Erwann a-t-il posé les pieds sur le sol que sa fille sort de la maison en courant et criant, les bras tendus vers lui. Il l’attrape au vol et réussit à la faire tourner malgré sa grande taille, presque similaire à la sienne. Elle s’accroche à son cou, émue aux larmes. Elle a visité son père au parloir récemment et, une fois encore, cela a été dur de le voir enfermé. Alors, après toutes ces pérégrinations, le retrouver libre est une joie qu’elle peine à contenir.

Erwann passe un moment avec elle, à la câliner et à l’embrasser, tandis que Gwendoline se joint à Richard, qu’elle revoit de visu après des semaines de conversations téléphoniques. La dernière fois qu’ils se sont croisés a eu lieu à l’appartement d’Erwann, après son arrestation, deux mois auparavant.

— Bon retour en Bretagne, chuchote-t-il en la serrant fort dans ses bras.

— Merci infiniment, Bud. Cela me fait tellement plaisir de te revoir.

Dans son étreinte généreuse, elle lui transmet toute sa gratitude au regard de ce qu’il a fait pour l’épauler ces derniers temps. Ils restent dans les bras l’un de l’autre un moment, soulagés d’être sortis de cette affreuse période qu’ils viennent de traverser. À proximité, Erwann les observe, sa fille serrée contre lui, sa tête blonde posée dans le creux de son épaule. Il les apostrophe, faussement jaloux :

— Bon, ça va vous deux, on a compris que vous vous aimiez bien, mais allez-y mollo sur les effusions corporelles, je suis là quand même.

Richard se détache de Gwendoline, qui se dirige vers Manon-Tiphaine, et attrape son meilleur ami dans ses bras pour lui offrir une accolade virile. C’est en riant qu’il lui dit :

— Toujours aussi possessif à ce que je vois ! Mais je suis gay, espèce de crétin. Même si Gwen est magnifique, je ne compte pas me la taper !

Ton fils, en revanche....

— Ouais, ouais, mais quand même, garde tes bras le long de ton corps et arrête de la peloter, le taquine Erwann.

Disant cela, il lui enfonce son poing dans le ventre pour mimer un combat. Alors que Gwendoline et Manon-Tiphaine renouent de leur côté, les deux hommes s’éloignent bras dessus, bras dessous, vers la pelouse, où Richard a fait installer le nécessaire pour ce week-end de festivités.

Erwann constate d’emblée qu’il n’a pas lésiné sur les moyens. Deux énormes banderoles accueillent les convives. L’une célèbre le retour le héros du jour ; l’autre, sa fille, qui vient d’avoir seize ans. Des lampions ont poussé comme des champignons un peu partout dans le jardin. Des guirlandes lumineuses sont disséminées tout autour des espaces verts et d’énormes photophores ponctuent le terrain. Celui-ci est toujours aussi bien entretenu par le jardinier, en dépit de l’absence de son propriétaire. Malgré la sécheresse inhabituelle liée à la canicule qui a sévi tout l’été sur la France, l’herbe et les fleurs ont bonne mine, et tout est aussi beau que lorsqu’Erwann est parti.

Des amis de Manon-Tiphaine, embauchés par Richard pour fignoler la décoration des extérieurs, se battent avec une guirlande électrique qui refuse de tenir autour de la barre d’aluminium de l’un des barnums. D’autres ont déjà été suspendues dans les branches des arbres et le long de la façade de la maison. Erwann imagine très bien l’aspect féérique que toutes ces loupiottes créeront à la tombée de la nuit. Tandis que les jeunes garçons se chargent d’enjoliver l’extérieur, les amies de sa fille ont été réquisitionnées pour déguiser l’intérieur de sa maison en boîte de nuit.

Trois jours de fête, eh bah ça promet...

Erwann regrette déjà d’avoir donné son accord à sa fille qui, encouragée par un Richard diabolique, lui a réclamé cette fête extravagante. Cette dernière lui semble davantage à l’image de son meilleur ami qu’à celui d’une jeune fille sérieuse. Derrière les barreaux, il ignorait où allait le conduire cette décision mais réalise, à présent, qu’avec Richard aux commandes, c'est pure folie.

Armé de son consentement, le duo improbable s’est lâché en organisant l’ensemble des animations, du DJ, déjà en place en train de faire ses réglages sous le premier barnum, au karaoké géant avec vue sur la mer, sans oublier cette idée d’olympiades nocturnes autour de la piscine chauffée. Il envisage déjà le pire en imaginant le DJ surexcité sous cocaïne, entouré de jeunes filles se trémoussant en petites tenues, dansant lascivement sous le regard concupiscent de jeunes mâles en rut à la langue pendante. Il s’attend à trouver tous ces ados aux hormones explosives et en maillot de bain s’embrassant, ou même pire, dans tous les recoins de la piscine... Erwann en veut à Richard de l’avoir embarqué sur ce terrain-là.

Un terrain très glissant...

Mais ce dernier n’en a cure et continue son garden tour comme si de rien n’était. Concernant la restauration, Richard lui montre qu’il a tout prévu. Les tables du buffet ont été installées à l’intérieur du second barnum. Elles permettront aux invités de se nourrir à volonté et, surtout, d’éponger les cocktails qu’un barman aguerri préparera tout au long de la soirée. Erwann a exigé peu de boissons alcoolisées et beaucoup sans, mais le sourire malsain de son ami lui laisse penser que les demandes ont été inversées. Il devra vérifier sur pièce que les proportions soient respectées.

— Je te remercie d’avoir préparé tout ça en mon absence, déclare Erwann à Richard. Ça va être génial pour Manon.

Il n’en pense pas un mot mais se fait violence pour ne pas tout gâcher. Et puis, malgré ses craintes, il est reconnaissant envers son meilleur ami d’avoir géré seul l’organisation de cette surprise party à rallonge.

La surprise serait surtout que tout se déroule bien !

Erwann s’oblige à refouler ses critiques. Il sait que cela fait plaisir à sa grande et que Richard a tout donné pour la satisfaire. Il est conscient de l’investissement qu’a réclamé la préparation de ce week-end de festivités, alors que Richard est toujours en pleins travaux d’agrandissement de son salon.

Celui-ci indique du menton la piste de danse à Erwann lorsqu’ils continuent leur état des lieux. Il le regarde d’un air entendu. Dans ses yeux gris brille une lueur démoniaque lorsqu’il déclare :

— Évidemment, Gaz, ce soir, tu n’y couperas pas.

Erwann sait très bien où il veut en venir, puisque l’origine de son surnom vient de ses talents de danseur et de sa capacité à s’enflammer dès que la musique résonne. Mais Erwann n’aime plus vraiment être le centre de l’attention, en particulier depuis son arrestation. Il sent poindre en lui un léger malaise à l’idée de faire une démonstration de ses aptitudes et préfère changer de sujet :

— Qui doit venir ce week-end ?

— De nombreux invités, tous triés sur le volet. Que du beau monde. La crème de la crème. Pratiquement que des VIP.

Traduction : que des dégénérés.

Richard a envoyé une invitation collective, il y a deux semaines de cela.

— M’ont répondu des collègues à toi, des vieux potes du lycée, et des mecs de mes soirées débauche.

Erwann le dévisage, dubitatif, les yeux ronds comme des soucoupes.

— T’inquiète, ils mettront le feu, ça créera une super ambiance animée. Il faut ce qu’il faut si tu veux que ta fille s’en souvienne. Et puis faut marquer le coup, merde, on fête tes 41 ans aussi. Y’aura une soirée mousse à partir de minuit.

Cette fois, Erwann manque de s’étrangler. Une soirée mousse avec un DJ survolté et un barman distribuant des cocktails chargés ?

C’est la Bretagne ou Ibiza ?

Mais devant l’enthousiasme de son ami, il n’ose rien dire et décide de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Au vu de tous les efforts déployés par ce dernier en son absence, il ne peut rechigner maintenant. Bien sûr, s’il avait su où cela le mènerait, il aurait mis le holà bien avant mais, enfermé, il n’a pas pris la mesure de ce que l’autre déluré ambitionnait.

Pourvu que cela ne vire pas en Sodome et Gomorrhe...

Note à moi-même : ne plus JAMAIS confier l’organisation d’une soirée à Bud. Trop dangereux.

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